Fame Monsters : Que faire de l’œuvre des artistes prédateurs ?

Article publié le 16 janvier 2019

Photo : R. Kelly photographié par Terry Richardson.
Texte : Maxime Leteneur.

Alors que de nouveaux témoignages accusent R. Kelly de pédophilie dans la série documentaire Surviving R.Kelly, que sommes-nous censés faire de l’œuvre d’artistes prédateurs ? Écrasés par la connaissance de leur monstruosité, on nous demande de choisir de boycotter leurs œuvres ou non. Seulement, la réponse à ce dilemme éthique ne peut être aussi manichéenne.

Étymologiquement, le monstre est celui que l’on montre du doigt et celui que la société désigne pour établir un cadre de morale à suivre. Dernier grand monstre à avoir provoqué un rejet unanime : Harvey Weinstein, dont les affaires ont provoqué un scandale ayant entraîner dans son sillage bon nombre d’acteurs de l’industrie culturelle et du divertissement, mis en cause pour différents cas d’agressions sexuelles ou de violences faites aux femmes. Ces révélations en pagaille posent des questions majeures : que faire de l’œuvre de ces prédateurs ? Le travail d’un homme est-il indissociable de sa personnalité et de ses actions ? Est-ce qu’apprécier et consommer, c’est cautionner ? Ils ont fait ou ont dit quelque chose d’affreux, et ont fait parallèlement quelque chose de génial. Selon nos valeurs éthiques et morales, il nous est impossible de rester inactif face à de tels actes. Pourtant, cette décision se révèle d’une complexité paradoxale.

Le mythe de l’artiste génial et abusif

Le monde culturel et artistique a toujours été parsemé d’interrogations quant au positionnement de ses acteurs dans la société. Historiquement, la mythologie qui entoure l’artiste a toujours flirté avec l’admissible. « Les artistes n’ont jamais été des êtres humains très fréquentables et encore moins irréprochables, rappelle Richard Mèmeteau, professeur de philosophie et spécialiste de la pop culture. Il n’y a qu’à ouvrir une biographie d’artiste célèbre pour voir à quel point les Picasso, les De Vinci, les Gauguin, les Jerry Lee Lewis ou les Chuck Berry sont opportunistes, pervers et égoïstes… » Pourtant, tous ces artistes sont aujourd’hui célébrés pour leur génie créatif et ont influencé de manière considérable la culture contemporaine. Leurs œuvres, leur art, sont presque tout ce que l’on retient d’eux.

D’autre part, la tendance aux excès – notamment de drogues, d’alcool et de sexe – de certains artistes participe, qu’on l’accepte ou non, à la construction de leur légende. La concupiscence, l’ivresse et la décadence (des caractéristiques moralement considérées comme négatives) qui ont accompagné la scène rock des années 1970 ont, par exemple, fait des Rolling Stones des icônes de la libération sexuelle, et ont plus généralement participé à une émancipation globale. Il n’est donc pas naturel de demander aux artistes d’être les garants d’une bonne moralité, ce n’est tout simplement pas leur rôle, comme le souligne Richard Mèmeteau : « Avant d’accuser ce mode de vie de façon systématique, et de vouloir lui demander des comptes, il faut aussi reconnaître qu’il y a une part de liberté, voire de laisser-faire qui mérite d’être préservé. On n’attendrait pas d’un rockeur des années 1970 ou de Mariah Carey de nous faire l’éloge de la sobriété. En revanche, on doit pouvoir qualifier d’agression, de viol ou d’harcèlement ce qui en est effectivement, et ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. »

Photo : les Rolling Stones.

Trop longtemps, l’artiste a joui d’un statut supérieur censé justifier ses comportements inappropriés, d’une violence innée qui serait parfois nécessaire à la création. « Lynch a fait de la violence faite aux femmes une thématique récurrente de son cinéma. Cette violence est en lui, il l’a reconnu, il en a alimenté ses œuvres », continue le professeur de philosophie, qui soutient également l’idée que l’art et la sexualité disposent d’une connexion inaliénable : « Je ne pense pas que le sexe ne soit pour rien dans le fait de créer des œuvres d’art. L’art sent le cul ou n’est pas. Et la violence en fait partie. La seule vraie question est de savoir si les artistes sont assez honnêtes pour ne pas donner de cette violence une simple image jolie ou cool, ou un genre de truc edgy qu’on mettrait sur un t-shirt ».

Violence et sexualité seraient donc, d’une certaine manière, intrinsèquement liées à l’art. La question est de savoir si des comportements abusifs sont nécessaires à la création artistique. « On fait comme si le génie artistique avait besoin d’être au-dessus des lois pour pouvoir s’exprimer, comme si, pour créer une œuvre d’art, il fallait se comporter en ordure avec les autres êtres humains, s’étonne Geneviève Sellier, historienne du cinéma et spécialiste de la représentation des rapports sociaux entre les sexes dans le septième art, pour le JDD. C’est extrêmement discutable et cela pose quelques problèmes éthiques ».

« Que faire de l’œuvre de ces prédateurs ? Le travail d’un homme est-il indissociable de sa personnalité et de ses actions ? Est-ce qu’apprécier et consommer, c’est cautionner ? »

Une certaine propension à commettre des actes répréhensibles est intégrée dans le mythe du génie artistique – un terme qu’on utilise d’ailleurs rarement pour désigner des femmes. Pour l’historien Martin Jay, c’est ce qu’on appelle « l’alibi esthétique » – en somme, l’art excuse le crime. Il explique qu’au XIXe siècle, le génie artistique « était souvent interprété comme non lié par des considérations non esthétiques – cognitives, éthiques ou autres ». Bien souvent, les manquements éthiques accordés aux artistes concernaient les mauvais traitements infligés aux femmes. Une tradition qui s’est perpétuée en coulisses au fil des décennies et qu’on peine encore à abroger aujourd’hui. Considérer l’artiste comme un être supérieur, et lui accorder l’indulgence qui va avec, n’a que très peu été remis en cause durant longtemps. Ce privilège n’était accordé qu’à cette frange très précise d’individus, là où le « commun des mortels » aurait été jugé aussi bien moralement que judiciairement sans ménagement. Le fait est que, pour expliquer un abus, on trouvera toujours plus facilement d’excuses à un artiste star qu’à un simple inconnu.

Photo : la couverture du Time mettant en avant les personnalités à l’origine du mouvement #MeToo.

Il aura fallu attendre l’explosion de l’affaire Harvey Weinstein et une effusion sans précédent de scandales sexuels qui ont touché le monde culturel, les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc, pour enfin voir l’omerta et les privilèges se briser. « Ces scandales sont surtout l’occasion pour tout le monde de rentrer dans un monde complexe. Ce qui pourrait arriver de pire est de vouloir revenir à une sorte de simplification du réel où les artistes seraient de nouveau sacralisés, ou au contraire diabolisés », appuie Richard Mémeteau. Et à Geneviève Sellier d’ajouter : « Notre sensibilité change avec les évolutions de la société. La domination masculine est toujours là, mais apparaît de plus en plus visible. Considérée comme normale, dans la société en général comme dans l’art en particulier, cette phallocratie est de moins en moins acceptée. Les comportements abusifs, sur les plateaux de tournage comme ailleurs, ont longtemps été subis par les femmes. Ce qui était considéré comme une norme devient de moins en moins supportable ». Avant de conclure : « Désormais, l’artiste n’est plus au-dessus des lois ».

ŒUVRE ET ARTISTE : INDISSOCIABLE ?

Le lien entre l’œuvre et l’auteur ne s’établit pas de façon innée ; cette idée germe au XIXe siècle avec le mouvement romantique où l’auteur est consacré en génie créateur. L’exemple le plus frappant demeure Victor Hugo, omniprésent de la première à la dernière page de ses travaux, qui s’imprègnent par conséquent de ses qualités et ses défauts. Ainsi, l’œuvre et l’artiste se confondent en une entité indivisible. Mais influencent-ils le lecteur pour autant ? C’est une question à laquelle trancheront par l’affirmatif les juges de Charles Baudelaire en 1857, quand ils décrètent Les Fleurs du Mal contraire à la morale publique et aux bonnes mœurs, et condamnent – au même titre que l’œuvre – Baudelaire et ses éditeurs à une lourde amende et à la perte de leur droit de vote.

Au début du XXesècle, une poignée d’intellectuels cherche à couper la chaîne qui unit l’œuvre et son auteur. Dans son livre Contre Sainte-Beuve, Marcel Proust défend que, pour juger de la qualité d’une œuvre, il n’est d’aucune utilité de connaître la vie de son auteur, pour que rien ne détourne le lecteur de l’essentiel : le plaisir esthétique. Une vision qui atteint son paroxysme dans les années 1960-1970 avec Roland Barthes et son idée de « mort de l’auteur ». Pour autant, cette idée n’a jamais vraiment été partagée par la culture populaire qui continue malgré tout d’associer l’homme et son art. Mieux encore, dans de nombreux cas, il se sert de la vie de l’homme comme clef de compréhension d’une œuvre. Comment appréhender « Family Feud » d’un Jay-Z sans connaître son aveu d’adultère préalable, ou « Living on my own » de Freddy Mercury sans connaissance de son homosexualité et de sa séropositivité ? La vie n’est pas un frein à l’œuvre, bien au contraire, seulement, il faut faire attention à ne pas la réduire à la simple existence de son auteur.

Alors faut-il définitivement séparer l’œuvre de l’artiste, ou est-il toujours possible d’apprécier les qualités et le plaisir esthétique indépendamment des codes de morale et d’éthique entre autres valeurs ? L’actrice Tippi Hedren fut l’une des premières à révéler le harcèlement dont elle était victime sur le tournage des Oiseaux, de la part d’Alfred Hitchcock lui-même. Pourtant, dans ses récentes interviews, elle demande « à faire la part des choses entre ce grand film et l’homme ». Si les récentes révélations ont permis de souligner une chose, c’est que plus le scandale est ancien, plus le procès moral et le boycott que l’on peut observer avec les nouveaux cas perd de son sens. « Par exemple, je pense que rien de ce qu’on pourrait dire à propos de Shakespeare n’empêcherait une personne d’apprécier Hamlet. Je ne pense pas que ça gêne beaucoup de monde de savoir que Charles Dickens était une personne horrible », remarque Isaac Chotiner, journaliste pour Slate.

La déflagration médiatique et judiciaire remet-elle en question notre vision des œuvres ? C’est probable, il est impensable aujourd’hui de remettre en question le talent d’un Dalí, supporter franquiste, ou les qualités d’écrivain de Céline, antisémite notoire. « On dirait que plus la personne est proche de nous dans le temps, plus notre expérience émotionnelle ou subjective est forte », continue le journaliste. L’œuvre finit par dépasser son auteur, et contrairement aux cas de notre époque, nous ne pouvons de toute manière plus les empêcher de commettre des méfaits ou de profiter de leur gloire, le temps s’en est chargé.

« Il aura fallu attendre l’explosion de l’affaire Harvey Weinstein et une effusion sans précédent de scandales sexuels qui ont touché le monde culturel, les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc, pour enfin voir l’omerta et les privilèges se briser »

De plus, l’idée même de juger le travail d’un artiste à la lumière de sa biographie touche pour certains critiques à la limite du blasphème. Quand Roman Polanski est arrêté en 2009, des membres du New York Times ont organisé une table ronde pour savoir s’ils devaient « séparer le travail des artistes, des artistes eux-mêmes, en dépit de comportements criminels ou répréhensibles ». Pour le scénariste et critique Jay Parini : « Le fait d’être artiste n’a absolument rien à voir avec son comportement personnel », alors que pour le professeur en culture populaire afro-américaine à l’Université de Duke, Mark Anthony Neal, il faut : « laissez l’art parler de lui-même, et ces hommes affronter leur jugement, mais que jamais les deux ne se rencontrent ». En France, le rapport à l’art tient presque du religieux, comme l’explique Geneviève Sellier : « C’est le manque de regard critique vis-à-vis de l’œuvre qui pose problème. Le critique ou le chercheur est quelqu’un censé nourrir le culte de l’auteur. Remettre en question une œuvre d’art, c’est tabou ! Or, les œuvres d’art, comme toutes les productions humaines, existent dans des contextes socio-déterminés et expriment des rapports de force dans un contexte historique donné. »

Mais séparer l’œuvre de l’artiste, n’est-ce pas une forme de validation indirecte ? Si nombre de critiques se déchirent à ce sujet, le positionnement du public demeure tout aussi complexe. Il est difficile de séparer l’art de l’artiste quand, en 2018, nous sommes conscients de tant de détails sur la vie personnelle de ces artistes, musiciens, acteurs, et que leur art semble à ce point faire office de miroir de leur personnalité réelle. Prenons le cas du rappeur américain XXXTentacion (abattu par balles le 18 juin, ndlr), coupable de séquestration et violences conjugales sur sa petite-amie enceinte. L’homme se présentait lui-même comme une âme abîmée. Dans l’intro de son album 17 sorti l’année dernière (et qui atteindra la 2ème place au Billboard 200), il décrit une vie de « cauchemars » et met en garde les auditeurs « qui ne veulent pas accepter mon émotion », avant d’évoquer l’épisode de son ex-compagne dans le morceau Carry On : « Trapped in the concept / Falsely accused / Misused, and misled / Bitch, I’m hoping you fucking rest in peace ».

Photo : le rappeur XXXTentacion.

En contextualisant de façon dramatique les actes dont il est accusé, XXXTentacion suit le chemin de Weinstein, seulement ici le public semble disposé à l’écouter. Il se rend plus acceptable aux personnes ouvertes aux idées d’un jeune homme endommagé, et permet de générer une certaine forme d’empathie. Un mécanisme dangereux quand on connaît la propension de ces artistes à commettre des abus. « Faire de la bonne musique ne devrait pas suffire à réécrire l’histoire ou à transmettre de la sympathie à une personne qui a fait de grands efforts pour transformer la vie de quelqu’un d’autre en enfer », défend Lawrence Burney, journaliste pour Noisey US. Pour une grande majorité, la question n’est plus de savoir si œuvre et artiste fonctionnent séparément, mais s’il est moralement et éthiquement justifiable de continuer de consommer l’art de ces hommes en connaissance de cause. Parce que l’artiste d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier, pour la simple et bonne raison qu’il s’inscrit désormais dans une logique industrielle, marketing et médiatique, qui génère de facto énormément d’argent. Au lieu de séparer l’art de l’artiste, il semblerait alors avant tout primordial de considérer la possibilité de séparer l’artiste de son industrie.

L’INDUSTRIE CULTURELLE EN QUESTION

Ils sont les premiers complices. Pas seulement parce que ses rouages et les rapports de domination en son sein ont permis pendant des décennies aux prédateurs d’être couverts par une forme de silence, souvent acheté – l’affaire Weinstein en est une preuve éclatante – , mais parce qu’en dépit de terribles accusations, de vies et de carrières détruites, l’industrie semble se délester de ses responsabilités, affichant des sanctions factices pour continuer à les soutenir dans l’ombre.

L’industrie du divertissement a tout intérêt à confondre l’art et l’artiste tant que cela continue de contribuer à vendre des billets de cinéma et des disques. Dans un article écrit pour le New York Times, la journaliste Amanda Hess explique que même s’ils ont été accusés de harcèlement, les hommes d’Hollywood ont tenté de repousser les accusations en utilisant des échappatoires éhontés pour se disculper. Kevin Spacey a choisi cyniquement ce moment pour déclarer son homosexualité, transformant un récit d’assaut déchirant en un coming-out réconfortant. M. Weinstein a répliqué aux accusations portées par des dizaines de femmes en mentionnant ses généreuses contributions à un fond de bourses d’études pour les femmes réalisatrices. Et Bill Cosby était plus qu’heureux de confondre son art avec sa vie personnelle quand il a hurlé son vieux slogan de Fat Albert – « Hey, hey hey ! » – en quittant la salle d’audience de son procès pour agression sexuelle l’été dernier.

« Une certaine propension à commettre des actes répréhensibles est intégrée dans le mythe du génie artistique – un terme qu’on utilise d’ailleurs rarement pour désigner des femmes. Pour l’historien Martin Jay, c’est ce qu’on appelle “l’alibi esthétique” – en somme, l’art excuse le crime »

Quand le créatif est accusé d’abus, un appel est lancé par ses communicants pour empêcher ces détails biographiques dérangeants de se glisser dans les critiques de son travail. Quant aux acteurs d’Hollywood accusés de harcèlement sexuel ou de viol, Weinstein, Spacey, Louis C.K, Ed Westwick ou James Toback n’ont jamais semblé très enclins à séparer leur « art » de leurs abus, pour la simple raison que leur « art » leur permettait ces abus. Voilà comment l’industrie du divertissement a été façonnée avec obscénité par ses abus de pouvoir. C’est aussi vrai pour les cas des photographes de mode Bruce Weber, Mario Testino, Patrick Demarchelier, Terry Richardson ou David Hamilton avant eux, qui ont profité, entre autre, de leur notoriété et de leur relation privilégiée avec les marques et les grandes publications pour harceler ou agresser sexuellement des mannequins ou assistants, une fois n’est pas coutume, féminins comme masculins.

Ces hommes sont accusés d’utiliser leur position créative pour offenser – prétexter une position artistique pour dénuder leur proie, transformer des plateaux de tournage ou des shootings en terrains de chasse ; préparer les jeunes victimes à des cours de théâtre ; attirer ses collègues sous prétexte de réseautage ; profiter de la multiplication des lieux de travail obscurs comme les studios d’enregis­trement, les loges, les bus de tournée, les studios photo, seulement pour les piéger dans des situations sexuelles non invitées. Les performances que nous regardons à l’écran ont été façonnées par ces actions. Et leurs violences ont affecté les chemins des autres artistes, déterminant ceux qui prennent de l’importance, et ceux qui sont harcelés ou humiliés, puis souvent totalement rayés. À leur tour, l’acclamation critique et le poids économique accordé à leurs projets ont contribué à les isoler des conséquences de leur comportement. Par ailleurs, il est intéressant de noter la quasi inexistence de ressources humaines ou autre organisme supposé réguler les rapports professionnels au sein des industries de la mode, cinématographique et musicale, favorisant les rapports de domination.

Photo : la chanteuse Kesha lors de son procès contre le producteur Dr. Luke.

Le monde de la musique n’est pas exempt de tout reproche lui non plus. Il suffit de regarder comment a été géré le cas de la chanteuse Kesha, dont la carrière a pratiquement coulé après qu’elle ait déclaré avoir été victime d’agression sexuelle de la part du producteur Dr. Luke. Menacée et intimidée, sa parole sera étouffée pendant des années, la conduisant tout droit en centre de désintoxication où elle confie avoir été droguée et violée par l’homme avec qui elle est contractuellement engagée, via la maison mère Sony. Le producteur riposte avec une poursuite pour diffamation. Quand elle demande de se libérer de ses obligations, Sony ferme les yeux et l’oblige à honorer son contrat, lui permettant toutefois d’enregistrer auprès d’autres producteurs, mais menaçant que tout disque réalisé sans l’homme ne bénéficiera d’aucune promotion, vouant l’artiste à l’échec. Après de longues batailles juridiques, ce n’est qu’en 2017 qu’un nouveau morceau de Kesha parvient à voir le jour, quatre années après le précédent.

Le cas de la jeune chanteuse est symptomatique de la propension de l’industrie à protéger ses hommes forts en dépit de leurs abus. De nombreuses artistes, de Kelly Clarkson à Tinashe, ont même avoué que leurs labels les obligeaient à travailler avec des artistes et des producteurs problématiques. Enlever l’autonomie de ces artistes féminines est une forme de violence qui peut ne pas être sexuelle ou physique, mais qui est dommageable et répandue dans l’industrie musicale.

« Les hommes dans la musique ont depuis longtemps été les auteurs de violence physique et émotionnelle, et pourtant ils sont célébrés et souvent défendus par leurs jeunes fans »

Sans surprise, les artistes masculins se retrouvent eux protégés. Malgré les lourdes accusations qui pesaient contre lui, Capitol n’a pas hésité à offrir la bagatelle de six millions de dollars pour signer XXXTentacion, contrat que l’artiste rompra lui-même une semaine après sa signature pour des raisons artistiques. De même que Chris Brown s’est vu offrir une vitrine d’exception sur Netflix alors que le monde connaît son passif d’homme violent, notamment envers Rihanna. Et que dire du chanteur de R&B R. Kelly, qui continue de se produire sur scène et de sévir en toute impunité, alors même que les révélations très lourdes de viols, agressions sexuelles et séquestrations (il est accusé de garder des esclaves sexuels à sa disposition) sont notoires et avérées. La liste peut encore continuer longtemps. Kodak Black, 6ix9ine, Nelly, Bertrand Cantat, Twiggy Ramirez… Les hommes dans la musique ont depuis longtemps été les auteurs de violence physique et émotionnelle, et pourtant ils sont célébrés et souvent défendus par leurs jeunes fans.

PRENDRE SES RESPONSABILITÉS

Tant que le système continuera de profiter à une poignée de privilégiés en haut de l’échelle, il sera difficile de faire évoluer durablement les choses. Le salut doit venir du public, premier décideur. C’est à lui de définir ce qui est acceptable, ou non. Seulement, cette échelle de la moralité diffère pour tout un chacun. « Il existe peu de grandes valeurs morales et universelles sur lesquelles on s’entendrait tous, c’est pour cette raison que le droit existe, et qu’il prévaut sur la morale, souligne Richard Mémeteau. Mais on voit bien, dans le cas du harcèlement comme dans d’autres, que la discussion ne doit pas se réduire pour autant à énoncer la loi ». C’est d’autant plus vrai que la loi n’a aucune incidence sur la capacité des artistes à amasser de l’argent et rayonner, « mais refuser de prendre en compte un problème dont on découvre l’ampleur est politiquement irresponsable. Puisque c’est justement cette réalité nouvelle qui s’expose sous nos yeux qui commande de réformer ce qui est légal ou non », finit par nous dire le professeur de philosophie et spécialiste de la pop culture.

Cependant, la solution se doit de venir des valeurs morales de chacun. « Le public n’est pas passif face à ce que ces stars donnent à voir. Il n’est pas condamné à les soutenir. Au contraire, le jeu consiste plutôt à réinterpréter librement l’histoire qui est racontée, remettre les éléments d’une enquête en ordre, peser les raisons qui accréditent la véracité du récit ou au contraire, s’adonner aux différentes théories du complot. C’est le génie du scandale : tout à coup, le récit ou la légende s’éclate en de multiples récits qui échappent au contrôle de ce quasi-dieu ou de cette quasi-déesse. On fait exploser l’idole ».

Photo : Bill Cosby lors de son procès pour viol et agression sexuelle en juin 2017.

À n’en pas douter, l’immunité dont jouissent certains artistes est alimentée par le public, qui peine à faire une croix définitive sur les œuvres – parfois absolument géniales – de ces artistes. « On doit penser l’art en considérant tout ce qui intervient dans sa réalisation, et qu’il est tout à fait normal et acceptable de changer d’opinion à l’égard d’une œuvre en fonction de la façon dont elle a été faite, et des artistes qui y ont participé », argumente Isaac Chotiner. Pourtant, le boycott pur et dur de la part du public demeure l’une des solutions les plus efficaces pour limiter leur champ d’action. Comme pour les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc, c’est par les réseaux sociaux que les premières voix s’élèvent, et prennent le pas sur des médias au positionnement souvent trop flou. La condamnation de Bill Cosby pour agression sexuelle fin avril 2018 a permis de redonner de l’élan au mouvement #MeToo, qui entraîne dans son sillage un soulèvement de prises de position sur d’autres acteurs problématiques de la pop culture. Dans la foulée, le hashtag #MuteKelly invite tout bonnement à arrêter définitivement d’écouter la musique de R.Kelly.

Sur Internet, de plus en plus de tribunes sur des médias spécialisés préconisent le boycott des rappeurs prédateurs, à l’instar de YARD, ou Noisey dans lequel le journaliste Lawrence Burney écrira : « Le hip-hop a toujours été une culture qui se nourrit de jeunes personnages controversés, mais avec ce que l’on sait des artistes précités, il est impossible pour les auditeurs de les soutenir en toute bonne conscience. Afin de bien tenir compte de nos rôles dans leur succès, nous devons vraiment cesser de les écouter. »

« Faut-il définitivement séparer l’œuvre de l’artiste, ou est-il toujours possible d’apprécier les qualités et le plaisir esthétique indépendamment des codes de morale et d’éthique entre autres valeurs ? »

Sentant le vent tourner, quelques institutions commencent à prendre leur responsabilité à bras-le-corps. Ainsi, Bill Cosby et Roman Polanski ont été exclus de l’Académie des Oscars, Netflix évince Kevin Spacey de la série House of Cards (un choix courageux qui leur a coûté 31 millions d’euros en programmes non diffusés), l’industrie de la mode rejette en bloc le photographe Terry Richardson, et surtout, la plateforme de streaming Spotify a décidé en mai de retirer de toutes ses playlists et algorithmes R.Kelly et XXXTentacion (sans les censurer complètement, une décision qui fait suite à la nouvelle politique anti-contenu et comportement haineux qui avait vu une vingtaine de groupes liés au mouvement suprémaciste blanc ou aux néo-nazis évincés de la plateforme suédoise). « Lorsqu’un artiste ou un créateur fait quelque chose de particulièrement nocif ou haineux (par exemple, de la violence envers les enfants ou de la violence sexuelle), cela peut changer la façon dont nous travaillons avec lui ou dont nous le soutenons », se justifie la plateforme suédoise.

Si ces décisions restent pour le moment minoritaires, elles doivent encourager le reste du monde à affronter le dilemme éthique qui s’impose. Du côté des accusés, on reproche à Spotify de céder à « un caprice des réseaux sociaux » et de profiter de la médiatisation particulière des affaires de ces deux artistes. L’équipe de XXXTentacion ira même jusqu’à répondre directement avec une liste d’artistes controversés qui ne subissent pas le même traitement, dans laquelle on retrouve les Red Hot Chili Peppers (agression sexuelle), David Bowie (accusation de viol), James Brown (violence domestique), Michael Jackson (abus sexuel sur mineur) ou encore Dr. Dre (violence domestique), pointant du doigt le deux poids deux mesures dont l’artiste est, selon eux, victime, et ouvrant le débat tout aussi houleux de la censure (même s’ils ne sont pas bannis complètement de la plateforme, le poids des playlists est tel que leur disparition de ces dernières peuvent avoir de très lourdes conséquences sur la diffusion et les scores de ces artistes).

Quelques semaines plus tard, Spotify revient finalement sur sa décision sous la pression de nombreux acteurs du milieu qui s’interrogent sur les réelles motivation de la plateforme et font valoir l’argument racial. En effet seuls deux artistes noirs se sont retrouvés radiés lorsque des dizaines d’artistes de toutes origines auraient pu être concernés. Kendrick Lamar lui-même monte au créneau et milite pour le retour de « X » en menaçant de retirer ses propres morceaux. Cette décision prend aujourd’hui une tournure toute particulière après le décès du jeune rappeur floridien, et la création d’une playlist « hommage » à l’artiste sur le service de streaming, deux mois à peine après avoir voulu l’évincer…

Sa mort aura permis de relancer de vifs débats autour de la question de la dissociation entre l’homme et l’artiste, mais pose surtout la question d’une possible rédemption. Si les actes commis par XXXTentacion demeurent impardonnables, il ne faut pas oublier qu’ils ont été commis à une tout autre période de sa vie et que l’artiste affichait depuis quelques mois de longs messages positifs sur les réseaux. Apaisé, plus mature, sur la voix de la rédemption ? Son dernier clip  du morceau « Sad ! ») paru post-mortem dépeint d’ailleurs ce combat intérieur : on l’y voit assister à son propre enterrement avant de se battre et triompher d’une version plus jeune de lui-même. Prescription ?

Cet article est extrait de Antidote : Excess hiver 2018-2019, photographié par Xiangyu Liu.

Étymologiquement, le monstre est celui que l’on montre du doigt et celui que la société désigne pour établir un cadre de morale à suivre. Dernier grand monstre à avoir provoqué un rejet unanime : Harvey Weinstein, dont les affaires ont provoqué un scandale ayant entraîner dans son sillage bon nombre d’acteurs de l’industrie culturelle et du divertissement, mis en cause pour différents cas d’agressions sexuelles ou de violences faites aux femmes. Ces révélations en pagaille posent des questions majeures : que faire de l’œuvre de ces prédateurs ? Le travail d’un homme est-il indissociable de sa personnalité et de ses actions ? Est-ce qu’apprécier et consommer, c’est cautionner ? Ils ont fait ou ont dit quelque chose d’affreux, et ont fait parallèlement quelque chose de génial. Selon nos valeurs éthiques et morales, il nous est impossible de rester inactif face à de tels actes. Pourtant, cette décision se révèle d’une complexité paradoxale.

Le mythe de l’artiste génial et abusif

Le monde culturel et artistique a toujours été parsemé d’interrogations quant au positionnement de ses acteurs dans la société. Historiquement, la mythologie qui entoure l’artiste a toujours flirté avec l’admissible. « Les artistes n’ont jamais été des êtres humains très fréquentables et encore moins irréprochables, rappelle Richard Mèmeteau, professeur de philosophie et spécialiste de la pop culture. Il n’y a qu’à ouvrir une biographie d’artiste célèbre pour voir à quel point les Picasso, les De Vinci, les Gauguin, les Jerry Lee Lewis ou les Chuck Berry sont opportunistes, pervers et égoïstes… » Pourtant, tous ces artistes sont aujourd’hui célébrés pour leur génie créatif et ont influencé de manière considérable la culture contemporaine. Leurs œuvres, leur art, sont presque tout ce que l’on retient d’eux.

D’autre part, la tendance aux excès – notamment de drogues, d’alcool et de sexe – de certains artistes participe, qu’on l’accepte ou non, à la construction de leur légende. La concupiscence, l’ivresse et la décadence (des caractéristiques moralement considérées comme négatives) qui ont accompagné la scène rock des années 1970 ont, par exemple, fait des Rolling Stones des icônes de la libération sexuelle, et ont plus généralement participé à une émancipation globale. Il n’est donc pas naturel de demander aux artistes d’être les garants d’une bonne moralité, ce n’est tout simplement pas leur rôle, comme le souligne Richard Mèmeteau : « Avant d’accuser ce mode de vie de façon systématique, et de vouloir lui demander des comptes, il faut aussi reconnaître qu’il y a une part de liberté, voire de laisser-faire qui mérite d’être préservé. On n’attendrait pas d’un rockeur des années 1970 ou de Mariah Carey de nous faire l’éloge de la sobriété. En revanche, on doit pouvoir qualifier d’agression, de viol ou d’harcèlement ce qui en est effectivement, et ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. »

Photo : les Rolling Stones.

Trop longtemps, l’artiste a joui d’un statut supérieur censé justifier ses comportements inappropriés, d’une violence innée qui serait parfois nécessaire à la création. « Lynch a fait de la violence faite aux femmes une thématique récurrente de son cinéma. Cette violence est en lui, il l’a reconnu, il en a alimenté ses œuvres », continue le professeur de philosophie, qui soutient également l’idée que l’art et la sexualité disposent d’une connexion inaliénable : « Je ne pense pas que le sexe ne soit pour rien dans le fait de créer des œuvres d’art. L’art sent le cul ou n’est pas. Et la violence en fait partie. La seule vraie question est de savoir si les artistes sont assez honnêtes pour ne pas donner de cette violence une simple image jolie ou cool, ou un genre de truc edgy qu’on mettrait sur un t-shirt ».

Violence et sexualité seraient donc, d’une certaine manière, intrinsèquement liées à l’art. La question est de savoir si des comportements abusifs sont nécessaires à la création artistique. « On fait comme si le génie artistique avait besoin d’être au-dessus des lois pour pouvoir s’exprimer, comme si, pour créer une œuvre d’art, il fallait se comporter en ordure avec les autres êtres humains, s’étonne Geneviève Sellier, historienne du cinéma et spécialiste de la représentation des rapports sociaux entre les sexes dans le septième art, pour le JDD. C’est extrêmement discutable et cela pose quelques problèmes éthiques ».

« Que faire de l’œuvre de ces prédateurs ? Le travail d’un homme est-il indissociable de sa personnalité et de ses actions ? Est-ce qu’apprécier et consommer, c’est cautionner ? »

Une certaine propension à commettre des actes répréhensibles est intégrée dans le mythe du génie artistique – un terme qu’on utilise d’ailleurs rarement pour désigner des femmes. Pour l’historien Martin Jay, c’est ce qu’on appelle « l’alibi esthétique » – en somme, l’art excuse le crime. Il explique qu’au XIXe siècle, le génie artistique « était souvent interprété comme non lié par des considérations non esthétiques – cognitives, éthiques ou autres ». Bien souvent, les manquements éthiques accordés aux artistes concernaient les mauvais traitements infligés aux femmes. Une tradition qui s’est perpétuée en coulisses au fil des décennies et qu’on peine encore à abroger aujourd’hui. Considérer l’artiste comme un être supérieur, et lui accorder l’indulgence qui va avec, n’a que très peu été remis en cause durant longtemps. Ce privilège n’était accordé qu’à cette frange très précise d’individus, là où le « commun des mortels » aurait été jugé aussi bien moralement que judiciairement sans ménagement. Le fait est que, pour expliquer un abus, on trouvera toujours plus facilement d’excuses à un artiste star qu’à un simple inconnu.

Photo : la couverture du Time mettant en avant les personnalités à l’origine du mouvement #MeToo.

Il aura fallu attendre l’explosion de l’affaire Harvey Weinstein et une effusion sans précédent de scandales sexuels qui ont touché le monde culturel, les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc, pour enfin voir l’omerta et les privilèges se briser. « Ces scandales sont surtout l’occasion pour tout le monde de rentrer dans un monde complexe. Ce qui pourrait arriver de pire est de vouloir revenir à une sorte de simplification du réel où les artistes seraient de nouveau sacralisés, ou au contraire diabolisés », appuie Richard Mémeteau. Et à Geneviève Sellier d’ajouter : « Notre sensibilité change avec les évolutions de la société. La domination masculine est toujours là, mais apparaît de plus en plus visible. Considérée comme normale, dans la société en général comme dans l’art en particulier, cette phallocratie est de moins en moins acceptée. Les comportements abusifs, sur les plateaux de tournage comme ailleurs, ont longtemps été subis par les femmes. Ce qui était considéré comme une norme devient de moins en moins supportable ». Avant de conclure : « Désormais, l’artiste n’est plus au-dessus des lois ».

ŒUVRE ET ARTISTE : INDISSOCIABLE ?

Le lien entre l’œuvre et l’auteur ne s’établit pas de façon innée ; cette idée germe au XIXe siècle avec le mouvement romantique où l’auteur est consacré en génie créateur. L’exemple le plus frappant demeure Victor Hugo, omniprésent de la première à la dernière page de ses travaux, qui s’imprègnent par conséquent de ses qualités et ses défauts. Ainsi, l’œuvre et l’artiste se confondent en une entité indivisible. Mais influencent-ils le lecteur pour autant ? C’est une question à laquelle trancheront par l’affirmatif les juges de Charles Baudelaire en 1857, quand ils décrètent Les Fleurs du Mal contraire à la morale publique et aux bonnes mœurs, et condamnent – au même titre que l’œuvre – Baudelaire et ses éditeurs à une lourde amende et à la perte de leur droit de vote.

Au début du XXesècle, une poignée d’intellectuels cherche à couper la chaîne qui unit l’œuvre et son auteur. Dans son livre Contre Sainte-Beuve, Marcel Proust défend que, pour juger de la qualité d’une œuvre, il n’est d’aucune utilité de connaître la vie de son auteur, pour que rien ne détourne le lecteur de l’essentiel : le plaisir esthétique. Une vision qui atteint son paroxysme dans les années 1960-1970 avec Roland Barthes et son idée de « mort de l’auteur ». Pour autant, cette idée n’a jamais vraiment été partagée par la culture populaire qui continue malgré tout d’associer l’homme et son art. Mieux encore, dans de nombreux cas, il se sert de la vie de l’homme comme clef de compréhension d’une œuvre. Comment appréhender « Family Feud » d’un Jay-Z sans connaître son aveu d’adultère préalable, ou « Living on my own » de Freddy Mercury sans connaissance de son homosexualité et de sa séropositivité ? La vie n’est pas un frein à l’œuvre, bien au contraire, seulement, il faut faire attention à ne pas la réduire à la simple existence de son auteur.

Alors faut-il définitivement séparer l’œuvre de l’artiste, ou est-il toujours possible d’apprécier les qualités et le plaisir esthétique indépendamment des codes de morale et d’éthique entre autres valeurs ? L’actrice Tippi Hedren fut l’une des premières à révéler le harcèlement dont elle était victime sur le tournage des Oiseaux, de la part d’Alfred Hitchcock lui-même. Pourtant, dans ses récentes interviews, elle demande « à faire la part des choses entre ce grand film et l’homme ». Si les récentes révélations ont permis de souligner une chose, c’est que plus le scandale est ancien, plus le procès moral et le boycott que l’on peut observer avec les nouveaux cas perd de son sens. « Par exemple, je pense que rien de ce qu’on pourrait dire à propos de Shakespeare n’empêcherait une personne d’apprécier Hamlet. Je ne pense pas que ça gêne beaucoup de monde de savoir que Charles Dickens était une personne horrible », remarque Isaac Chotiner, journaliste pour Slate.

La déflagration médiatique et judiciaire remet-elle en question notre vision des œuvres ? C’est probable, il est impensable aujourd’hui de remettre en question le talent d’un Dalí, supporter franquiste, ou les qualités d’écrivain de Céline, antisémite notoire. « On dirait que plus la personne est proche de nous dans le temps, plus notre expérience émotionnelle ou subjective est forte », continue le journaliste. L’œuvre finit par dépasser son auteur, et contrairement aux cas de notre époque, nous ne pouvons de toute manière plus les empêcher de commettre des méfaits ou de profiter de leur gloire, le temps s’en est chargé.

« Il aura fallu attendre l’explosion de l’affaire Harvey Weinstein et une effusion sans précédent de scandales sexuels qui ont touché le monde culturel, les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc, pour enfin voir l’omerta et les privilèges se briser »

De plus, l’idée même de juger le travail d’un artiste à la lumière de sa biographie touche pour certains critiques à la limite du blasphème. Quand Roman Polanski est arrêté en 2009, des membres du New York Times ont organisé une table ronde pour savoir s’ils devaient « séparer le travail des artistes, des artistes eux-mêmes, en dépit de comportements criminels ou répréhensibles ». Pour le scénariste et critique Jay Parini : « Le fait d’être artiste n’a absolument rien à voir avec son comportement personnel », alors que pour le professeur en culture populaire afro-américaine à l’Université de Duke, Mark Anthony Neal, il faut : « laissez l’art parler de lui-même, et ces hommes affronter leur jugement, mais que jamais les deux ne se rencontrent ». En France, le rapport à l’art tient presque du religieux, comme l’explique Geneviève Sellier : « C’est le manque de regard critique vis-à-vis de l’œuvre qui pose problème. Le critique ou le chercheur est quelqu’un censé nourrir le culte de l’auteur. Remettre en question une œuvre d’art, c’est tabou ! Or, les œuvres d’art, comme toutes les productions humaines, existent dans des contextes socio-déterminés et expriment des rapports de force dans un contexte historique donné. »

Mais séparer l’œuvre de l’artiste, n’est-ce pas une forme de validation indirecte ? Si nombre de critiques se déchirent à ce sujet, le positionnement du public demeure tout aussi complexe. Il est difficile de séparer l’art de l’artiste quand, en 2018, nous sommes conscients de tant de détails sur la vie personnelle de ces artistes, musiciens, acteurs, et que leur art semble à ce point faire office de miroir de leur personnalité réelle. Prenons le cas du rappeur américain XXXTentacion (abattu par balles le 18 juin, ndlr), coupable de séquestration et violences conjugales sur sa petite-amie enceinte. L’homme se présentait lui-même comme une âme abîmée. Dans l’intro de son album 17 sorti l’année dernière (et qui atteindra la 2ème place au Billboard 200), il décrit une vie de « cauchemars » et met en garde les auditeurs « qui ne veulent pas accepter mon émotion », avant d’évoquer l’épisode de son ex-compagne dans le morceau Carry On : « Trapped in the concept / Falsely accused / Misused, and misled / Bitch, I’m hoping you fucking rest in peace ».

Photo : le rappeur XXXTentacion.

En contextualisant de façon dramatique les actes dont il est accusé, XXXTentacion suit le chemin de Weinstein, seulement ici le public semble disposé à l’écouter. Il se rend plus acceptable aux personnes ouvertes aux idées d’un jeune homme endommagé, et permet de générer une certaine forme d’empathie. Un mécanisme dangereux quand on connaît la propension de ces artistes à commettre des abus. « Faire de la bonne musique ne devrait pas suffire à réécrire l’histoire ou à transmettre de la sympathie à une personne qui a fait de grands efforts pour transformer la vie de quelqu’un d’autre en enfer », défend Lawrence Burney, journaliste pour Noisey US. Pour une grande majorité, la question n’est plus de savoir si œuvre et artiste fonctionnent séparément, mais s’il est moralement et éthiquement justifiable de continuer de consommer l’art de ces hommes en connaissance de cause. Parce que l’artiste d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier, pour la simple et bonne raison qu’il s’inscrit désormais dans une logique industrielle, marketing et médiatique, qui génère de facto énormément d’argent. Au lieu de séparer l’art de l’artiste, il semblerait alors avant tout primordial de considérer la possibilité de séparer l’artiste de son industrie.

L’INDUSTRIE CULTURELLE EN QUESTION

Ils sont les premiers complices. Pas seulement parce que ses rouages et les rapports de domination en son sein ont permis pendant des décennies aux prédateurs d’être couverts par une forme de silence, souvent acheté – l’affaire Weinstein en est une preuve éclatante – , mais parce qu’en dépit de terribles accusations, de vies et de carrières détruites, l’industrie semble se délester de ses responsabilités, affichant des sanctions factices pour continuer à les soutenir dans l’ombre.

L’industrie du divertissement a tout intérêt à confondre l’art et l’artiste tant que cela continue de contribuer à vendre des billets de cinéma et des disques. Dans un article écrit pour le New York Times, la journaliste Amanda Hess explique que même s’ils ont été accusés de harcèlement, les hommes d’Hollywood ont tenté de repousser les accusations en utilisant des échappatoires éhontés pour se disculper. Kevin Spacey a choisi cyniquement ce moment pour déclarer son homosexualité, transformant un récit d’assaut déchirant en un coming-out réconfortant. M. Weinstein a répliqué aux accusations portées par des dizaines de femmes en mentionnant ses généreuses contributions à un fond de bourses d’études pour les femmes réalisatrices. Et Bill Cosby était plus qu’heureux de confondre son art avec sa vie personnelle quand il a hurlé son vieux slogan de Fat Albert – « Hey, hey hey ! » – en quittant la salle d’audience de son procès pour agression sexuelle l’été dernier.

« Une certaine propension à commettre des actes répréhensibles est intégrée dans le mythe du génie artistique – un terme qu’on utilise d’ailleurs rarement pour désigner des femmes. Pour l’historien Martin Jay, c’est ce qu’on appelle “l’alibi esthétique” – en somme, l’art excuse le crime »

Quand le créatif est accusé d’abus, un appel est lancé par ses communicants pour empêcher ces détails biographiques dérangeants de se glisser dans les critiques de son travail. Quant aux acteurs d’Hollywood accusés de harcèlement sexuel ou de viol, Weinstein, Spacey, Louis C.K, Ed Westwick ou James Toback n’ont jamais semblé très enclins à séparer leur « art » de leurs abus, pour la simple raison que leur « art » leur permettait ces abus. Voilà comment l’industrie du divertissement a été façonnée avec obscénité par ses abus de pouvoir. C’est aussi vrai pour les cas des photographes de mode Bruce Weber, Mario Testino, Patrick Demarchelier, Terry Richardson ou David Hamilton avant eux, qui ont profité, entre autre, de leur notoriété et de leur relation privilégiée avec les marques et les grandes publications pour harceler ou agresser sexuellement des mannequins ou assistants, une fois n’est pas coutume, féminins comme masculins.

Ces hommes sont accusés d’utiliser leur position créative pour offenser – prétexter une position artistique pour dénuder leur proie, transformer des plateaux de tournage ou des shootings en terrains de chasse ; préparer les jeunes victimes à des cours de théâtre ; attirer ses collègues sous prétexte de réseautage ; profiter de la multiplication des lieux de travail obscurs comme les studios d’enregis­trement, les loges, les bus de tournée, les studios photo, seulement pour les piéger dans des situations sexuelles non invitées. Les performances que nous regardons à l’écran ont été façonnées par ces actions. Et leurs violences ont affecté les chemins des autres artistes, déterminant ceux qui prennent de l’importance, et ceux qui sont harcelés ou humiliés, puis souvent totalement rayés. À leur tour, l’acclamation critique et le poids économique accordé à leurs projets ont contribué à les isoler des conséquences de leur comportement. Par ailleurs, il est intéressant de noter la quasi inexistence de ressources humaines ou autre organisme supposé réguler les rapports professionnels au sein des industries de la mode, cinématographique et musicale, favorisant les rapports de domination.

Photo : la chanteuse Kesha lors de son procès contre le producteur Dr. Luke.

Le monde de la musique n’est pas exempt de tout reproche lui non plus. Il suffit de regarder comment a été géré le cas de la chanteuse Kesha, dont la carrière a pratiquement coulé après qu’elle ait déclaré avoir été victime d’agression sexuelle de la part du producteur Dr. Luke. Menacée et intimidée, sa parole sera étouffée pendant des années, la conduisant tout droit en centre de désintoxication où elle confie avoir été droguée et violée par l’homme avec qui elle est contractuellement engagée, via la maison mère Sony. Le producteur riposte avec une poursuite pour diffamation. Quand elle demande de se libérer de ses obligations, Sony ferme les yeux et l’oblige à honorer son contrat, lui permettant toutefois d’enregistrer auprès d’autres producteurs, mais menaçant que tout disque réalisé sans l’homme ne bénéficiera d’aucune promotion, vouant l’artiste à l’échec. Après de longues batailles juridiques, ce n’est qu’en 2017 qu’un nouveau morceau de Kesha parvient à voir le jour, quatre années après le précédent.

Le cas de la jeune chanteuse est symptomatique de la propension de l’industrie à protéger ses hommes forts en dépit de leurs abus. De nombreuses artistes, de Kelly Clarkson à Tinashe, ont même avoué que leurs labels les obligeaient à travailler avec des artistes et des producteurs problématiques. Enlever l’autonomie de ces artistes féminines est une forme de violence qui peut ne pas être sexuelle ou physique, mais qui est dommageable et répandue dans l’industrie musicale.

« Les hommes dans la musique ont depuis longtemps été les auteurs de violence physique et émotionnelle, et pourtant ils sont célébrés et souvent défendus par leurs jeunes fans »

Sans surprise, les artistes masculins se retrouvent eux protégés. Malgré les lourdes accusations qui pesaient contre lui, Capitol n’a pas hésité à offrir la bagatelle de six millions de dollars pour signer XXXTentacion, contrat que l’artiste rompra lui-même une semaine après sa signature pour des raisons artistiques. De même que Chris Brown s’est vu offrir une vitrine d’exception sur Netflix alors que le monde connaît son passif d’homme violent, notamment envers Rihanna. Et que dire du chanteur de R&B R. Kelly, qui continue de se produire sur scène et de sévir en toute impunité, alors même que les révélations très lourdes de viols, agressions sexuelles et séquestrations (il est accusé de garder des esclaves sexuels à sa disposition) sont notoires et avérées. La liste peut encore continuer longtemps. Kodak Black, 6ix9ine, Nelly, Bertrand Cantat, Twiggy Ramirez… Les hommes dans la musique ont depuis longtemps été les auteurs de violence physique et émotionnelle, et pourtant ils sont célébrés et souvent défendus par leurs jeunes fans.

PRENDRE SES RESPONSABILITÉS

Tant que le système continuera de profiter à une poignée de privilégiés en haut de l’échelle, il sera difficile de faire évoluer durablement les choses. Le salut doit venir du public, premier décideur. C’est à lui de définir ce qui est acceptable, ou non. Seulement, cette échelle de la moralité diffère pour tout un chacun. « Il existe peu de grandes valeurs morales et universelles sur lesquelles on s’entendrait tous, c’est pour cette raison que le droit existe, et qu’il prévaut sur la morale, souligne Richard Mémeteau. Mais on voit bien, dans le cas du harcèlement comme dans d’autres, que la discussion ne doit pas se réduire pour autant à énoncer la loi ». C’est d’autant plus vrai que la loi n’a aucune incidence sur la capacité des artistes à amasser de l’argent et rayonner, « mais refuser de prendre en compte un problème dont on découvre l’ampleur est politiquement irresponsable. Puisque c’est justement cette réalité nouvelle qui s’expose sous nos yeux qui commande de réformer ce qui est légal ou non », finit par nous dire le professeur de philosophie et spécialiste de la pop culture.

Cependant, la solution se doit de venir des valeurs morales de chacun. « Le public n’est pas passif face à ce que ces stars donnent à voir. Il n’est pas condamné à les soutenir. Au contraire, le jeu consiste plutôt à réinterpréter librement l’histoire qui est racontée, remettre les éléments d’une enquête en ordre, peser les raisons qui accréditent la véracité du récit ou au contraire, s’adonner aux différentes théories du complot. C’est le génie du scandale : tout à coup, le récit ou la légende s’éclate en de multiples récits qui échappent au contrôle de ce quasi-dieu ou de cette quasi-déesse. On fait exploser l’idole ».

Photo : Bill Cosby lors de son procès pour viol et agression sexuelle en juin 2017.

À n’en pas douter, l’immunité dont jouissent certains artistes est alimentée par le public, qui peine à faire une croix définitive sur les œuvres – parfois absolument géniales – de ces artistes. « On doit penser l’art en considérant tout ce qui intervient dans sa réalisation, et qu’il est tout à fait normal et acceptable de changer d’opinion à l’égard d’une œuvre en fonction de la façon dont elle a été faite, et des artistes qui y ont participé », argumente Isaac Chotiner. Pourtant, le boycott pur et dur de la part du public demeure l’une des solutions les plus efficaces pour limiter leur champ d’action. Comme pour les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc, c’est par les réseaux sociaux que les premières voix s’élèvent, et prennent le pas sur des médias au positionnement souvent trop flou. La condamnation de Bill Cosby pour agression sexuelle fin avril 2018 a permis de redonner de l’élan au mouvement #MeToo, qui entraîne dans son sillage un soulèvement de prises de position sur d’autres acteurs problématiques de la pop culture. Dans la foulée, le hashtag #MuteKelly invite tout bonnement à arrêter définitivement d’écouter la musique de R.Kelly.

Sur Internet, de plus en plus de tribunes sur des médias spécialisés préconisent le boycott des rappeurs prédateurs, à l’instar de YARD, ou Noisey dans lequel le journaliste Lawrence Burney écrira : « Le hip-hop a toujours été une culture qui se nourrit de jeunes personnages controversés, mais avec ce que l’on sait des artistes précités, il est impossible pour les auditeurs de les soutenir en toute bonne conscience. Afin de bien tenir compte de nos rôles dans leur succès, nous devons vraiment cesser de les écouter. »

« Faut-il définitivement séparer l’œuvre de l’artiste, ou est-il toujours possible d’apprécier les qualités et le plaisir esthétique indépendamment des codes de morale et d’éthique entre autres valeurs ? »

Sentant le vent tourner, quelques institutions commencent à prendre leur responsabilité à bras-le-corps. Ainsi, Bill Cosby et Roman Polanski ont été exclus de l’Académie des Oscars, Netflix évince Kevin Spacey de la série House of Cards (un choix courageux qui leur a coûté 31 millions d’euros en programmes non diffusés), l’industrie de la mode rejette en bloc le photographe Terry Richardson, et surtout, la plateforme de streaming Spotify a décidé en mai de retirer de toutes ses playlists et algorithmes R.Kelly et XXXTentacion (sans les censurer complètement, une décision qui fait suite à la nouvelle politique anti-contenu et comportement haineux qui avait vu une vingtaine de groupes liés au mouvement suprémaciste blanc ou aux néo-nazis évincés de la plateforme suédoise). « Lorsqu’un artiste ou un créateur fait quelque chose de particulièrement nocif ou haineux (par exemple, de la violence envers les enfants ou de la violence sexuelle), cela peut changer la façon dont nous travaillons avec lui ou dont nous le soutenons », se justifie la plateforme suédoise.

Si ces décisions restent pour le moment minoritaires, elles doivent encourager le reste du monde à affronter le dilemme éthique qui s’impose. Du côté des accusés, on reproche à Spotify de céder à « un caprice des réseaux sociaux » et de profiter de la médiatisation particulière des affaires de ces deux artistes. L’équipe de XXXTentacion ira même jusqu’à répondre directement avec une liste d’artistes controversés qui ne subissent pas le même traitement, dans laquelle on retrouve les Red Hot Chili Peppers (agression sexuelle), David Bowie (accusation de viol), James Brown (violence domestique), Michael Jackson (abus sexuel sur mineur) ou encore Dr. Dre (violence domestique), pointant du doigt le deux poids deux mesures dont l’artiste est, selon eux, victime, et ouvrant le débat tout aussi houleux de la censure (même s’ils ne sont pas bannis complètement de la plateforme, le poids des playlists est tel que leur disparition de ces dernières peuvent avoir de très lourdes conséquences sur la diffusion et les scores de ces artistes).

Quelques semaines plus tard, Spotify revient finalement sur sa décision sous la pression de nombreux acteurs du milieu qui s’interrogent sur les réelles motivation de la plateforme et font valoir l’argument racial. En effet seuls deux artistes noirs se sont retrouvés radiés lorsque des dizaines d’artistes de toutes origines auraient pu être concernés. Kendrick Lamar lui-même monte au créneau et milite pour le retour de « X » en menaçant de retirer ses propres morceaux. Cette décision prend aujourd’hui une tournure toute particulière après le décès du jeune rappeur floridien, et la création d’une playlist « hommage » à l’artiste sur le service de streaming, deux mois à peine après avoir voulu l’évincer…

Sa mort aura permis de relancer de vifs débats autour de la question de la dissociation entre l’homme et l’artiste, mais pose surtout la question d’une possible rédemption. Si les actes commis par XXXTentacion demeurent impardonnables, il ne faut pas oublier qu’ils ont été commis à une tout autre période de sa vie et que l’artiste affichait depuis quelques mois de longs messages positifs sur les réseaux. Apaisé, plus mature, sur la voix de la rédemption ? Son dernier clip  du morceau « Sad ! ») paru post-mortem dépeint d’ailleurs ce combat intérieur : on l’y voit assister à son propre enterrement avant de se battre et triompher d’une version plus jeune de lui-même. Prescription ?

Cet article est extrait de Antidote : Excess hiver 2018-2019, photographié par Xiangyu Liu.

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