Rome, août 1950. Imaginez cette ville et cette époque en Afrique, là où la chaleur est accablante, où la lumière calcine et le ciel ne connaît pas les nuages. Là où le climat impose un rythme lent et languissant. Bienvenue à Asmara, la capitale de l’Érythrée, surnommée La Nouvelle Rome. Ex-colonie du pays de Fellini durant plus d’un siècle, l’Italie a eut pour ambition de construire à Asmara une nouvelle métropole. Vestige de ce désir, l’architecture moderniste et rationaliste témoigne, avec un prestige fané, d’années fastes. Marco Barbon est italien. A travers ce Portraits de Villes, il rend un hommage à Asmara emprunt de bienveillance et de nostalgie. Depuis l’établissement du nouveau gouvernement en 1993, il est interdit de prendre des photos sans autorisation. Marco Barbon n’en a pas demandé. Désir de liberté et quête personnelle d’une esthétique racontée à travers les histoires de ses parents étaient antinomiques avec une accréditation officielle. Il a tout photographié au polaroid pour la rapidité et la maniabilité de l’appareil, pour sa pellicule soulignant une forme d’ambiguïté temporelle et atténuant les contrastes d’une lumière trop forte. Deux ans avant la création d’Instagram, Marco Barbon avait déjà cette sensibilité de la photographie à l’esthétique du souvenir : cadrage rapproché pour magnifier le quotidien, contre plongée afin de glorifier les moments, quelques portraits permettant d’incarner la réalité de la ville et le tout enveloppé par des couleurs oxygénées. Une esthétique aujourd’hui « hyper » démocratisée qui, placée dans le contexte d’Asmara trouve sa justesse.
Ce voyage photographique sublime la décadence d’un pays laissé à l’abandon. C’est une ode paradoxale à la lenteur et à la simplicité imposées par la dictature. Un témoignage gracieux et touchant.
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