Cette marque berlinoise allie artisanat classique et fantasme de progrès pour repenser les normes des catégories genrées.
Des éclairs, des détails façon tuning, des maillots sportifs : bienvenue dans l’univers de Ferrari Concept, la licence de mode avant-garde du voiturier. À mi-chemin entre le courant Cyberpunk et David Bowie dans Les Prédateurs, cette marque “ambisexuelle” explore un nouveau terrain de luxe queer.
Lancée en 2016 par Paige Horinek, une californienne basée à Berlin, la griffe est aujourd’hui co-dirigée par le jeune directeur Erik Raynal, passé par la Central St Martins. Après un premier show dans un strip club parisien, puis un deuxième dans un garage transformé en salon à UV, la troisième collection présentée sur des DJettes en pleine action passe de doudounes en cuir à des slips à poches tissés. Réconciliant artisanat haute gamme, notes rétro-futuristes et touches de kitsch assumées, l’histoire automobile devient une métaphore de liberté expressive et sexuelle. Rencontre avec Erik et Paige pour parler de genre et de conduite.
D’ou vient cette passion pour Ferrari ? Un amour des voitures en particulier ?
Il y a deux ans, Paige, aidée d’une amie, a réalisé un shoot photo inspiré par l’univers Ferrari vintage. Cela l’a tellement motivée qu’elle a décidé d’obtenir les droits de développer ce label sous forme de licence en Europe et aux Etats-Unis. Ferrari évoquait un certain sexy, l’idée de vitesse, et l’aspect ultra luxueux de l’automobile. L’idée d’un produit vestimentaire portant cette culture si puissante semblait d’actualité.
Vous avez dit de cette marque qu’elle était « ambisexuelle ». Qu’est-ce que ça veut dire exactement ?
Par ambisexuel, nous voulions parler d’une ambiguïté dans le genre et, plus largement, de fluidité. L’idée de mode organisée de façon binaire est étrange pour nous : aujourd’hui, l’identité est un spectre vaste, et nos collections pensent d’abord à la taille et aux proportions plutôt qu’aux catégories et codes de genres pré-écrits.
On ne voulait pas appeler ça de l’unisexe car c’est plus complexe : la base du label explore des intemporels féminins, détournés et repensés pour l’homme. Le résultat permet de repenser les attentes de tous les genres.
Des matières précieuses, un artisanat européen classique : quel récit de luxe tissez-vous?
Le luxe à l’ancienne nous inspire : d’une part l’architecture, le design classique, le modernisme, le mouvement Bauhaus, mais aussi le tailoring tel qu’on n’en voit plus beaucoup. De l’autre, un jeu avec des éléments un peu futuristes, voire kitsch. Nous jouons avec une idée de la rapidité un peu dépassée – car la façon dont on imagine le futur et le progrès change peu d’époque en époque.
Il y a un consommateur de luxe ambisexuel alors?
Oui, car nous ne cherchons pas être partout, à avoir des milliers de points de vente, mais plutôt une poignée de clients fidèles qui savent qu’on peut faire des vêtements singuliers et d’excellente qualité. Nous voulons rester un label de niche, qui permette une discussion plus directe avec le client, et en ce sens, se ré-ancrer dans une tradition de mode séculaire.
FERRARI CONCEPT AUTOMNE-HIVER 2017