Mode futuriste ou révolutionnaire, fausses fourrures et vraies bonnes actions : la Fashion Week de Paris n’a peut-être jamais été aussi engagée qu’en cette saison automne-hiver 2018.
Engagement contre la faim dans le monde chez Balenciaga, pour la protection des espèces menacées chez Lacoste et références à la nature et au réchauffement climatique dans les défilés : cette nouvelle saison parisienne effectuait un nouveau pas vers une mode plus responsable, tout en célébrant l’avènement du « futurewear » à grands renforts de matières ultra-techniques. Retour sur les points les plus marquants de la Fashion Week.
Les visages : cagoulés
Les cagoules étaient omniprésentes cette saison : complétant des combinaisons moulantes surmontées de manteaux translucides chez Marine Serre, encadrant les visages tout en prolongeant des tenues épurées chez Lanvin, ou encore combinées à des lunettes de soleil pour une protection totale chez Dior ou Balenciaga. On en retrouvait aussi version plastique chez Maison Margiela, en laine blanche recouvrant les mâchoires, ou encore en couches superposées dépassant de cols extra-larges.
Photos de gauche à droite : Lacoste automne-hiver 2018, Balenciaga automne-hiver 2018, Maison Margiela automne-hiver 2018, Marine Serre automne-hiver 2018.
L’inspiration : EARTH
Cette saison, la griffe Lacoste s’est engagée en faveur du soutien aux dix espèces les plus menacées au monde, en s’associant avec l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature et son programme « Save Our Species ». Le défilé de la marque au crocodile comprenait des photos de la nature imprimées en all-over sur certaines pièces, et la flore était aussi représentées sur certaines créations chez Wendy Jim, présentées devant une carte du réchauffement climatique, tandis que la maison Chanel a présenté sa nouvelle collection – comprenant de longs manteaux en tweed et des gants aux couleurs pop – dans un décor de forêt automnale. Pour accompagner la sortie de son nouveau numéro EARTH, dédié à la Terre, Antidote a révélé sa première collection de vêtements également centrée sur la même thématique. Entièrement vegan, elle est composées de deux lignes qui s’engage en faveur d’une mode responsable et circulaire : Antidote Care, fondée sur le principe d’upcycling, et Antidote Studio, réunissant quatre capsules conçues en collaboration avec de jeunes labels de mode internationaux (Mats Rombaut, Sankuanz, Strong The et Applecore).
Photos de gauche à droite : Lacoste automne-hiver 2018, Wendy Jim automne-hiver 2018, Chanel automne-hiver 2018, Antidote Care et Antidote Studio printemps-été 2018,
Les chaussures : à plateforme
La nouvelle collection Junya Watanabe était marquée par le retour des Buffalo, associées à des leggings en spandex, tandis qu’Andreas Kronthaler for Vivienne Westwood dévoilait une paire de bottes de gogo-danseuse haut perchées, et qu’Olivier Theyskens présentait des déclinaisons de platform shoes noires, à penchant gothique. Chez Comme des Garçons, on retrouvait une série de Nike Cortez pimpées avec une semelle XXL à motif damier noir et blanc, complétant des looks extravagants inspirés par l’essai de Susan Sontag « Notes on Camp ».
Photos de gauche à droite : Comme des Garçons automne 2018, Junya Watanabe automne 2018, Andreas Kronthaler for Vivienne Westwood automne 2018, Olivier Theyskens automne 2018.
Le mot d’ordre : « Futurewear »
Après le streetwear et le sportswear, place au futurewear ? C’est en tout cas ce que prônait Marine Serre à travers son nouveau défilé, mêlant foulards baroques et matières ultra-techniques, où le terme était inscrit sur plusieurs pièces. En parallèle, Nicolas Ghesquière chez Louis Vuitton proposait des corsets qui semblaient droits venus du futur, tout comme les larges manteaux irridescents signés Galliano pour Maison Margiela, tandis que Yang Li recouvrait certaines pièces de sa nouvelle ligne de l’inscription « 1987 – 2087 », avec l’avenir comme ligne de mire.
Photos de gauche à droite : Louis Vuitton automne 2018, Maison Margiela automne 2018, Yang Li automne 2018, Marine Serre automne 2018.
La bonne action : Balenciaga
Peu avant son dernier défilé, Balenciaga annonçait son partenariat avec le World Food Programme, un organisme affilié à l’ONU dont l’objectif est d’abolir la faim dans le monde d’ici 2030. Après avoir déjà donné près de 200 000 euros à l’ONG, la maison française reversera une partie des bénéfices issus de la vente des pièces de sa nouvelle collection. « Nous considérons cette association avec le World Food Programme comme un pas important vers une mode utile et responsable », expliquait Demna Gvasalia. La nouvelle ligne Balenciaga comprenait d’ailleurs des pièces recouvertes du logo WFP, ou encore du slogan « Saving Lives, Changing Lives », tandis que les nouvelles sneakers Track étaient dévoilées, en parallèle de chemises traversées par un numéro de téléphone renvoyant à une hotline, ou encore une série d’imperméables multi-couches.
Photos : Balenciaga automne-hiver 2018-2019.
La fourrure : FAUSSE
La fourrure véritable vit-elle ses dernières heures dans la mode ? Elle est en tout cas toujours plus remise en question : récemment, Tom Ford ou encore Gucci prenaient la décision de l’abandonner – Marco Bizzarri, le PDG de la maison italienne plebiscitée par les millenials, enfonçant le clou en affirmant que « ce n’est pas moderne ». Cette saison, cette tendance s’est retranscrite sur les podiums, où la fausse fourrure se retrouvait chez Junya Watanabe, Givenchy, Sonia Rykiel, ou encore Sacai, s’intégrant à l’esthétique déconstructiviste des pièces.
Photos de gauche à droite : Givenchy automne-hiver 2018, Sonia Rykiel automne-hiver 2018, Givenchy automne-hiver 2018, Sacai automne-hiver 2018.
La célébration : Mai 68
Les années 1960 étaient mises à l’honneur chez Miu Miu à grands renforts de choucroutes à la Brigitte Bardot, tandis que Dior multipliait les clins d’œil à Mai 68, qui fête cette année ses cinquante ans. Dans un décor tapissé d’affiches déchirées et de couvertures de magazines féminins datant de cette année, ou encore du slogan « Women’s rights are human rights » (dans le prolongement du T-shirt « We should all be feminists » de la collection printemps- été 2017) les mannequins ont défilé en mini-jupes patchworkées, pulls recouverts du symbole de paix et autres lunettes de soleils colorées, s’inspirant de la culture hippie.
Photos de gauche à droite : Miu Miu automne 2018, Dior automne 2018, Miu Miu automne 2018, Dior automne 2018.
L’accessoire : les chaînes
Régulièrement portée autour du cou par certaines personnalités LGBT, dont le producteur Arca ou encore le DJ et designer Shayne Oliver (cofondateur de Hood By Air et directeur artistique de Helmut Lang, qui vient de présenter une capsule en collaboration avec Diesel cette saison), la chaîne a envahi les catwalks de cette nouvelle Fashion Week en collier chez Chanel, Miu Miu, ou encore Chloé. Balenciaga les a également déclinées autour des poignets ou en ceintures, parfois ornées par des sets de clefs, tandis que Louis Vuitton les proposait cernant des jupes plissées.
Photos de gauche à droite : Miu Miu automne 2018, Chloé automne 2018, Louis Vuitton automne 2018, Chanel automne 2018.
La soirée : Givenchy
L’afterparty Givenchy célébrait la première collection en « see now, buy now » de la maison, dimanche 5 mars dernier, avec une afterparty aux accents surréalistes. Outre une salle similaire à la « Black Lodge » de Twin Peaks, et un immense majordome rappellant l’un des personnages de la série réalisée par David Lynch, différents salons thématiques acceuillaient des performances, un karaoké, ou encore un espace de divination où le futur des invités se révélait dans une boule de crystal. Parmi les personnalités présentes, on comptait Virgil Abloh, Anwar Hadid ou encore l’acteur Idris Elba, tandis que la scène live était investie par Sevdaliza (l’une des covers girls de notre numéro FANTASY), Karen Elson, Tsar B et DJ Romy (de The xx).
La signature : les collants
En superposition par Glenn Martens pour Y/Project, montant jusqu’au milieu de la taille chez Andreas Kronthaler for Vivienne Westwood, ou accompagnés de chaussures ouvertes chez Véronique Leroy (qui a présenté sa nouvelle collection à travers une vidéo projetée dans une salle de cinéma), les collants constituait l’un des incontournables de la saison. On les retrouvait aussi en vert pomme puis jaune pâle ouvrant le show Haider Ackermann, qui en dévoilait ensuite une version bicolore, chez Marine Serre, ou encore satinés chez Chanel.
Photos de gauche à droite : Y/Project automne-hiver 2018, Véronique Leroy automne-hiver 2018, Andreas Kronthaler for Vivienne Westwood automne-hiver 2018, Haider Ackermann automne-hiver 2018.
À suivre : Section 8
Après avoir présenté son premier show à New York en février dernier, où les mannequins défilaient avec des poissons entiers dans la bouche, le mystérieux collectif Section 8 a enchaîné avec une seconde présentation à Paris, déconstruisant les basiques du workwear féminin pour mieux les détourner, tout en les associant parfois avec une paire de collants lacérés. Si on ne sait pas précisément qui se cache derrière ce jeune label, les noms de Ryohei Kawanishi, designer londonien, et Akeem Smith, passé chez Hood By Air comme styliste, sont ressortis dans la presse. « On vit dans une ère où trop attirer l’attention a permis à quelqu’un de devenir président, constate ce dernier. Et donc on s’est dit : “on ne veut pas attirer l’attention” ». Engagé politiquement, le label a manifesté à plusieurs reprises ses positions anti-Trump : son nom fait d’ailleurs ironiquement référence à un programme de logements à faibles loyers (l’équivalent des HLM français), actuellement chapeauté par un proche du président, l’ancien docteur en neuroscience Ben Carson, connu pour ses positions conservatrices.
Photos : Section 8 automne-hiver 2018-2019.