Membre du groupe Las Aves, Jules Cassignol se lance aujourd’hui en solo sous les traits de Jazzboy, un personnage derrière lequel il façonne une musique pop aussi instinctive que cathartique. À l’occasion de la sortie de son premier EP Jesus Jazz, le Parisien nous raconte la genèse de ce projet.
Il nous attend devant un bar illuminé du quartier de Belleville, un iPhone dans une main et un skate dans l’autre. Jules Cassignol s’étonne presque de notre présence, visiblement surpris que sa musique, intime et personnelle, puisse susciter de l’émoi chez d’autres que lui. « Je n’ai jamais perçu la musique comme quelque chose de professionnel, comme mon métier, nous lance-t-il. Ça a toujours été quelque chose de très introspectif, que j’ai longtemps gardé pour moi. »
La musique, il s’y essaie pour la première fois à l’âge de 11 ans, galvanisé par la découverte de Marilyn Manson, Korn ou Death Tone, qui l’encouragent à s’essayer à la guitare. « Le métal, c’est le premier genre musical que j’ai écouté de façon consciente », précise-t-il. Mais pas l’unique. Avec le skate, qu’il pratique depuis l’enfance avec sa bande de potes à Toulouse, où il grandit, le garçon enrichit son catalogue en écoutant des groupes comme Siouxsie and the Banshees, Talking Heads, Yeah Yeah Yeahs, Interpol ou encore Joy Division. « En dehors du métal, toute ma culture musicale s’est faite par les vidéos de skate », souligne-t-il.
C’est d’ailleurs grâce au monde du skate qu’il s’investit avec plus de sérieux dans la création musicale. En 2004, alors âgé de 14 ans, il s’allie à son frère jumeau Adrien, à Géraldine Baux et à Vincent Argiolas pour former The Dodoz, un groupe de rock avec lequel il sort quatre projets. « Ça a commencé comme une blague, après les sessions skate, et puis c’est peu à peu devenu sérieux, puisqu’on a commencé à faire des concerts sur Paris », se souvient-il. En 2014, Jules Cassignol et ses comparses s’installent à Paris et deviennent Las Aves, dont le premier album Die In Shanghai (2016) et son titre phare « N.E.M. » sont salués par la critique. « Ça m’a beaucoup apporté », confie-t-il. En parallèle de sa carrière au sein de la formation pop, où il alterne entre clavier, basse et percus, le jeune artiste passe beaucoup de temps sur le logiciel Garageband, où il crée des morceaux « juste pour (s)’amuser ». Jusqu’au jour où des cambrioleurs s’emparent de son ordinateur et de toutes ses précieuses compositions.
« Ça a été l’élément déclencheur, nous dit-il. Avec ce cambriolage, j’ai réalisé que finalement, ces chansons que je faisais dans mon coin étaient hyper importantes pour moi, et que j’avais besoin de les partager. À partir de ce moment-là, tout est apparu d’un coup dans ma tête, de façon super claire : les idées de morceaux, de clips… comme si c’était en maturation dans mon cerveau depuis tout ce temps. C’est comme ça que Jazzboy est né. »
Photos de gauche à droite : Jazzboy / © Christopher Barraja, Jazzboy / © Louise Desnos.
« Je déteste les chemins tracés »
Après plus d’une décennie consacrée à la musique en groupe, qu’il continue d’ailleurs à pratiquer, Jules Cassignol décide donc de se lancer en solo sous les traits de Jazzboy. Un projet introduit l’été dernier par un single éponyme, et qui, malgré son nom invoquant les Miles Davis, Louis Amstrong et autres John Coltrane, s’apparente davantage à une pop psychédélique qu’à du jazz véritable. « Ça n’a effectivement rien à voir avec le jazz, qui pour moi a toujours été un genre un peu obscur, avoue-t-il en souriant. J’ai choisi ce nom, qui est donc un illogisme total, pour déboussoler les gens. Je déteste les chemins tracés. »
Avec Jazzboy, surtout, le jeune homme de 28 ans explore les contours de son inconscient, donnant vie à des chansons à la fois cryptiques et cathartiques, qui lui permettent de mieux se connaître. « Ce qui me guide quand je fais des morceaux, c’est vraiment tout ce que mon cerveau ne comprend pas, analyse-t-il. Je m’aventure vers ses zones d’ombre, des espaces éteints que j’essaie d’allumer. »
Sur son premier EP Jesus Jazz, paru le 16 novembre 2018, le musicien s’intéresse ainsi à l’idée de néant, de perte et de mort, qu’il considère comme sa plus grande crainte. Introduit par la voix de sa petite amie Lucie Garrigues (« ma muse »), le morceau qui donne son nom au projet nous immerge dans un rêve à la fois beau et bizarre, qui correspond selon l’intéressé aux « quatre minutes ayant lieu entre le moment où l’on meurt et celui où notre âme quitte notre corps ». Et sur « Just like We Did It (Dr1gs) », la quatrième piste de l’EP, il évoque sur un beat inquiétant sa fascination pour le sang, par lequel il se dit être à la fois effrayé et attiré.
« La musique est sans doute un moyen pour moi de calmer certaines peurs, même si je ne pense pas du tout à cela au moment où je la compose, explique-t-il. Pour moi, elle constitue avant tout cette énergie logique qui émane de moi depuis que je suis petit, et qui guide ma vie, finalement. En tout cas, c’est elle qui me permet de m’exprimer. »
« S’il y a bien un truc que j’aimerais faire avant de mourir, ce serait un film »
Si la musique représente pour lui comme un deuxième langage, elle n’est cependant pas son unique moyen d’expression créatif. L’image a elle aussi son rôle essentiel, primordial, comme une autre extension de son inconscient. Sur l’EP Jazzboy, la grande majorité des titres est accompagnée d’un clip, et chacun d’entre eux nous entraîne dans un monde lointain et singulier, qui possède son propre décor, ses propres personnages et sa propre histoire. Comme une nouvelle strate de lecture qui, parfois, lui révèlent de nouvelles choses. « Quand j’ai fini le clip de « Just like We Did It (Dr1gs) » par exemple, je me suis rendu compte qu’il y avait plein de choses hyper phalliques et sexuelles dedans !, s’exclame-t-il en riant. Des choses que je n’avais pas du tout calculées avant puisque le pitch n’était absolument pas là-dessus, mais sur la drogue. »
Jazzboy, c’est aussi et surtout un sens de la performance accrue qui a même conquis les États-Unis. En octobre dernier, il s’est produit dans l’émission The Special Without Brett Davis, un late-show new yorkais populaire diffusé sur la chaîne câblée MNN. Pendant plus de sept minutes, l’artiste y a offert un véritable spectacle, alternant transe, chant, figurants, décors aux codes religieux et (faux) sang dégoulinant sur son visage. Autant dire qu’il est obsédé par l’idée d’un art total, qu’il déclinerait autant sur scène que dans ses clips.
Photo : artwork de l’EP Jazzboy / © Victoria Hespel.
Ce que ses clips lui offrent également, c’est la possibilité de lutter contre l’idée de starification des artistes, avec laquelle il est mal à l’aise. À ses yeux, le fait de partager des vidéos au sein desquelles il se retrouve entouré d’autres personnages lui permet de se décharger de ce devoir de représentation inhérent à l’ère d’Instagram. « J’aime à penser que ma musique peut largement exister sans moi », affirme-t-il. Et d’ajouter, inspiré par l’idée de ce que la musique et l’image représentent pour lui : « En fait, ce que je trouve incroyable dans la musique, c’est que c’est le seul art qui soit totalement invisible. Ce ne sont que des ondes mises ensemble, qui créent de émotions dans le cerveau. Mais je dois dire que le cinéma a lui aussi quelque chose d’incroyable. C’est plus matériel, certes, mais ça permet de te projeter dans des mondes qui n’ont jamais existé. D’ailleurs, s’il y a bien un truc que j’aimerais faire avant de mourir, ce serait un film. »
En attendant, Jules Cassignol donnera vie à son EP Jesus Jazz le 23 novembre prochain à Paris dans le cadre de sa soirée Jazzodrome, un évènement à mi-chemin entre concert et pièce de théâtre, qu’il a créé dans le but de s’exprimer le plus librement possible. « Avec le recul, je comprends que si j’ai commencé le skate très jeune, c’était dans le but d’être libre ; de pouvoir aller où je voulais, quand je le voulais… », décrypte-t-il. « Et c’est exactement la même chose avec la musique. Mon but, c’est de m’exprimer de la façon la plus sincère qui soit. »
Jazzboy sera en concert dans le cadre de la soirée Jazzodrome #3 pour la release party de son album le 23 novembre au Théâtre de Verre Co-Arter à Paris. Il fera également la première partie de Grand Blanc le 26 novembre à la Cigale à Paris et performera au Mercury Lounge à New york le 14 février 2019.
Il nous attend devant un bar illuminé du quartier de Belleville, un iPhone dans une main et un skate dans l’autre. Jules Cassignol s’étonne presque de notre présence, visiblement surpris que sa musique, intime et personnelle, puisse susciter de l’émoi chez d’autres que lui. « Je n’ai jamais perçu la musique comme quelque chose de professionnel, comme mon métier, nous lance-t-il. Ça a toujours été quelque chose de très introspectif, que j’ai longtemps gardé pour moi. »
La musique, il s’y essaie pour la première fois à l’âge de 11 ans, galvanisé par la découverte de Marilyn Manson, Korn ou Death Tone, qui l’encouragent à s’essayer à la guitare. « Le métal, c’est le premier genre musical que j’ai écouté de façon consciente », précise-t-il. Mais pas l’unique. Avec le skate, qu’il pratique depuis l’enfance avec sa bande de potes à Toulouse, où il grandit, le garçon enrichit son catalogue en écoutant des groupes comme Siouxsie and the Banshees, Talking Heads, Yeah Yeah Yeahs, Interpol ou encore Joy Division. « En dehors du métal, toute ma culture musicale s’est faite par les vidéos de skate », souligne-t-il.
C’est d’ailleurs grâce au monde du skate qu’il s’investit avec plus de sérieux dans la création musicale. En 2004, alors âgé de 14 ans, il s’allie à son frère jumeau Adrien, à Géraldine Baux et à Vincent Argiolas pour former The Dodoz, un groupe de rock avec lequel il sort quatre projets. « Ça a commencé comme une blague, après les sessions skate, et puis c’est peu à peu devenu sérieux, puisqu’on a commencé à faire des concerts sur Paris », se souvient-il. En 2014, Jules Cassignol et ses comparses s’installent à Paris et deviennent Las Aves, dont le premier album Die In Shanghai (2016) et son titre phare « N.E.M. » sont salués par la critique. « Ça m’a beaucoup apporté », confie-t-il. En parallèle de sa carrière au sein de la formation pop, où il alterne entre clavier, basse et percus, le jeune artiste passe beaucoup de temps sur le logiciel Garageband, où il crée des morceaux « juste pour (s)’amuser ». Jusqu’au jour où des cambrioleurs s’emparent de son ordinateur et de toutes ses précieuses compositions.
« Ça a été l’élément déclencheur, nous dit-il. Avec ce cambriolage, j’ai réalisé que finalement, ces chansons que je faisais dans mon coin étaient hyper importantes pour moi, et que j’avais besoin de les partager. À partir de ce moment-là, tout est apparu d’un coup dans ma tête, de façon super claire : les idées de morceaux, de clips… comme si c’était en maturation dans mon cerveau depuis tout ce temps. C’est comme ça que Jazzboy est né. »
Photo : Jazzboy / © Christopher Barraja.
Photo : Jazzboy / © Louise Desnos.
« Je déteste les chemins tracés »
Après plus d’une décennie consacrée à la musique en groupe, qu’il continue d’ailleurs à pratiquer, Jules Cassignol décide donc de se lancer en solo sous les traits de Jazzboy. Un projet introduit l’été dernier par un single éponyme, et qui, malgré son nom invoquant les Miles Davis, Louis Amstrong et autres John Coltrane, s’apparente davantage à une pop psychédélique qu’à du jazz véritable. « Ça n’a effectivement rien à voir avec le jazz, qui pour moi a toujours été un genre un peu obscur, avoue-t-il en souriant. J’ai choisi ce nom, qui est donc un illogisme total, pour déboussoler les gens. Je déteste les chemins tracés. »
Avec Jazzboy, surtout, le jeune homme de 28 ans explore les contours de son inconscient, donnant vie à des chansons à la fois cryptiques et cathartiques, qui lui permettent de mieux se connaître. « Ce qui me guide quand je fais des morceaux, c’est vraiment tout ce que mon cerveau ne comprend pas, analyse-t-il. Je m’aventure vers ses zones d’ombre, des espaces éteints que j’essaie d’allumer. »
Sur son premier EP Jazzboy, paru le 16 novembre 2018, le musicien s’intéresse ainsi à l’idée de néant, de perte et de mort, qu’il considère comme sa plus grande crainte. Introduit par la voix de sa petite amie Lucie Garrigues (« ma muse »), le morceau « Jesus Jazz » nous immerge dans un rêve à la fois beau et bizarre, qui correspond selon l’intéressé aux « quatre minutes ayant lieu entre le moment où l’on meurt et celui où notre âme quitte notre corps ». Et sur « Just like We Did It (Dr1gs) », la quatrième piste de l’EP, il évoque sur un beat inquiétant sa fascination pour le sang, par lequel il se dit être à la fois effrayé et attiré.
« La musique est sans doute un moyen pour moi de calmer certaines peurs, même si je ne pense pas du tout à cela au moment où je la compose, explique-t-il. Pour moi, elle constitue avant tout cette énergie logique qui émane de moi depuis que je suis petit, et qui guide ma vie, finalement. En tout cas, c’est elle qui me permet de m’exprimer. »
« S’il y a bien un truc que j’aimerais faire avant de mourir, ce serait un film »
Si la musique représente pour lui comme un deuxième langage, elle n’est cependant pas son unique moyen d’expression créatif. L’image a elle aussi son rôle essentiel, primordial, comme une autre extension de son inconscient. Sur l’EP Jazzboy, la grande majorité des titres est accompagnée d’un clip, et chacun d’entre eux nous entraîne dans un monde lointain et singulier, qui possède son propre décor, ses propres personnages et sa propre histoire. Comme une nouvelle strate de lecture qui, parfois, lui révèlent de nouvelles choses. « Quand j’ai fini le clip de « Just like We Did It (Dr1gs) » par exemple, je me suis rendu compte qu’il y avait plein de choses hyper phalliques et sexuelles dedans !, s’exclame-t-il en riant. Des choses que je n’avais pas du tout calculées avant puisque le pitch n’était absolument pas là-dessus, mais sur la drogue. »
Jazzboy, c’est aussi et surtout un sens de la performance accrue qui a même conquis les États-Unis. En octobre dernier, il s’est produit dans l’émission The Special Without Brett Davis, un late-show new yorkais populaire diffusé sur la chaîne câblée MNN. Pendant plus de sept minutes, l’artiste y a offert un véritable spectacle, alternant transe, chant, figurants, décors aux codes religieux et (faux) sang dégoulinant sur son visage. Autant dire qu’il est obsédé par l’idée d’un art total, qu’il déclinerait autant sur scène que dans ses clips.
Photo : artwork de l’EP Jazzboy / © Victoria Hespel.
Ce que ses clips lui offrent également, c’est la possibilité de lutter contre l’idée de starification des artistes, avec laquelle il est mal à l’aise. À ses yeux, le fait de partager des vidéos au sein desquelles il se retrouve entouré d’autres personnages lui permet de se décharger de ce devoir de représentation inhérent à l’ère d’Instagram. « J’aime à penser que ma musique peut largement exister sans moi », affirme-t-il. Et d’ajouter, inspiré par l’idée de ce que la musique et l’image représentent pour lui : « En fait, ce que je trouve incroyable dans la musique, c’est que c’est le seul art qui soit totalement invisible. Ce ne sont que des ondes mises ensemble, qui créent de émotions dans le cerveau. Mais je dois dire que le cinéma a lui aussi quelque chose d’incroyable. C’est plus matériel, certes, mais ça permet de te projeter dans des mondes qui n’ont jamais existé. D’ailleurs, s’il y a bien un truc que j’aimerais faire avant de mourir, ce serait un film. »
En attendant, Jules Cassignol donnera vie à son EP Jazzboy le 23 novembre prochain à Paris dans le cadre de sa soirée Jazzodrome, un évènement à mi-chemin entre concert et pièce de théâtre, qu’il a créé dans le but de s’exprimer le plus librement possible. « Avec le recul, je comprends que si j’ai commencé le skate très jeune, c’était dans le but d’être libre ; de pouvoir aller où je voulais, quand je le voulais… », décrypte-t-il. « Et c’est exactement la même chose avec la musique. Mon but, c’est de m’exprimer de la façon la plus sincère qui soit. »
Jazzboy sera en concert dans le cadre de la soirée Jazzodrome #3 pour la release party de son album le 23 novembre au Théâtre de Verre Co-Arter à Paris. Il fera également la première partie de Grand Blanc le 26 novembre à la Cigale à Paris et performera au Mercury Lounge à New york le 14 février 2019.