Que faut-il retenir de la fashion week de New York ?

Article publié le 16 septembre 2016

Texte : Jessica Michault
Photo : AREA printemps-été 2017

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La rave party de Marc Jacobs, les boots siamoises d’Hood By Air, la collection années 2000 d’Area, la collaboration Alexander Wang x Adidas… Qu’a-t-on retenu parmi les centaines de défilés, soirées, présentations et performances ? Résumé de la Fashion Week de New York en 10 points essentiels.

LA COLLABORATION SURPRISE : ALEXANDER WANG X ADIDAS

Alexander Wang x Adidas printemps-été 2017

Ce que nous attendions tous depuis bien longtemps vient enfin de se produire : Alexander Wang s’est associé à une marque de sportswear pour une créer une collection capsule street et bad-ass. Son partenaire de choix – Adidas Originals. Cette décision de l’équipementier allemand pourrait tout simplement éclipser Nike sur le domaine des collaborations de streetwear de niche.

Wang a tenu parole avec la puissante collection de 84 pièces envoyée par suprise à la fin de son défilé printemps-été 2017. Soutenue non seulement par un lookbook sans fard shooté par Juergen Tellen et une vidéo promotionnelle façon « Mr. Robot », la collection se met aussi à l’heure du see now, buy now. Neuf pièces issues de la collection étaient disponibles à New York cette semaine si vous vous rendiez à une localisation précise à une heure précise et attendiez pour l’arrivée d’un camion pop up non signalisé mais rempli des pièces Alexander Wang x Adidas, avant que tout ne disparaisse.

Si Wang a inversé les iconiques trèfle et logo « Originals » d’Adidas, il a aussi et surtout suscité un incommensurable désir chez ses nombreux fans. Pour ceux qui auraient manqué le passage du camion, l’attente risque d’être très longue avant que les pièces n’arrivent en boutique au printemps prochain.

L’ACCESSOIRE MÉMORABLE : LES COWBOY BOOTS D’HOOD BY AIR

Hood By Air printemps-été 2016

Au moment où la première paire de cowboy boots signé Shayne Oliver a foulé le podium d’Hood By Air, les flashs d’un millier de téléphones dégainés des poches de l’assemblée se sont déclenchés pour immortaliser la scène. Les réseaux sociaux ont été inondés d’images de ces chaussures dont il était difficile de passer à côté. Et il fallait vraiment voir l’un de ces clichés pour comprendre le fonctionnement de ces bottines.

En collaboration avec la marque FRYE spécialisée dans la facture de boots classiques, Oliver a imaginé une étrange paire de bottines siamoises ; si bien que l’on ne savait plus vraiment dans quel sens les mannequins se déplaçaient. Comptez-sur ces bottines pour envahir les éditoriaux mode des prochains mois. Et si vous souhaitez jugez par vous-même de la praticité de ces boots, comptez au moins 1000 euros pour vous en procurer une paire.

Sur la deuxième marche du podium de la chaussure la plus farfelue, les  souliers décalés de Thom Browne. Ses talons en forme de bateaux chamarrés, de baleines ou d’ancres marines navigueront dans les boutiques au printemps.

L’HOMMAGE MODE : BILL CUNNIGHAM FOREVER

Bill Cunningham

Bill Cunningham est entré dans l’histoire de la mode mais n’est pas prêt de se faire oublier. Adoré tout autour du monde pour sa manière charmante et modeste de chroniquer le fil du style sur les rues des capitales de la mode, Bill n’aimait rien de plus qu’une tenue bien accordée, peu importe qui pouvait bien la porter. En grand-père des photographes de streetstyle, il capturait l’histoire de la mode à travers son objectif, monté sur la selle de son vélo bancal et vêtu de sa veste bleue d’ouvrier français.

Et s’il suivait la mode où qu’elle le mène, ses vrais points d’arrêts étaient les rues de New York. Il était donc logique qu’au début de la Fashion Week de NYFW, ses pairs… oubliez ce que je viens dire, Bill n’a pas de pair…. Ses enfants (ne nous a-t-il jamais tous appelés « mon enfant ») dans la fosse des photographes lui ont rendu un hommage des plus émouvants. Tous ont endossé la même veste bleue d’ouvrier qu’il portait pour photographier les défilés. Quelque part là-haut, Bill a le sourire aux lèvres.

LA SURPRISE CONTINUELLE : LE DÉFILÉ LACOSTE

Lacoste printemps-été 2017

Cela fait maintenant six ans que Felipe Oliveira Baptista a rejoint Lacoste au poste de directeur artistique. Et ses collections n’ont depuis fait que redoubler de puissance saison après saison. Sa signature ? Proposer aux clients de mode des vêtements de sport toujours dotés d’une touche d’intellectualisme. À chacune de ses collections, il trouve toujours de nouveaux de moyens de faire un clin d’œil à l’histoire athlétique de la maison tout en regardant droit vers le futur du marché du sportswear de luxe en pleine expansion.

Sa collection printemps-été 2017 ne fit pas exception à la règle. Composée de pièces colorées et confortables sans jamais faire l’impasse sur le style, la proposition avait tout d’un fruit parfaitement mûr qui ne demande qu’à être cueilli. Les adeptes de la marque pourront mordre à pleines dents dans les tops et survêtements aux rayures en fusion, aux joggings taille haute et autres indispensables manteaux robes de chambre. Cette collection urbaine et décontractée a prouvé que la classe et l’allure urbaine ne sont pas antinomiques.

LE MEILLEUR DÉCOR : MARC JACOBS

Marc Jacobs printemps-été 2017

Cette saison, l’accent était mis sur le lieu. De nombreuses grandes marques, et une superstar de la musique, ont fait défiler leur collection sur d’impressionnants sites. Ralph Lauren a bouclé Madison Avenue pour présenter sa collection see now, buy now devant sa boutique amirale de l’Upper Eastside. Pour mieux vous vendre les silhouettes directement après le show, mon cher. Tommy Hilfiger a monté de toutes pièces sur le Pier 16 du port de South Street un carnaval de rue ; et tout était là, de la grande roue aux stands de hot dogs et barbes à papa. Kanye West a lui convié tout le monde sur l’esplanade de la Franklin D. Roosevelt Four Freedoms Park.

Mais, une fois encore, Marc Jacobs a présenté en arrière-plan de son défilé un décor à la fois magique et lunatique. Avec l’aide du set designer Stefan Beckman, a transformé le Hammerstien Ballroom en un dance hall stylisé, ou plutôt une rave party post-moderne. Au-dessus de la scène en bois couverte de flaques d’huile, des milliers d’ampoules scintillaient tels des papillons de ville et leur éclat se reflétait dans les mares de pétrole. Tout était réuni pour construire un décor riche et presque interactif au milieu duquel Jacobs pourrait laisser s’exprimer sa créativité, et ses mannequins aux dreadlocks multicolores déambuler.

ALL EYES ON : AREA

AREA printemps-été 2017

La marque Area aime faire la fête. Et si vous n’êtes pas d’humeur, glissez-vous dans le pantalon aux rayures tigres en cristaux Swarovski à top assorti, ou dans l’une des robes en soie à pois façon dalmatien, et vous vous retrouvez debout en train de danser sur une table en moins de deux.

Cette collection colorée et enlevée, riche de pièces inspirées par le meilleur du Paris décadent des années 1980 et du New York des années 1960, est apparue comme un antidote ultra sucré à la tendance sombre et souvent disparate des marques de streetwear qui luttent pour être in. Même les accessoires de cette collection étaient chargés d’énergie positive. Comment ne pas esquisser un sourire à la vue de ces boucles d’oreilles pendantes terminées de faux glaçons pailletés, de ce masque solaire effet miroir (parfait pour un #selfie) et de ces baguettes en plexiglas glissées dans les cheveux ?

On comprend aisément pourquoi la marque a fait partie cette année des finalistes du Vogue Fashion Fund Prize aux Etats-Unis. Jetez simplement un œil aux images que le duo a fourni à la presse. Ces visuels semblent tout droit sortir des pages glacées d’un magazine. Et très bientôt – retenez bien ce que je vous dis – c’est exactement là où le tandem Fogg et Panszczyk verront leurs créations printemps-été 2017.

LE SHOW AVEC UN MESSAGE : OPENING CEREMONY

Opening Ceremony printemps-été 2017

La question de la démocratisation de la mode est sur toutes les lèvres. Mais cette saison, bon nombre de marques ont poussé le concept encore plus loin en démocratisant le podium. En effet, de vraies gens ont foulé le catwalk de Christan Siriano et ont posé pour d’interminables photos à la présentation J.Crew.
Mais la marque à s’être vraiment démarquée est Opening Ceremony. Les créateurs Carol Lim et Humberto Leon ont imaginé une assemblée publique où les mannequins côtoyaient une poignée de célébrités qui discutaient avec les maîtres de cérémonie – les comédiens Carrie Brownstein et Fred Armisen – de différents problèmes contemporains. Whoopi Goldberg, Rashida Jones, Ali Wong et Sarah McBride comptent parmi les célèbres noms à avoir pris part au show.

Le résultat met l’accent sur les évènements actuels plutôt que sur les vêtements en eux-mêmes. Mais avec l’élection américaine qui se profile,  le défilé s’est déroulé comme un beau test grandeur nature.

LA PREMIÈRE COLLECTION : JONATHAN SAUNDERS POUR DVF

Diane Von Furstenberg printemps-été 2017

Avec la décision de Raf Simons de faire l’impasse sur cette saison (il n’est à la direction artistique de Calvin Klein que depuis août – même si on a l’impression que cela fait déjà plusieurs mois), le titre de « première collection majeure » revient à Jonathan Saunders qui a présenté son premier jet en tant que directeur de la création de Diane Von Furstenberg.

Saunders a insufflé à la marque son charme britannique et décalé à travers une collection composée d’un mix de silhouettes asymétriques imprimés de motifs hétérogènes entrés en collision tout autour du corps. Le créateur s’est affranchi du traditionnel défilé pour organiser, deux jours durant, des rendez-vous en tête à tête avec des rédacteurs influents et leur faire découvrir la collection et leur partager sa nouvelle vision de cette maison emblématique.

Ce nouveau départ, au cœur d’une saison synonyme de grands changements et d’importantes premières collections, Saunders a prouvé qu’il avait ce qu’il faut pour accompagner la griffe DVF dans sa transition vers la prochaine décennie. Espérons que les nouveaux décollages des autres maisons seront tout aussi positifs.

LE PHÉNOMÈNE PORNO : NAUGHTY NEW YORK

De gauche à droite : Namilia printemps-été 2017, Alexander Wang printemps-été 2017

Bien que parler de tendances aujourd’hui semble un peu désuet, comptez sur les jeunes new-yorkais pour épicer le concept. Ils l’ont fait – vous l’aviez deviné – en misant la carte du sexy.

Ni avec des pièces transparentes ni avec des silhouettes ultra moulantes – même si, après réflexion, beaucoup de ces marques en avaient également. Il s’agissait plutôt cette fois-ci d’un aspect plus prosaïque du sexy – l’industrie de la pornographie.

Au défilé Jeremy Scott, il y avait un t-shirt imprimé du logo « X rated ». Adam Selman a imprimé sa collection d’un motif de filles nues, tandis qu’Alexander Wang a emprunté une route légèrement plus raffinée en brodant son motif de pin-up. Les pièces les plus trash provenaient, elles, du défilé Namilia, où sont apparues des pièces couvertes d’écusson colorés illustrant des actes sexuels. Le show Hood By Air était même sponsorisé en partie par PornHub. Et les t-shirts à logos dédiés seront sans doute un must have lors de leur arrivée en boutique HBA la saison prochaine.

N’oubliez pas d’effacer votre historique après avoir visionné ces collections.

L’INSTANT #WTF : LE DÉFILÉ YEEZY

Yeezy printemps-été 2017

Kanye West continue de se cogner la tête contre les murs dès lors qu’il est question d’un défilé Yeezy. Mais vous vous devez de lui accorder du mérite pour sa détermination sans faille à faire accepter on travail par l’ensemble des spécialistes de la mode.

Cette fois-ci, il s’est mis à dos plus d’une figure majeure de l’industrie. Non pas pour la localisation lointaine de sa présentation, la Franklin D. Roosevelt Four Freedoms Park est un très bel endroit et on aurait presque pardonné à l’artiste le temps nécessaire pour s’y rendre (près de deux heures). Mais en faisant attendre l’assemblée en plein soleil (sans eau) pendant des heures, West a dépassé les bornes. Certains se sont levés et sont partis, un mannequin a fait un malaise à cause de la chaleur et les sièges des défilés d’autres marques sont restés inoccupés puisque le show Yeezy a dévoré la majorité de la journée.

Quant à la collection en elle-même, elle n’était ni plus ni moins qu’une copie conforme de tout ce que l’on a déjà vu chez Yeezy par le passé – sporty et nude dans des matières moulantes. Et même les chaussures bancales, qui n’ont parfois pas résisté, ont rappelé au mauvais souvenir du premier défilé de West à Paris.

Pour la prochaine fois, il ferait mieux d’accorder plus de considération à ses invités, ses mannequins et les autres créateurs s’il espère un jour remonter dans l’estime de l’industrie.

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