Comment le vote s’est transformé en véritable produit de pop culture

Article publié le 22 novembre 2018

Photo : Kendall Jenner lors de l’opération « Register to vote » lancée par MTV en septembre 2016
Texte : Antoine Leclerc-Mougne.

De Frank Ocean à Tinder en passant par MTV et Diane von Fürstenberg, la représentation du vote a pris de nouvelles formes inédites (vêtements, applis, goodies ou plateformes web). Au point de devenir un pur produit de consommation.

Si ces dernières semaines vous avez traîné sur les réseaux sociaux de Kim Kardashian, Beyoncé, Frank Ocean, Drew Barrymore ou Jada Pinkett Smith, vous avez dû remarquer que les célébrités ont un temps arrêté leurs sempiternels selfies et partenariats rémunérés à six chiffres pour faire les louanges du vote. Normal, il y a quinze jours avaient lieu aux États-Unis les élections de mi-mandat. L’occasion de mettre une claque à Donald Trump et aux Républicains qui viennent de perdre la majorité à la Chambre des représentants. De là à imaginer que les pop stars peuvent avoir une influence sur les résultats du vote, comme sur la vente d’un produit de consommation lambda, il n’y a qu’un pas… qui a été franchi.

La meilleure preuve de cette promo d’un nouveau genre, c’est Taylor Swift qui l’incarne. Le 8 octobre dernier, à travers un post Instagram, la chanteuse s’est pour la première fois engagée politiquement en motivant ses followers à s’inscrire pour voter et soutenir Phil Bredesen, le candidat démocrate du Tennessee. Selon une étude rapportée par la société de data-tracking TargetSmart, en l’espace de quelques jours après le post de Taylor, les inscriptions sur les listes électorales de cet État du sud des États-Unis ont progressé de 300% chez les jeunes âgés de 18 à 29 ans (en comparaison aux élections de 2014). Coïncidence ? Je ne crois pas.

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VOTEVOTEVOTEVOTEVOTEVOTEVOTE!!! I did💛

Une publication partagée par Jada Pinkett Smith (@jadapinkettsmith) le

L’engagement chez les millenials a même progressé dans tout le pays avec 31% de votants chez les 18-29 ans cette année contre 21% en 2014, selon le Center for Information and Research on Civic Learning and Engagement (CIRCLE). Et pour beaucoup, si les jeunes se sont davantage engagés, c’est parce que des organes non-politiques comme des chanteurs, des marques ou des chaînes de télé se sont réappropriés le vote et l’ont transformé en véritable produit de pop culture.

L’engagement version 2.0

En août dernier lors des Video Music Awards, MTV a annoncé en grande pompe le lancement de +1TheVote, une nouvelle initiative digitale destinée aux jeunes votants afin qu’ils puissent convaincre leurs amis de s’inscrire sur les listes électorales via Facebook Messenger, Twitter ou email et de « vote-shamer » gentiment les récalcitrants avec des messages sous formes de mèmes comme : « Quand tu découvres que ton ami n’est pas inscrit sur les listes mais qu’il est présent à toutes les manifestations…». Le but, selon le président de MTV Chris McCarthy, était de capitaliser sur le penchant de cette génération à partager toutes les facettes de leur vie. « Ils sont la génération la plus connectée de l’Histoire. Pourquoi ne pas lancer quelque chose qui exploite cette force ? », déclarait-il au magazine Wired en août dernier.

Si l’initiative a rencontré son public, c’est sans doute parce que depuis l’arrivée de Trump au pouvoir, l’engagement et l’activisme se sont renforcés (déjà en 2016, MTV avait lancé des opérations d’inscriptions électorales avec l’aide de Kendall Jenner pour inciter les jeunes à aller voter). Au magazine Wired, Chris McCarthy finit même par évoquer l’idée d’une « renaissance et d’un réveil de l’activisme politique », particulièrement au sein de la jeune génération qui met de plus en plus la main à la pâte, à l’image de Mandana Dayani, experte en branding, technologie et mode qui a lancé la campagne de prévention à succès « I am a voter.» avec une série de t-shirts.

Un concept qui n’est pas sans rappeler celui des étudiants du lycée Marjory Stoneman Douglas High à Parkland, école victime d’une fusillade ayant fait 17 morts le 14 février 2018, qui ont décidé cet automne de lancer, avec le soutien de l’association militante March For Our Lives, une ligne de t-shirts et hoodies sur lesquels est imprimé un drapeau américain contenant un QR code pouvant être scanné et renvoyant directement sur les sites Internet d’inscription au vote. « Nous avions besoin d’un t-shirt capable d’incarner notre message, explique au site Dezeen.com Jammal Lemy, directeur artistique de March For Our Lives et ancien étudiant à Parkland. Il fallait trouver un moyen de mobiliser les jeunes à travers tout le pays ». Et ce moyen, ce sont ces nouveaux types de promotions et de mobilisations connectées comme la plateforme +1TheVote ou le t-shirt à QR code. Voire même un (faux) profil sur une appli de dating.

Photos de gauche à droite : campagne de prévention « I am a voter. » créée par Mandana Dayani, will.i.am portant le hoodie créé par les étudiants de Parkland.

Au début de la campagne des élections de mi-mandat, Tinder a lancé son opération Swipe The Vote. Entre deux profils de prétendant(e)s, les utilisateurs pouvaient découvrir un profil fun fact sur le vote, redirigeant vers le site de l’association Rock The Vote qui leur demandait leur code postal pour finalement leur indiquer le bureau d’inscription le plus proche. « 80 % des utilisateurs de Tinder appartiennent à la catégorie des “millenials”, qui est aussi l’une des plus abstentionnistes, vient confirmer Lucas Armati, journaliste installé à New York ayant couvert les élections de mi-mandat pour différents médias français. D’une manière générale, c’est assez compliqué de s’inscrire sur les listes électorales aux États-Unis car les règles changent d’un État à un autre ; ce qui peut vite décourager les votants. Le but de ces opérations, c’est d’aller choper les jeunes électeurs là où ils sont et de leur parler avec des codes qu’ils connaissent. Ce qui passe forcément par faire du vote un produit ludique et connecté. Mais aussi rentable. »

L’appât du gain

Dans un pays où les libertés d’entreprendre et de consommation sont garanties jusque dans la Constitution, quoi de mieux, pour inciter les jeunes à aller voter, que de communiquer sur la possibilité de remporter un cadeau, ou d’obtenir un service moins cher (voire gratuit) ? Afin d’attirer les brebis galeuses de la démocratie à revenir dans le droit chemin des urnes, Uber a par exemple décidé d’offrir des trajets ou proposer des tarifs préférentiels pour tous les Américains ayant besoin d’une voiture pour aller voter.

Mais c’est du côté de l’entertainment que l’Amérique se démarque encore et toujours. Samantha Bee, humoriste connue pour ses positions anti-Trump et présentatrice du talk-show satirique Full Frontal With Samantha Bee diffusé sur la chaîne TBS, a lancé une « quizz app » sur le vote (comprenez un questionnaire sur smarphone) avec des milliers de dollars en cash à gagner à la clé pour les futures votants. Elle explique dans une vidéo de présentation de This is not a game de la façon la plus honnête qui soit : « Je suis déprimée. Je n’ai plus d’idées. Sincèrement, le seul moyen pour que les Américains votent, ce serait de les payer… Je vais gamifier le vote ». Direct, sans détour et efficace. Mais peut-être pas aussi cool que les t-shirts de Frank Ocean.

Photo : affiche promo annonçant l’opération de produits de merchandising liés au vote par Frank Ocean.

D’habitude très discret sur les réseaux sociaux, le chanteur de R&B a relancé son compte Tumblr pour faire la promo du vote, mais à sa manière : en annonçant qu’il allait offrir à ses fans électeurs (sous réserve de preuve de leur vote) des produits de merch inédits. Une stratégie qui n’est pas sans rappeler celle développée par l’artiste Brendan Fowler (également créateur de la marque Some Ware) qui a lancé Election Reform Project : un projet consistant à offrir des pièces de merch exclusives aux votants des élections de mi-mandat, ainsi qu’une ligne de vêtement produite en édition limitée capable de susciter une frénésie digne d’un drop Supreme.

« Ce n’est pas si difficile de voter, malheureusement, (…) on se casse bien plus le cul pour choper des pièces streetwear », expliquait, amère, l’artiste au magazine GQ en octobre dernier, ajoutant que « tous les moyens sont bons » pour lutter contre la désillusion de la jeunesse à l’égard du système politique. Quitte à vendre le vote sans réellement se préoccuper de savoir si les millenials agissent avec une véritable conscience politique…

Aux actes citoyens

Au delà des collections de merch de Frank Ocean et Brendan Fowler, de nombreuses marques et maisons de mode ont elle aussi compris qu’elles pouvaient tirer profit du vote et des élections en lançant des collections spéciales de t-shirts ; que ce soit Levi’s, Urban Outfitters, American Eagle, Lingua Franca, Prabal Gurung, Wildfang, Tory Burch ou Diane Von Fürstenberg (qui s’est essayée au jeu de mot judicieux avec un « Diane Vote Furstenberg »)… Bref, cette année la liste de griffes engagées est aussi longue que le nombre de retards de Lauryn Hill à ses propres concerts. Et pour la grande majorité de ces marques, cet engagement citoyen concrétisé par la sortie de produits dérivés est surtout une manière déguisée d’envoyer un message politique anti-Trump aux acheteurs : Levi’s s’est prononcé pour le contrôle des armes à feu et soutient la cause LGBT chaque année, Diane von Fürstenberg s’est affichée avec Obama et Tory Burch a officiellement soutenu Hillary Clinton en 2016.

Selon une étude de l’agence Sprout Social réalisée en 2017, 70% des consommateurs américains pensent que les marques devraient prôner la transparence et afficher leurs opinions sur les questions politiques et sociales. Logique alors que toutes les marques s’y mettent. Car à y regarder de plus près, faire comprendre qu’on va voter (ou qu’on a voté) par le biais d’un t-shirt à message est presque devenu aussi indispensable que de raconter sa vie sur Instagram, comme le montre le nombre de célébrités (Gigi Hadid, P.Diddy ou encore Tracee Ellis Ross) arborant fièrement sur les réseaux sociaux ces dernières semaines un t-shirt faisant la promotion du vote. « C’est comme si le vote avait remplacé le slogan “Just Do It” de Nike dans les années 90, ajoute Lucas Armati. Pour les marques, c’est avant tout un calcul d’image. Pour elles, s’engager politiquement est devenu hyper consensuel, surtout à l’ère de Trump. Elles ne peuvent décidément plus se couper d’une génération qui a besoin d’avoir un minimum de sens dans ses actes du quotidien. »

Photo : Gigi Hadid portant le t-shirt « Vote » créé par Prabal Gurung.

Mais quelle est alors la portée d’un engagement qui semble vidé de tout son sens politique ? Peut-on encore parler d’une véritable démarche civique et citoyenne quand le vote se retrouve malgré lui, à chaque période électorale, décliné comme un vulgaire produit de consommation à l’image d’une citrouille d’Halloween ou d’un lapin de Pâques ? Les défenseurs du vote version 2018 répondront oui sans hésiter, en précisant que cette année, parmi tous les projets évoqués ci-dessus, la plupart des marques ont reversé la quasi-totalité des bénéfices générés grâce à leurs collections spéciales conçues à l’occasion des élections à des associations à but non-lucratifs, telles que Rock The Vote ou She Should Run.

Des engagements qui montrent que le vote, désormais transformé en produit de consommation pur et simple, a au moins le mérite d’éveiller les consciences et de nourrir le débat politique au-delà des États-Unis. En France, en septembre dernier, l’Élysée avait lancé sa boutique de merchandising (mugs, stylos, montres, bracelets, sweat-shirts) à l’effigie de l’État et de la présidence, notamment en reprenant certaines expressions de Macron devenues tristement célèbres (« Croquignolesque », « Poudre de perlimpimpin »). Mais la riposte ne s’est pas faite attendre avec la sortie de la boutique parodique « Enlysée », se moquant du projet de la présidence avec un sweat « Dernier de cordée » ou un t-shirt « Je coûte un pognon de dingue ». De quoi annoncer une belle concurrence sur le marché du vote lors des prochaines élections…

Si ces dernières semaines vous avez traîné sur les réseaux sociaux de Kim Kardashian, Beyoncé, Frank Ocean, Drew Barrymore ou Jada Pinkett Smith, vous avez dû remarquer que les célébrités ont un temps arrêté leurs sempiternels selfies et partenariats rémunérés à six chiffres pour faire les louanges du vote. Normal, il y a quinze jours avaient lieu aux États-Unis les élections de mi-mandat. L’occasion de mettre une claque à Donald Trump et aux Républicains qui viennent de perdre la majorité à la Chambre des représentants. De là à imaginer que les pop stars peuvent avoir une influence sur les résultats du vote, comme sur la vente d’un produit de consommation lambda, il n’y a qu’un pas… qui a été franchi.

La meilleure preuve de cette promo d’un nouveau genre, c’est Taylor Swift qui l’incarne. Le 8 octobre dernier, à travers un post Instagram, la chanteuse s’est pour la première fois engagée politiquement en motivant ses followers à s’inscrire pour voter et soutenir Phil Bredesen, le candidat démocrate du Tennessee. Selon une étude rapportée par la société de data-tracking TargetSmart, en l’espace de quelques jours après le post de Taylor, les inscriptions sur les listes électorales de cet État du sud des États-Unis ont progressé de 300% chez les jeunes âgés de 18 à 29 ans (en comparaison aux élections de 2014). Coïncidence ? Je ne crois pas.

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Une publication partagée par Jada Pinkett Smith (@jadapinkettsmith) le

L’engagement chez les millenials a même progressé dans tout le pays avec 31% de votants chez les 18-29 ans cette année contre 21% en 2014, selon le Center for Information and Research on Civic Learning and Engagement (CIRCLE). Et pour beaucoup, si les jeunes se sont davantage engagés, c’est parce que des organes non-politiques comme des chanteurs, des marques ou des chaînes de télé se sont réappropriés le vote et l’ont transformé en véritable produit de pop culture.

L’engagement version 2.0

En août dernier lors des Video Music Awards, MTV a annoncé en grande pompe le lancement de +1TheVote, une nouvelle initiative digitale destinée aux jeunes votants afin qu’ils puissent convaincre leurs amis de s’inscrire sur les listes électorales via Facebook Messenger, Twitter ou email et de « vote-shamer » gentiment les récalcitrants avec des messages sous formes de mèmes comme : « Quand tu découvres que ton ami n’est pas inscrit sur les listes mais qu’il est présent à toutes les manifestations…». Le but, selon le président de MTV Chris McCarthy, était de capitaliser sur le penchant de cette génération à partager toutes les facettes de leur vie. « Ils sont la génération la plus connectée de l’Histoire. Pourquoi ne pas lancer quelque chose qui exploite cette force ? », déclarait-il au magazine Wired en août dernier.

Si l’initiative a rencontré son public, c’est sans doute parce que depuis l’arrivée de Trump au pouvoir, l’engagement et l’activisme se sont renforcés (déjà en 2016, MTV avait lancé des opérations d’inscriptions électorales avec l’aide de Kendall Jenner pour inciter les jeunes à aller voter). Au magazine Wired, Chris McCarthy finit même par évoquer l’idée d’une « renaissance et d’un réveil de l’activisme politique », particulièrement au sein de la jeune génération qui met de plus en plus la main à la pâte, à l’image de Mandana Dayani, experte en branding, technologie et mode qui a lancé la campagne de prévention à succès « I am a voter.» avec une série de t-shirts.

Un concept qui n’est pas sans rappeler celui des étudiants du lycée Marjory Stoneman Douglas High à Parkland, école victime d’une fusillade ayant fait 17 morts le 14 février 2018, qui ont décidé cet automne de lancer, avec le soutien de l’association militante March For Our Lives, une ligne de t-shirts et hoodies sur lesquels est imprimé un drapeau américain contenant un QR code pouvant être scanné et renvoyant directement sur les sites Internet d’inscription au vote. « Nous avions besoin d’un t-shirt capable d’incarner notre message, explique au site Dezeen.com Jammal Lemy, directeur artistique de March For Our Lives et ancien étudiant à Parkland. Il fallait trouver un moyen de mobiliser les jeunes à travers tout le pays ». Et ce moyen, ce sont ces nouveaux types de promotions et de mobilisations connectées comme la plateforme +1TheVote ou le t-shirt à QR code. Voire même un (faux) profil sur une appli de dating.

Photo : campagne de prévention « I am a voter. » créée par Mandana Dayan.

Photo : will.i.am portant le hoodie créé par les étudiants de Parkland.

Au début de la campagne des élections de mi-mandat, Tinder a lancé son opération Swipe The Vote. Entre deux profils de prétendant(e)s, les utilisateurs pouvaient découvrir un profil fun fact sur le vote, redirigeant vers le site de l’association Rock The Vote qui leur demandait leur code postal pour finalement leur indiquer le bureau d’inscription le plus proche. « 80 % des utilisateurs de Tinder appartiennent à la catégorie des “millenials”, qui est aussi l’une des plus abstentionnistes, vient confirmer Lucas Armati, journaliste installé à New York ayant couvert les élections de mi-mandat pour différents médias français. D’une manière générale, c’est assez compliqué de s’inscrire sur les listes électorales aux États-Unis car les règles changent d’un État à un autre ; ce qui peut vite décourager les votants. Le but de ces opérations, c’est d’aller choper les jeunes électeurs là où ils sont et de leur parler avec des codes qu’ils connaissent. Ce qui passe forcément par faire du vote un produit ludique et connecté. Mais aussi rentable. »

L’appât du gain

Dans un pays où les libertés d’entreprendre et de consommation sont garanties jusque dans la Constitution, quoi de mieux, pour inciter les jeunes à aller voter, que de communiquer sur la possibilité de remporter un cadeau, ou d’obtenir un service moins cher (voire gratuit) ? Afin d’attirer les brebis galeuses de la démocratie à revenir dans le droit chemin des urnes, Uber a par exemple décidé d’offrir des trajets ou proposer des tarifs préférentiels pour tous les Américains ayant besoin d’une voiture pour aller voter.

Mais c’est du côté de l’entertainment que l’Amérique se démarque encore et toujours. Samantha Bee, humoriste connue pour ses positions anti-Trump et présentatrice du talk-show satirique Full Frontal With Samantha Bee diffusé sur la chaîne TBS, a lancé une « quizz app » sur le vote (comprenez un questionnaire sur smarphone) avec des milliers de dollars en cash à gagner à la clé pour les futures votants. Elle explique dans une vidéo de présentation de This is not a game de la façon la plus honnête qui soit : « Je suis déprimée. Je n’ai plus d’idées. Sincèrement, le seul moyen pour que les Américains votent, ce serait de les payer… Je vais gamifier le vote ». Direct, sans détour et efficace. Mais peut-être pas aussi cool que les t-shirts de Frank Ocean.

Photo : affiche promo annonçant l’opération de produits de merchandising liés au vote par Frank Ocean.

D’habitude très discret sur les réseaux sociaux, le chanteur de R&B a relancé son compte Tumblr pour faire la promo du vote, mais à sa manière : en annonçant qu’il allait offrir à ses fans électeurs (sous réserve de preuve de leur vote) des produits de merch inédits. Une stratégie qui n’est pas sans rappeler celle développée par l’artiste Brendan Fowler (également créateur de la marque Some Ware) qui a lancé Election Reform Project : un projet consistant à offrir des pièces de merch exclusives aux votants des élections de mi-mandat, ainsi qu’une ligne de vêtement produite en édition limitée capable de susciter une frénésie digne d’un drop Supreme.

« Ce n’est pas si difficile de voter, malheureusement, (…) on se casse bien plus le cul pour choper des pièces streetwear », expliquait, amère, l’artiste au magazine GQ en octobre dernier, ajoutant que « tous les moyens sont bons » pour lutter contre la désillusion de la jeunesse à l’égard du système politique. Quitte à vendre le vote sans réellement se préoccuper de savoir si les millenials agissent avec une véritable conscience politique…

Aux actes citoyens

Au delà des collections de merch de Frank Ocean et Brendan Fowler, de nombreuses marques et maisons de mode ont elle aussi compris qu’elles pouvaient tirer profit du vote et des élections en lançant des collections spéciales de t-shirts ; que ce soit Levi’s, Urban Outfitters, American Eagle, Lingua Franca, Prabal Gurung, Wildfang, Tory Burch ou Diane Von Fürstenberg (qui s’est essayée au jeu de mot judicieux avec un « Diane Vote Furstenberg »)… Bref, cette année la liste de griffes engagées est aussi longue que le nombre de retards de Lauryn Hill à ses propres concerts. Et pour la grande majorité de ces marques, cet engagement citoyen concrétisé par la sortie de produits dérivés est surtout une manière déguisée d’envoyer un message politique anti-Trump aux acheteurs : Levi’s s’est prononcé pour le contrôle des armes à feu et soutient la cause LGBT chaque année, Diane von Fürstenberg s’est affichée avec Obama et Tory Burch a officiellement soutenu Hillary Clinton en 2016.

Selon une étude de l’agence Sprout Social réalisée en 2017, 70% des consommateurs américains pensent que les marques devraient prôner la transparence et afficher leurs opinions sur les questions politiques et sociales. Logique alors que toutes les marques s’y mettent. Car à y regarder de plus près, faire comprendre qu’on va voter (ou qu’on a voté) par le biais d’un t-shirt à message est presque devenu aussi indispensable que de raconter sa vie sur Instagram, comme le montre le nombre de célébrités (Gigi Hadid, P.Diddy ou encore Tracee Ellis Ross) arborant fièrement sur les réseaux sociaux ces dernières semaines un t-shirt faisant la promotion du vote. « C’est comme si le vote avait remplacé le slogan “Just Do It” de Nike dans les années 90, ajoute Lucas Armati. Pour les marques, c’est avant tout un calcul d’image. Pour elles, s’engager politiquement est devenu hyper consensuel, surtout à l’ère de Trump. Elles ne peuvent décidément plus se couper d’une génération qui a besoin d’avoir un minimum de sens dans ses actes du quotidien. »

Photo : Gigi Hadid portant le t-shirt « Vote » créé par Prabal Gurung.

Mais quelle est alors la portée d’un engagement qui semble vidé de tout son sens politique ? Peut-on encore parler d’une véritable démarche civique et citoyenne quand le vote se retrouve malgré lui, à chaque période électorale, décliné comme un vulgaire produit de consommation à l’image d’une citrouille d’Halloween ou d’un lapin de Pâques ? Les défenseurs du vote version 2018 répondront oui sans hésiter, en précisant que cette année, parmi tous les projets évoqués ci-dessus, la plupart des marques ont reversé la quasi-totalité des bénéfices générés grâce à leurs collections spéciales conçues à l’occasion des élections à des associations à but non-lucratifs, telles que Rock The Vote ou She Should Run.

Des engagements qui montrent que le vote, désormais transformé en produit de consommation pur et simple, a au moins le mérite d’éveiller les consciences et de nourrir le débat politique au-delà des États-Unis. En France, en septembre dernier, l’Élysée avait lancé sa boutique de merchandising (mugs, stylos, montres, bracelets, sweat-shirts) à l’effigie de l’État et de la présidence, notamment en reprenant certaines expressions de Macron devenues tristement célèbres (« Croquignolesque », « Poudre de perlimpimpin »). Mais la riposte ne s’est pas faite attendre avec la sortie de la boutique parodique « Enlysée », se moquant du projet de la présidence avec un sweat « Dernier de cordée » ou un t-shirt « Je coûte un pognon de dingue ». De quoi annoncer une belle concurrence sur le marché du vote lors des prochaines élections…

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