Que faut-il retenir de la Fashion Week de New York été 2020 ?

Article publié le 17 septembre 2019

Photo : Dion Lee printemps-été 2020.
Texte : Henri Delebarre.
17/06/2019.

Esthétique camp, looks immaculés et castings toujours plus inclusifs : voici ce qu’il ne fallait pas manquer lors de la dernière Fashion Week de New York.

Malgré l’absence de quelques-unes de ses plus grandes têtes d’affiche comme Calvin Klein, qui a décidé d’abandonner sa ligne haut-de-gamme et a mis un terme à sa collaboration avec le créateur belge Raf Simons, ou encore Boss, parti pour pour Milan, et Diane von Furstenberg, que Tom Ford vient de remplacer à la tête du CFDA, la Fashion Week de New York reste pour le moins dynamique, boostée par une génération de jeunes designers dont la créativité folle lui donne parfois des airs londoniens. Entre la déferlante de défilés-spectacles (Tommy x Zendaya, Ralph Lauren, Pyer Moss et surtout Savage x Fenty) et le règne de la diversité au sens large, qu’il s’agisse de l’âge, de la couleur de peau mais aussi et surtout du poids, voici ce qu’il fallait retenir de cette New York Fashion Week été 2020.

L’esthétique : camp

Le goût de la mode pour le second degré et l’exagération ne date pas d’hier. Preuves en sont les Crocs compensées de Balenciaga (été 2018), le sac en plastique de Phoebe Philo pour Céline (été 2018), les cuissardes UGG de Glenn Martens pour Y/Project (hiver 2018) ou encore les robes-meme de Viktor & Rolf (été 2019). Et à en voir cette nouvelle Fashion Week de New York, la saison été 2020 s’annonce bel et bien comme celle du retour à une mode extravagante flirtant avec le mauvais goût. Car aussi lugubre soit son climat politique, l’Amérique a besoin de rire.

Nombreux sont donc les designers à avoir fait du ridicule leur arme. Chez Jeremy Scott, l’une des marques à s’aventurer le plus souvent dans les méandres du mauvais goût, les mannequins arboraient des créations ubuesques (comme un ensemble fait d’un amas de petites culottes en satin et dentelle), assorties à de volumineuses perruques fluo ébouriffées et portées avec des cuissardes métallisées. Chez Marc Jacobs, ce souffle eighties se retrouvait sur des silhouettes fleuries jouant avec les clashs de couleurs électriques et les volumes, quitte à faire disparaître les corps sous les froufrous et à dissimuler les visages derrière de gigantesques lunettes en forme d’ailes de papillon. Chez Puppets and Puppets, le label fondé par Carly Mark et Ayla Argentina, l’expression « marcher sur des œufs » prenait quant à elle tout son sens puisque les chaussures prenaient la forme de boîte d’œufs tandis qu’un soutien-gorge imitait des œufs au plat. Un humour absurde complété par des touches d’ironies, notamment chez Vaquera où la collection baptisée « In Loving Memory of New York » s’inspirait entre autres des déceptions amoureuses et de la Saint-Valentin. Une tendance camp entérinée chez Area, Gypsy Sport ou encore Christian Cowan par un flot de cristaux et de paillettes.

Photos de gauche à droite : Marc Jacobs été 2020, Gypsy Sport été 2020, Jeremy Scott été 2020, Gypsy Sport été 2020.

La sensation : Savage x Fenty

Entre la création de son label Fenty sous l’égide du groupe LVMH et l’arrivée de son prochain album (qui devrait sortir à la fin de l’année), Rihanna est sur tous les fronts. À New York pour présenter la nouvelle collection de sa ligne de lingerie Savage x Fenty, la chanteuse Barbadienne a offert un show spectaculaire à ceux qui ont eu la chance d’assister à son très attendu défilé organisé le 10 septembre dernier au Barclays Center, à Brooklyn. Dans une salle comble où l’usage des smartphones était interdit pour garder le secret avant la retransmission mondiale du défilé sur Amazon Prime le 20 septembre prochain, Rihanna a ouvert le spectacle dans un body en dentelle noire en entamant une chorégraphie sensuelle au milieu d’autres danseurs. Pensé pour être l’un des événements les plus mémorable du calendrier de cette Fashion Week, le show était animé par les rappeurs Big Sean, DJ Khaled, A$AP Ferg, Migos ou encore par la chanteuse Halsey, qui performait dans une tenue de la marque tandis que les mannequins Bella Hadid, Gigi Hadid, Cara Delevingne, Joan Smalls, Alek Wek et Slick Woods déambulaient dans des créations ouvertement sexy. Toujours motivée par sa volonté d’être inclusive et de prôner le body positivisme, Rihanna faisait également défiler l’actrice transgenre Laverne Cox ou encore le mannequin grande taille Paloma Elsesser. Une propension à établir de nouvelle règles qui a amené le site américain Business of Fashion à titrer son report de défilé « Rihanna 1 / Victoria Secret 0 ».

Photo : Savage x Fenty été 2020.

La silhouette : immaculée

Alors que l’esthétique camp, mise à l’honneur jusqu’au début du mois de septembre avec l’exposition du Metropolitan Museum of Arts, et le mauvais goût – également célébré sur le dernier tapis rouge des VMA – ont opéré un retour fracassant, une silhouette silencieuse et immaculée s’est également imposée, comme pour s’opposer à tout ce vacarme. Au milieu des flashs de couleurs fluorescentes et des pièces les plus farfelues, produits d’une imagination débridée et résultats d’un besoin d’attirer l’attention par tous les moyens, la pureté du blanc a séduit nombre de designers et s’est diffusée avec calme et volupté, comme chez Helmut Lang, où plus d’un quart de la seconde collection imaginée par Mark Howard Thomas et Thomas Cawson était dénué de couleur. Présenté dans un écrin entièrement peint en blanc, le défilé s’appuyait sur l’héritage du label phare des années 90 qui transparaissait sur certaines pièces minimalistes parfois déconstruites.

Une allure sévère que l’on retrouvait chez The Row, le label de Mary-Kate et Ashley Olsen passé maître dans l’art de concevoir des silhouettes à la rigueur monacale mais malgré tout ultra-désirables. Ailleurs, la non-couleur s’immisçait sur les créations de Dion Lee et sur un nombre incalculable de costumes aussi vierges qu’une page blanche comme chez Tom Ford, Prabal Gurung, Eckhaus Latta, Tory Burch ou encore Tommy Hilfiger, où défilait dans un tailleur-pantalon JoAni Johnson, un mannequin sexagénaire déjà aperçu sur la campagne du premier drop de la marque de Rihanna, Fenty.

Photos de gauche à droite : The Row été 2020, Helmut Lang été 2020, Gabriela Hearst été 2020, Tom Ford été 2020.

La confirmation : Dion Lee

Arrivé l’année dernière à la Fashion Week de New York, le créateur australien Dion Lee a livré une nouvelle collection sensuelle voire sexy, inspirée par l’univers de la lingerie. S’ouvrant sur une série de total looks blancs témoins de la quête constante de l’épure qui anime le designer, le défilé mixte s’amusait à inverser les codes traditionnels de la féminité et de la masculinité. Les femmes avaient ainsi le plus souvent l’allure de conquérantes, équipées de soutien-gorges-harnais ou de ceintures-porte-jarretelles en cuir, imaginées en collaboration avec le label de maroquinerie Fleet Ilya et accrochées à des cuissardes. De leur côté, les hommes, que Dion Lee réintégrait cette saison à sa collection, étaient vêtus de pièces laissant transparaître une certaine douceur. Ils portaient notamment des débardeurs à fines bretelles parfois associés à des harnais d’épaules élastiques ou dotés de portes-jarretelles qui moulaient avec douceur les pectoraux pour en épouser les formes. Latent, l’érotisme se faisait plus présent encore sur des pulls tricotés allure seconde-peau, dévoilant les tétons, ou sur des jupes portefeuille révélant, au rythme des pas, l’une des deux cuisses. Dominé par des tons neutres comme le blanc et le nude mais aussi par le noir et le kaki, le défilé se clôturait sur une série de robes fluides nouées au niveau du nombril ou de la poitrine.

Photos : Dion Lee été 2020.

Le casting : toujours plus inclusif

Réputée pour être la plus en avance en termes de diversité et d’inclusivité (en témoigne les rapports publiés chaque saison par le site The Fashion Spot, qui la place souvent devant ses concurrentes européennes), la Fashion Week de New York n’a pas dérogé à la règle cette saison. Mais si l’on a aperçu Winnie Harlow chez LaQuan Smith, les mannequins transgenres Krow Kian et Natan Westling respectivement chez Dion Lee et Helmut Lang ainsi que des modèles plus âgés qu’à l’accoutumée chez Tommy Hilfiger et Maryam Nassir Zadeh (parfois même aux côtés d’enfants voire de bébés comme chez Collina Strada) ce sont cependant les mannequins dits « plus-size » qui semblent s’être le plus démarqués. Du défilé Savage x Fenty de Rihanna à celui de Marc Jacobs ou du label No Sesso, de Paloma Elsesser chez Prabal Gurung et Eckhaus Latta en passant par Ashley Graham chez Tommy Hilfiger, les rondeurs se démocratisent et se normalisent sur les podiums. Une démarche qui va de soi quand on sait qu’en France, où la population est en moyenne moins ronde qu’aux États-Unis, 40% des femmes font déjà au minimum une taille 44. À New York, les pièces du label Chromat – qui décroche cette saison encore la palme du casting le plus diversifié – estampillées « Sample Size » ou confectionnées à partir de bandes lumineuses semblables à un mètre ruban n’incitent qu’à deux choses : être fier de soi et s’assumer tel que l’on est.

Photos de gauche à droite : Pyer Moss été 2020, Chromat été 2020, Gypsy Sport été 2020, Chromat été 2020.

Le consensus : les chaussures à bouts carrés

Amorcée par Daniel Lee lors de son arrivée chez Bottega Veneta mais aussi par Demna Gvasalia chez Balenciaga la saison dernière, la renaissance des chaussures à bouts carrés s’est confirmée sur les podiums de plusieurs défilés comme chez Eckhaus Latta où, pour leur seconde collaboration avec le label UGG, Mike Eckhaus et Zoé Latta ont imaginé des mules et sandales cloutées, montées sur d’épaisses semelles en bois façon sabot. Une rusticité qui contrastait avec les sequins et volants d’ordinaire tenus à distance mais auxquels le duo a cette voit voulu se confronter.

Plus conventionnels chez Proenza Schouler, les escarpins et sandales à semelles et lanières rembourrées en cuir ou satin convoquaient l’image d’une femme bourgeoise et mûre, une working-girl et mère des années 80-90, prête à troquer ses talons contre la paire qu’elle tenait dans la main pour descendre dans le métro après une journée passée au bureau. Large comme sur les tongs aperçues chez Dion Lee ou étroit chez Alexander Wang, le bout carré s’invitait également sur les chaussures de la marque Barragán fondée par le mexicain Victor Barragán qui figure parmi la liste des finalistes du CFDA/Vogue Fashion Fund, un prix qui soutient la jeune création et dont le gagnant sera annoncé le 4 novembre prochain. Comme si leurs bouts avaient été tranchés, ses chaussures au bout parfois zébré démontraient la persistance des années 90, dont l’influence stylistique souffle au-delà du streetwear.

Photos de gauche à droite : Proenza Schouler été 2020, Eckhaus Latta été 2020, Dion Lee été 2020, Barragán été 2020.

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