Que faut-il retenir de la Fashion Week de Milan été 2020 ?

Article publié le 25 septembre 2019

Photo : Gucci printemps-été 2020.
Texte : Henri Delebarre.
24/09/2019.

De la première collection femme de Silvia Venturini Fendi, en solo depuis la disparition de Karl Lagerfeld, au final historique du défilé Versace avec Jennifer Lopez, en passant par l’avalanche de motifs naïfs et le retour à une certaine sobriété, voici ce qu’il ne fallait pas manquer lors de la dernière Fashion Week de Milan printemps-été 2020.

Si sa position en tant que seconde industrie la plus polluante du monde est remise en question, la mode participe néanmoins activement au dérèglement climatique. Et cette problématique semble être de plus en plus considérée par les créateurs qui présentaient leurs nouvelles collections lors de la dernière Fashion Week de Milan, organisée du 17 au 23 septembre. D’un point de vue stylistique, cette prise de conscience s’est traduite par un retour aux pièces intemporelles et au minimalisme tandis qu’une avalanche d’imprimés végétaux et tropicaux envahissait de nombreux catwalks, parmi lesquels celui de Donatella Versace, qui créait l’événement de la semaine en faisant défiler Jennifer Lopez. De son côté, la Camera Nazionale della Moda Italiana (CNMI) continuait de célébrer la mode durable en organisant la troisième édition de ses « Green Carpet Fashion Awards». Ailleurs, les motifs régressifs offraient une échappatoire joyeuse à un climat politique pesant, tandis que Silvia Venturini Fendi célébrait l’insouciance des longues journées d’été à travers sa première collection femme pour Fendi sans Karl Lagerfeld. Voici ce qu’il ne fallait pas manquer de cette Fashion Week de Milan été 2020, en cinq points.

Les motifs : naïfs

À l’heure où la collapsologie gagne du terrain, nombreux sont les designers qui cèdent à la nostalgie et choisissent d’explorer le monde de l’enfance, une période qui se veut rassurante et à la fois synonyme d’innocence et d’insouciance. Cette approche s’est matérialisée au travers de l’apparition d’un grand nombre d’imprimés naïfs. Chez Marni, après avoir habillé ses créations masculines pour l’hiver 2019 de personnages tirés du dessin animé italien Allegro non Troppo, Francesco Risso ornait ses silhouettes composées à l’aide de matériaux recyclés de motifs fleuris ultra-colorés qui semblaient avoir été peints par la main d’un enfant, que l’on retrouvait tricotés sur des robes-filets. Chez Moschino, Jeremy Scott s’inspirait quant à lui des œuvres de Pablo Picasso pour composer des silhouettes ludiques et sculpturales, peinturlurées de fleurs, d’arabesques et autres motifs abstraits que l’on retrouvait sous une autre forme, en mix and match, sur de longues robes vaporeuses chez Missoni. Pour sa deuxième collection pour la maison vénitienne Bottega Veneta, le philophile Daniel Lee imposait sa marque avec une collection qui faisait une nouvelle fois la part belle au tissage intrecciato, et où ne figurait qu’un seul et unique imprimé représentant un singe contemplant avec envie un ananas. Enfin, chez GCDS et Iceberg, Bisounours et autres personnages des Looney Tunes tels que Bugs Bunny amenaient de la joie sur des pièces faussement candides, telles que des bikinis en crochet à leur effigie.

Photos de gauche à droite : Marni été 2020, Bottega Veneta été 2020, Moschino été 2020, Missoni été 2020.

La collection : Silvia Venturini pour Fendi

Cette saison, un nouveau jour s’est levé pour Silvia Venturini Fendi, déjà directrice artistique des collections masculine et des accessoires de la maison romaine, qui présentait le 19 février dernier sa toute première collection femme pour la marque. En coulisses de ce défilé printemps-été 2020, elle a ainsi évoqué les nouvelles responsabilités qui lui incombent désormais, suite à la disparition de Karl Lagerfeld (arrivé chez Fendi en 1965). 

Comme une métaphore de l’avénement de cette nouvelle ère pour la maison italienne, au bout du podium, l’arcade par laquelle apparaissaient les mannequins prenait la forme d’un soleil rougeoyant, qui plongeait dans une mer de miroirs pour disparaître avant de renaître sous un jour nouveau, dont l’arrivée était annoncée en final du défilé par le titre « Let the Sunshine In ». Outre l’ouverture de ce nouveau chapitre, l’astre indiquait également le point de départ de cette collection estivale tout simplement inspirée par les longues journées d’été et les grandes vacances, cette période de l’année ou s’évapore l’anxiété, où renaît la liberté et où se détendent les corps. « Quand l’été approche, mon état d’esprit change », racontait en backstage Silvia Venturini Fendi qui, pour son ode aux journées de farniente, imaginait des pièces confortables taillées dans des matières simples et légères telles que la soie, le coton lavé ou l’éponge. Déclinées dans des tonalités pastels ou dorées, les silhouettes s’agrémentaient d’accents seventies que l’on retrouvaient dans les coupes ou sur des imprimés fleuris façon tapisserie. Aux pieds, portés avec de fines chaussettes, les mocassins étaient quant à eux dotés d’un talon large mais peu élevé pour garantir confort et stabilité. Inventrice du sac Fendi Baguette, best-seller de la marque, l’héritière de la maison Fendi ne sacrifiait cependant rien au luxe et mettait l’accent sur l’artisanat et la maîtrise des savoir-faire par les ateliers : en témoignent entre autres les sacs – Peekaboo ou Baguette -, qui faisaient écho ça et là à un polo et une jupe crayon ajourés.  

Photos de gauche à droite : Fendi été 2020.

La valeur : la sobriété

« Nous devons faire moins. Il y a trop de mode, trop de vêtements, trop de tout », déclarait Miuccia Prada en coulisses de son dernier défilé pour traduire le conflit intérieur qui l’anime, entre désir de vendre et volonté de ralentir le consumérisme effréné que l’industrie de la mode attise de son flot incessant. Pour le printemps-été 2020, la créatrice italienne adepte des mélanges d’imprimés éclectiques prenait ainsi un virage à 180 degrés et opérait un retour aux « vrais vêtements » là pour durer. Le défilé s’ouvrait ainsi sur une silhouette presque minimaliste, simplement constituée d’un polo manches longues gris souris porté avec une jupe crayon blanche taillée dans un tissu léger légèrement froissé. Une efficacité et une intemporalité que l’on retrouvait tout au long de la collection, comme sur une robe blanche à bretelles nouées taillée dans le même tissu, ou encore sur des vestes de costume cintrées parfaitement coupées et assorties à des pantalons ou des jupes parfois brodées de plumes stylisées en sequins dorés ou argentés. D’une élégance indéniable et dénuées d’artifices conceptuels, les pièces ne signifiaient qu’une chose : « la personne devrait être plus importante que les vêtements».

Chez Gucci, Alessandro Michele changeait lui aussi de direction pour contenir sa « peur de s’ennuyer » et se réinventer à l’aube de sa cinquième année en tant que directeur artistique de la maison italienne. Après avoir habitué sa clientèle à des créations maximalistes mélangeant les influences, le designer romain présentait un défilé beaucoup moins baroque qu’à l’accoutumée, qui s’ouvrait sur une page blanche matérialisée par vingt et une silhouettes immaculées présentant des variations autour de la camisole de force. Quasiment absents, les imprimés cédaient la place au color-blocking et à des silhouettes limpides tandis que le noir, une couleur jusqu’alors peu présente dans le travail d’Alessandro Michele, s’imposait. Adepte du minimalisme depuis la premier heure, le label Jil Sander – dont les lignes sont signées Luke et Lucie Meier – offrait également une place de choix à la sobriété, mais mettait cette fois-ci davantage l’accent sur l’artisanat au travers de détails en raphia qui empêchaient à l’austérité de devenir ennuyeuse.

Photos de gauche à droite : Gucci été 2020, Prada été 2020, Jil Sander été 2020, Prada été 2020.

L’incontournable : la lingerie

Après avoir amorcée son entrée dans les collections printemps-été 2020 sur les podiums de New York puis de Londres au début du mois de septembre, l’univers de la lingerie a poursuivi sa percée lors de cette dernière Fashion Week de Milan, entre interprétations littérales et réinventions subversives, comme chez Gucci, où Alessandro Michele prenait appui sur le fétichisme et la tendance SM pour imaginer des nuisettes bordées de dentelle rouge sang ou rose néon. Parfois portées avec un choker ou de longs gants en vinyle luisants, leur satin effleurait la peau des dominatrices qui les arboraient en tenant dans leurs mains des fouets ou des cravaches, clins d’œil à l’héritage équestre de la maison florentine. De son côté, le label GCDS utilisait la délicate matière en lui donnant une impulsion sportswear sur un soutien-gorge et un short de cycliste élastiqués. Déviée de son utilisation pour la confection de sous-vêtements, la dentelle s’invitait enfin chez MSGM sur des tailleurs-pantalons monochromes et transparents, portés sur des chemises ou des blouses à col montant taillées dans la même dentelle, en ton sur ton. 

Photos de gauche à droite : MSGM été 2020, Gucci été 2020, GCDS été 2020, Gucci été 2020.

L’événement : le come-back de la robe jungle

Février 2000. Lors de la 42ème cérémonie des Grammy Awards à Los Angeles, Jennifer Lopez fait une apparition plus que remarquée sur le tapis rouge. Aux côtés de Puff Daddy, la chanteuse américaine apparaît dans une robe fluide et transparente dessinée par Donatella Versace et imprimée d’un motif jungle. Le décolleté est si plongeant (jusqu’au nombril) et la silhouette si sexy qu’elle atteint un buzz inégalé : sur Google, les recherches de photos de la « robe verte Versace de Jennifer Lopez » explosent. La demande est telle qu’elle inspire l’année suivante au moteur de recherche la création de Google Images. Donatella Versace entre ainsi dans l’histoire d’Internet et la légende de la robe jungle est née.

C’est pour célébrer le vingtième anniversaire de cet événement – sans doute la première fois où la mode a inspiré la technologie – que ce vendredi 20 septembre, la créatrice italienne a décidé de clôturer sa collection printemps-été 2020 en faisant défiler J. Lo dans une version actualisée de cette robe mythique. À la fin du show, organisé en collaboration avec Google, le public a ainsi pu entendre Donatella Versace déclarer : « Ok Google, montre moi des images de la robe jungle », avant de voir des photos de Jennifer Lopez en 2000 tapisser les murs. Puis, alors que l’excitation montait dans la foule qui sentait venir un happening, la créatrice italienne aux commandes de la maison milanaise depuis l’assassinat de son frère Gianni a dit : « Ok Google, maintenant, montre moi la véritable robe jungle ». Sous les cris de l’assistance en délire et devant un mur de smartphones, Jennifer Lopez est alors apparue pour déambuler sur le podium avant d’être rejointe par Donatella Versace, venue saluer à ses côtés. Aussitôt dans la soirée de vendredi et durant tout le week-end, Instagram a été submergé par un flot d’images issues de ce défilé qui a répété l’histoire pour « casser l’Internet » une nouvelle fois.

D’abord portée par Donatella Versace au Met Gala en 1999 et par la chanteuse des Spice Girls Geri Halliwell aux NRJ Music Awards en janvier 2000, la robe jungle était le point de départ de cette nouvelle collection notamment composée de robes noires minimalistes aux épaules aiguisées et de créations qui déclinaient l’imprimé végétal en orange ou rose fuchsia. Emblème des années 2000, cette même robe avait servi de source d’inspiration pour la collection Versace x H&M de 2011.
Depuis le défilé printemps-été 2018, qui rendait hommage à Gianni Versace (assassiné vingt ans plus tôt devant sa villa de Miami), lors
duquel avaient redéfilé les tops Claudia Schiffer, Naomi Campbell, Carla Bruni, Helena Christensen et Cindy Crawford sur le tube « Freedom » de Wham !, Donatella Versace fait ainsi preuve d’une certaine habileté pour commémorer des événements passés à travers ses shows, suscitant le buzz dans les médias et sur les réseaux sociaux.

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