Si son show Mariah’s World est plus attendu que le Père Noël, c’est avant tout pour ses crises pharaoniques et son art du débordement bling.
Cela fait 12 ans qu’une tradition perdure lors de la période des fêtes : l’apparition télévisuelle de Mariah Carey en train de chanter le même hit devenu hymne, All I want For Christmas is You, subjuguée d’émotions fédératrices, au bras d’un énième Père Noël.
Cet hiver, la championne de l’auto-revival a caché une autre surprise dans sa hotte, qu’elle vient nous livrer en cette Sainte-Alice : sa propre série de télé-réalité sur la chaine E !, « Mariah’s World », suivant de près sa tournée et les préparatifs de son mariage au businessman James Packer.
Les Lambilly (ses fans, qui se disent fiers de la suivre comme des lambs, ou des agneaux) le savent bien : Mariah ne cherche jamais à faire peau neuve, mais plutôt miser sur des formules gagnantes – à savoir, dans ce cas là, sa réputation internationale de diva-en-chef, qui a grandement participé à sa renommée.
La chanteuse a dévoilé vendredi 3 février 2017 le clip de son nouvel hymne « I Don’t », en featuring avec le rappeur YG.
Le show met donc en scène des crises des plus décadentes que son public attend avec impatience. On la découvrira en train de taper du pied pour obtenir des éléphants albinos et des tigres blanc en guise de décoration pour son mariage ; de demander d’être accueillie par des pièces entières remplies de petits chiots lors de ses voyages; de violemment jeter des poignées de diamants contre le mur en parlant de ce qui la chiffonne à la troisième personne.
Premier métier ? Drama Queen. Le chant n’est devenu à peine plus qu’une toile de fond à son opulente folie, hilarante et choquante face à un paysage de pop dominé par une pseudo-authenticité.
DE CHANTEUSE À DRAMA QUEEN PROFESSIONNELLE
Mariah ne naît pourtant pas Diva, elle le devient graduellement. Sa première gloire se fait dans les années 90 et 2000, grâce à ses 5 octaves magistraux et un sens du tube, la menant à générer un nombre incroyable de hits durant plusieurs années consécutives, faisant d’elle l’une des plus grandes vendeuses d’albums de tous les temps.
L’étendu de son triomphe, on le découvre en 2002, dans l’émission MTV Cribs : voilà la jeune fille latino d’une banlieue de New York, qui a grandi dans un racisme et une discrimination répétitive, pour finalement écrire l’une des plus flamboyantes success stories de la fin du 20ème siècle. Et ce, dans les règles de l’art en époque pré-crise : elle accueille les journalistes dans ses intérieurs mi-Lolita mi-Trump Tower ; elle répond aux questions depuis sa baignoire de Golden Boy et décrète, dans le plus grand des sérieux : « j’ai du licencier tous ses poissons et les faire remplacer illico presto car ils refusaient de caller à mon rythme horaire ».
Détachement total du monde extérieur due à sa gloire, ou folie naissante ? C’est bien ce que se demande l’Amérique quand elle certifie, en live au début des années 2000 qu’elle n’a jamais entendu parler de Jennifer Lopez – alors décrite comme sa concurrente, elle aussi new-yorkaise originaire d’Amérique Latine.
Soudain, ses ventes et ses hits stagnent, mais Mimi La Diva, elle ne cesse de faire parler de ses extravagances à défaut de sa musique : ses rapports sexuels sont limités aux lundis, au son de ses propres tubes ; elle ne se déplace qu’avec sa horde de chiots, eux-mêmes refusant tout voyage sans leur propre crew canin ; lors de toute apparition publique, elle arrive armée de son propre papier toilette, pour elle comme pour ses animaux de compagnie. Même marcher lui semble un gaspillage d’énergie – surtout quand on peut se faire pousser à travers les aéroports en chaise roulante, talons de 14’ aux pieds.
En 2015, Mariah Carey inaugure son étoile sur le Hollywood Walk of Fame.
Cerise sur le gâteau : en 2009, elle quitte la soirée très privée d’inauguration de l’élection d’Obama, outrée qu’elle ne soit pas assise à la table du président et sa femme. Malgré tout, elle ne voit pas d’où vient cette réputation : elle se dit en 2009, sur la chaîne américaine GMTV, « choquée , outrée et horrifiée » qu’on la décrive comme une diva. « Je n’arrive pas à comprendre ce qui a pu donner cette impression. De ma vie toute entière, je n’ai jamais fait la moindre demande vaguement diva », dit Mariah Carey, avant de poursuivre en glorieuse contradiction : « en plus, excusez moi mais connaissez la définition de diva ? C’est juste une femme qui chante bien. Voilà, c’est bien moi ».
DIVA EN 2017: PERTE DE REPERES OU STRATEGIE 3.0 ?
Aujourd’hui, sans nouveau gros hit, elle capitalise sur le passé : elle est connue pour avoir été connue, et multiplie les apparitions télé en tant que célébrité avant tout . Quand elle chante, ce sont les mêmes chansons, dans des tenues et des brushings changés. Les modes changent, mais Mariah est éternelle.
Et en plein revival 90 ou ressurgissent soudainement soudainement Missy Elliott et Janet Jackson, Mimi n’a jamais quitté la scène. Elle est restée là, année après année, comme un rappel d’un monde où le champagne coulait à flots ; où être connue était l’accès à un statut de demi-dieu, coupé du restant de la société.
Ajoutez à ça une grande compréhension du fonctionnement viral des réseaux sociaux. « Mariah est aujourd’hui dans une vraie-fausse décadence : tout est fait en clin d’œil à ses habitudes formées au top de sa gloire, avec une conscience parfaite de l’humour Internet : chaque scandale de cette entertaineuse de première est pensé pour devenir un Meme et ‘break the internet’ », pense Hannah Verdier du journal The Guardian.
Cette famille Kardashian en une personne incarne à la fois les grandes divas du passé et le présent – une double lecture oscillant entre ADN inébranlable et adaptation subtile à la culture pop voyeuriste d’aujourd’hui. Depuis sa piscine en marbre, elle semble militer pour une pérennité, un défi de l’âge, des tendances ; elle raconte le succès de l’auto-conviction. Comme par exemple, quand, il y a quelques jours, elle n’hésitait pas à poster un selfie d’elle et Beyoncé et à largement plus se retoucher que Queen Bey, de dix ans sa cadette. Est-ce qu’on y croit ? Absolument pas, et c’est bien ça qui fait sa magie.