Figure de la communauté LGBTQ, Yanis Sahraoui, alias Yanis, façonne une pop entêtante et introspective. À la veille de son premier album, le chanteur nous a accordé un moment pour revenir sur son parcours, discuter de la nécessité de s’accepter, et de la façon dont la musique peut être libératrice.
En 2009, Yanis débarque dans le paysage musical français sous le nom de Sliimy, son alter ego. À l’image de Yelle ou de Lily Allen à la même époque, il se fait connaître hors des circuits classiques avec son compte MySpace et incarne les chamboulements que traverse l’industrie musicale. En quelques mois, grâce à son single « Wake Up », il est propulsé au rang de phénomène : Yanis (alias Sliimy) passe sur le plateau du Grand Journal de Canal+, démarre une tournée et se retrouve même à faire les premières parties de Britney Spears et Katy Perry en Europe. Un début de carrière fulgurant qu’il regarde aujourd’hui avec beaucoup de bienveillance, alors qu’il revient sur le devant de la scène avec un nouveau nom et un nouveau projet plus personnel et plus engagé.
ANTIDOTE. Avant de dévoiler tes premiers projets sous le nom de Yanis en 2015, tu t’es fait connaître en tant que Sliimy, un pseudo sous lequel tu as connu un important succès entre 2009 et 2014. Quel regard portes-tu sur cette première partie de ta carrière ?
YANIS. Sliimy, c’est un personnage que j’ai créé quand j’avais 13 ou 14 ans, parce que je me sentais vraiment rejeté à l’école, je m’en suis pris plein la gueule… c’était vraiment dur. J’avais besoin de me sentir porté, mais je n’avais pas forcément de gens à mes côtés pour le faire, un meilleur ami par exemple. Donc j’ai créé ce personnage qui m’a permis de faire des choses que je n’aurais jamais assumées sous mon vrai nom, et qui m’a sauvé même – je ne sais vraiment pas où j’en serais aujourd’hui si je ne l’avais pas inventé. Au final, j’ai toujours eu un rapport très psychologique à la musique. Ça m’a aidé à me sentir mieux.
« J’ai toujours adoré les alter ego »
Justement, en 2015, tu reviens sous les traits de Yanis en dévoilant le morceau clipé de « Hypnotized ». Pourquoi avoir finalement choisi d’utiliser ton vrai prénom ?
Je n’étais pas encore adulte quand j’ai créé Slimmy, il y avait donc quelque chose de très enfantin dans ce personnage… Le changement s’est opéré à Berlin, où j’ai vécu pendant un an il y a quelques années. J’avais besoin d’être là-bas à ce moment-là de ma vie, parce qu’il y a dans cette ville une possibilité de repartir à zéro, de conquérir un terrain neutre. Un soir, en club, je discute avec une fille, je lui explique ce que j’avais fait auparavant avec Sliimy, je lui dis qu’aujourd’hui j’ai de nouvelles chansons et que je me pose des questions quant à la suite de ma carrière. Elle m’a tout naturellement dit ce que personne ne m’aurait dit en France : « Mais pourquoi tu ne prends pas ton vrai prénom ? Il est hyper beau, et puis j’ai l’impression que quand je te parle là, c’est Yanis qui me répond. Pas Sliimy. »
Cette fille était une parfaite inconnue, mais ce qu’elle m’a dit m’a vraiment fait réfléchir. À vrai dire, au début, je cherchais d’autres noms, comme si je voulais encore me cacher derrière un alter ego – j’ai toujours adoré les alter ego, j’adore David Bowie par exemple. Et puis j’ai relu les nouveaux textes que j’avais écrits, et en fait, je me suis dit : « Mais ce n’est pas un personnage dont tu parles là, ce n’est pas un masque à la Sliimy. » C’était tout l’inverse. Je parlais de Yanis, je parlais de moi.
Photos : Yanis / © Marie-Pierre Durand.
Pourrais-tu me parler de la genèse du morceau « Hypnotized », qui je crois a été assez important pour toi ?
Ça a été très fort oui, parce que ce morceau marquait un véritable tournant. Avec lui, il fallait que je fasse comprendre aux gens, qui ne savaient pas forcément ce que j’avais vécu depuis l’époque Sliimy, ce que j’étais devenu. Je voulais leur faire part du changement qui s’était opéré dans ma tête.
L’histoire de ce morceau est très liée à mon parcours. J’ai fait beaucoup d’hypnose, pour traiter de choses personnelles qui me sont arrivées, pour travailler sur des traumatismes que j’ai subis… C’est aussi pour ça que j’avais envie de faire ce clip, qui est au final assez simple mais dans lequel on montre des gens qui sont tellement libres, tellement dans le lâcher-prise… Je pense que la vidéo(qui cumule plus d’un million de vues à ce jour, ndlr) a plu parce que le lâcher-prise est justement total. Du coup, ça contraste avec les clips qu’on a l’habitude de voir, dans lesquels tout est très chorégraphié, contrôlé…
« J’étais devenu accroc à la scène »
Quelques mois après la sortie de « Hypnotized », tu dévoiles l’EP L’Heure Bleue, avec lequel tu as fait pas mal de concerts. Quel est ton rapport à la scène ? L’idée de mouvement a l’air très importante pour toi…
La scène te permet d’aller chercher les gens, de les toucher de façon beaucoup plus directe qu’à travers un clip par exemple. Pour moi, c’est le moment idéal pour les faire entrer dans mon univers, de leur permettre de peut-être mieux comprendre le sens de mes paroles, de leur proposer quelque chose de différent de ce qu’ils peuvent percevoir quand ils écoutent mes chansons chez eux. Ce que j’adore sur scène, c’est le fait de devoir être dans l’immédiateté. Ça me parle vraiment.
Et effectivement, l’idée de mouvement est très importante pour moi. Sur scène, je bouge tout le temps, partout, j’explose complètement (rires) ! C’est d’ailleurs ce qui m’a le plus manqué quand j’ai arrêté Sliimy. Ça n’a pas été facile pour moi, parce que j’étais devenu accroc à la scène et à cette connexion que tu peux avoir avec les gens – une connexion qu’il est difficile de retrouver ailleurs…
Le 12 octobre dernier j’ai assuré la première partie d’Hyphen Hyphen à l’Olympia , j’étais super heureux de le faire, d’autant plus qu’il y a un truc assez spécial avec cette salle de concert. C’est presque mystique… J’ai ouvert avec un titre piano-voix, ce qui est un peu risqué pour une première partie. Mais en fait, souvent, c’est avec les choses les plus simples que tu réussis à embarquer les gens… J’ai maintenant hâte de faire mon retour sur scène !
Photos : Yanis / © Marie-Pierre Durand.
En parlant de retour, tu as dévoilé début octobre « Embrace », le premier single extrait de ton prochain album (ton premier sous le nom de Yanis) qui sortira prochainement sur ton propre label, Mauvais Genre. Tu pourrais m’en dire plus ?
« Embrace », c’est l’histoire d’une libération de soi. Ça parle du fait de s’émanciper quand on se sent enfermé, prisonnier de traumatismes ou d’une société. C’est un encouragement à s’accepter comme on est dans toute sa complexité et de ne plus avoir peur. Comme une étreinte à soi-même finalement, mais aussi aux autres (d’où ce titre, « Embrace »). Et cette chanson était à mon sens une bonne introduction à l’album, parce que celui-ci parlera énormément de ça : de l’acceptation, face à soi-même mais aussi face aux autres.
Dans la tracklist, il y a par exemple une chanson qui s’appelle « Fatima », qui est le nom de ma mère. Ça parle de racisme, de la manière dont tu peux être perçu dans la société, et comment cette perception peut évoluer au fil du temps. Il y a aussi beaucoup d’influence queer dans cet album, évidemment. D’ailleurs, je n’ai jamais été aussi fier d’être queer. Et c’est, je crois, grâce à certaines personnes et au public notamment, qui m’ont aidé à m’accepter. À mon tour, j’ai aujourd’hui envie de donner cette force à des gens qui n’arrivent peut-être pas encore à s‘accepter totalement, et à accepter leur sexualité aussi.
Quand tu es un mec et que tu es queer, on ne veut jamais que tu sois « trop» : « trop » efféminé, « trop » sexuel… c’est quelque chose qui m’insupporte et dont je parle dans une chanson de l’album. Parce qu’en fait, on a tout à fait le droit d’être « trop ». Et quand on l’est, ça n’est jamais assez ! Cet album, c’est un disque libérateur.
Dirais-tu qu’il y a quelque chose de cathartique dans ton rapport à l’écriture ?
Complètement ! C’est exactement ça, en fait. Pour moi, écrire, c’est un peu comme être face à une toile que tu repeins à certains endroits, pour arranger certaines choses de ton passé, ou pour mieux les exprimer. Ça te permet aussi, parfois, de retrouver des émotions… Mais il ne s’agit pas toujours de moi. L’écriture me permet aussi de porter un regard sur le monde extérieur.
« J’ai fait mon coming out avec Sliimy en 2009, à une époque où le mariage homosexuel n’existait pas encore. Je me suis pris des trucs vraiment durs dans la gueule, y compris de la part de médias et de l’industrie. »
J’imagine que tu appréhendes un peu à l’idée de partager ce projet, qui semble exprimer des choses plus personnelles qu’avec Sliimy…
Il y a toujours une forme d’appréhension bien sûr, mais je suis surtout très excité, parce que j’y aborde des sujets liés à notre société qu’il est important de mettre en lumière, et ce aussi bien à travers la musique que le cinéma, la danse, l’écriture, le théâtre… Je trouve que l’art a ce pouvoir de faire un état des lieux de la société, et parfois même d’arranger certaines choses. C’est pour ça qu’il devrait être accessible à tous.
Personnellement, la culture m’a beaucoup apporté. Ça m’a sauvé de plein de choses. Même si ce n’est pas toujours facile pour moi, parce que l’homophobie est encore très présente en France et que j’ai le sentiment que la communauté LGBT doit constamment se justifier…
As-tu malgré tout constaté une évolution depuis tes débuts avec Sliimy, notamment avec l’apparition d’artistes queer à succès comme Christine and the Queens ?
Oui, bien sûr. J’ai fait mon coming out avec Sliimy en 2009, à une époque où le mariage homosexuel n’existait pas encore. Je me suis pris des trucs vraiment durs dans la gueule, y compris de la part de médias et de l’industrie. J’étais hyper surpris, c’était hallucinant. En fait, je me suis rendu compte que ce que j’avais vécu dans la cour de récréation quand j’étais plus jeune était encore complètement présent dans le monde des adultes, que les gens avaient exactement les mêmes rhétoriques. Et je pense qu’il faut justement casser tout ça.
C’est important qu’il y ait davantage d’artistes pour représenter cette communauté LGBT. Des gens comme Christine, effectivement. Je la connais depuis des années, et je la trouve super intelligente parce qu’elle a réussi à faire comprendre aux gens de quoi elle parlait – ce qui n’était pas évident au départ parce qu’elle ne fait pas les chansons les plus accessibles. Elle a vraiment réussi à faire passer son message queer, et ce par plein de formes de langages : la musique, mais aussi la danse, le visuel… D’ailleurs, elle m’a beaucoup encouragé à sortir « Embrace ».
Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, mais on va y arriver ! En attendant, je crois qu’il est extrêmement important d’être fier de ce que l’on est. En ce qui me concerne, je n’ai plus aucun problème à crier sur tous les toits que je suis queer. Et c’est vraiment le message que je compte envoyer avec mon album. Mon but, c’est d’encourager les gens à embrasser de manière forte leur identité dans toute leur complexité ! Sans demi-mesure.
Photos : Yanis / © Marie-Pierre Durand.
En 2009, Yanis débarque dans le paysage musical français sous le nom de Sliimy, son alter ego. À l’image de Yelle ou de Lily Allen à la même époque, il se fait connaître hors des circuits classiques avec son compte MySpace et incarne les chamboulements que traverse l’industrie musicale. En quelques mois, grâce à son single « Wake Up », il est propulsé au rang de phénomène : Yanis (alias Sliimy) passe sur le plateau du Grand Journal de Canal+, démarre une tournée et se retrouve même à faire les premières parties de Britney Spears et Katy Perry en Europe. Un début de carrière fulgurant qu’il regarde aujourd’hui avec beaucoup de bienveillance, alors qu’il revient sur le devant de la scène avec un nouveau nom et un nouveau projet plus personnel et plus engagé.
ANTIDOTE. Avant de dévoiler tes premiers projets sous le nom de Yanis en 2015, tu t’es fait connaître en tant que Sliimy, un pseudo sous lequel tu as connu un important succès entre 2009 et 2014. Quel regard portes-tu sur cette première partie de ta carrière ?
YANIS. Sliimy, c’est un personnage que j’ai créé quand j’avais 13 ou 14 ans, parce que je me sentais vraiment rejeté à l’école, je m’en suis pris plein la gueule… c’était vraiment dur. J’avais besoin de me sentir porté, mais je n’avais pas forcément de gens à mes côtés pour le faire, un meilleur ami par exemple. Donc j’ai créé ce personnage qui m’a permis de faire des choses que je n’aurais jamais assumées sous mon vrai nom, et qui m’a sauvé même – je ne sais vraiment pas où j’en serais aujourd’hui si je ne l’avais pas inventé. Au final, j’ai toujours eu un rapport très psychologique à la musique. Ça m’a aidé à me sentir mieux.
« J’ai toujours adoré les alter ego »
Justement, en 2015, tu reviens sous les traits de Yanis en dévoilant le morceau clipé de « Hypnotized ». Pourquoi avoir finalement choisi d’utiliser ton vrai prénom ?
Je n’étais pas encore adulte quand j’ai créé Slimmy, il y avait donc quelque chose de très enfantin dans ce personnage… Le changement s’est opéré à Berlin, où j’ai vécu pendant un an il y a quelques années. J’avais besoin d’être là-bas à ce moment-là de ma vie, parce qu’il y a dans cette ville une possibilité de repartir à zéro, de conquérir un terrain neutre. Un soir, en club, je discute avec une fille, je lui explique ce que j’avais fait auparavant avec Sliimy, je lui dis qu’aujourd’hui j’ai de nouvelles chansons et que je me pose des questions quant à la suite de ma carrière. Elle m’a tout naturellement dit ce que personne ne m’aurait dit en France : « Mais pourquoi tu ne prends pas ton vrai prénom ? Il est hyper beau, et puis j’ai l’impression que quand je te parle là, c’est Yanis qui me répond. Pas Sliimy. »
Cette fille était une parfaite inconnue, mais ce qu’elle m’a dit m’a vraiment fait réfléchir. À vrai dire, au début, je cherchais d’autres noms, comme si je voulais encore me cacher derrière un alter ego – j’ai toujours adoré les alter ego, j’adore David Bowie par exemple. Et puis j’ai relu les nouveaux textes que j’avais écrits, et en fait, je me suis dit : « Mais ce n’est pas un personnage dont tu parles là, ce n’est pas un masque à la Sliimy. » C’était tout l’inverse. Je parlais de Yanis, je parlais de moi.
Photo : Yanis / © Marie-Pierre Durand.
Photo : Yanis / © Marie-Pierre Durand.
Pourrais-tu me parler de la genèse du morceau « Hypnotized », qui je crois a été assez important pour toi ?
Ça a été très fort oui, parce que ce morceau marquait un véritable tournant. Avec lui, il fallait que je fasse comprendre aux gens, qui ne savaient pas forcément ce que j’avais vécu depuis l’époque Sliimy, ce que j’étais devenu. Je voulais leur faire part du changement qui s’était opéré dans ma tête.
L’histoire de ce morceau est très liée à mon parcours. J’ai fait beaucoup d’hypnose, pour traiter de choses personnelles qui me sont arrivées, pour travailler sur des traumatismes que j’ai subis… C’est aussi pour ça que j’avais envie de faire ce clip, qui est au final assez simple mais dans lequel on montre des gens qui sont tellement libres, tellement dans le lâcher-prise… Je pense que la vidéo(qui cumule plus d’un million de vues à ce jour, ndlr) a plu parce que le lâcher-prise est justement total. Du coup, ça contraste avec les clips qu’on a l’habitude de voir, dans lesquels tout est très chorégraphié, contrôlé…
« J’étais devenu accroc à la scène »
Quelques mois après la sortie de « Hypnotized », tu dévoiles l’EP L’Heure Bleue, avec lequel tu as fait pas mal de concerts. Quel est ton rapport à la scène ? L’idée de mouvement a l’air très importante pour toi…
La scène te permet d’aller chercher les gens, de les toucher de façon beaucoup plus directe qu’à travers un clip par exemple. Pour moi, c’est le moment idéal pour les faire entrer dans mon univers, de leur permettre de peut-être mieux comprendre le sens de mes paroles, de leur proposer quelque chose de différent de ce qu’ils peuvent percevoir quand ils écoutent mes chansons chez eux. Ce que j’adore sur scène, c’est le fait de devoir être dans l’immédiateté. Ça me parle vraiment.
Et effectivement, l’idée de mouvement est très importante pour moi. Sur scène, je bouge tout le temps, partout, j’explose complètement (rires) ! C’est d’ailleurs ce qui m’a le plus manqué quand j’ai arrêté Sliimy. Ça n’a pas été facile pour moi, parce que j’étais devenu accroc à la scène et à cette connexion que tu peux avoir avec les gens – une connexion qu’il est difficile de retrouver ailleurs…
Le 12 octobre dernier j’ai assuré la première partie d’Hyphen Hyphen à l’Olympia , j’étais super heureux de le faire, d’autant plus qu’il y a un truc assez spécial avec cette salle de concert. C’est presque mystique… J’ai ouvert avec un titre piano-voix, ce qui est un peu risqué pour une première partie. Mais en fait, souvent, c’est avec les choses les plus simples que tu réussis à embarquer les gens… J’ai maintenant hâte de faire mon retour sur scène !
Photo : Yanis / © Marie-Pierre Durand.
Photo : Yanis / © Marie-Pierre Durand.
En parlant de retour, tu as dévoilé début octobre « Embrace », le premier single extrait de ton prochain album (ton premier sous le nom de Yanis) qui sortira prochainement sur ton propre label, Mauvais Genre. Tu pourrais m’en dire plus ?
« Embrace », c’est l’histoire d’une libération de soi. Ça parle du fait de s’émanciper quand on se sent enfermé, prisonnier de traumatismes ou d’une société. C’est un encouragement à s’accepter comme on est dans toute sa complexité et de ne plus avoir peur. Comme une étreinte à soi-même finalement, mais aussi aux autres (d’où ce titre, « Embrace »). Et cette chanson était à mon sens une bonne introduction à l’album, parce que celui-ci parlera énormément de ça : de l’acceptation, face à soi-même mais aussi face aux autres.
Dans la tracklist, il y a par exemple une chanson qui s’appelle « Fatima », qui est le nom de ma mère. Ça parle de racisme, de la manière dont tu peux être perçu dans la société, et comment cette perception peut évoluer au fil du temps. Il y a aussi beaucoup d’influence queer dans cet album, évidemment. D’ailleurs, je n’ai jamais été aussi fier d’être queer. Et c’est, je crois, grâce à certaines personnes et au public notamment, qui m’ont aidé à m’accepter. À mon tour, j’ai aujourd’hui envie de donner cette force à des gens qui n’arrivent peut-être pas encore à s‘accepter totalement, et à accepter leur sexualité aussi.
Quand tu es un mec et que tu es queer, on ne veut jamais que tu sois « trop» : « trop » efféminé, « trop » sexuel… c’est quelque chose qui m’insupporte et dont je parle dans une chanson de l’album. Parce qu’en fait, on a tout à fait le droit d’être « trop ». Et quand on l’est, ça n’est jamais assez ! Cet album, c’est un disque libérateur.
Dirais-tu qu’il y a quelque chose de cathartique dans ton rapport à l’écriture ?
Complètement ! C’est exactement ça, en fait. Pour moi, écrire, c’est un peu comme être face à une toile que tu repeins à certains endroits, pour arranger certaines choses de ton passé, ou pour mieux les exprimer. Ça te permet aussi, parfois, de retrouver des émotions… Mais il ne s’agit pas toujours de moi. L’écriture me permet aussi de porter un regard sur le monde extérieur.
« J’ai fait mon coming out avec Sliimy en 2009, à une époque où le mariage homosexuel n’existait pas encore. Je me suis pris des trucs vraiment durs dans la gueule, y compris de la part de médias et de l’industrie. »
J’imagine que tu appréhendes un peu à l’idée de partager ce projet, qui semble exprimer des choses plus personnelles qu’avec Sliimy…
Il y a toujours une forme d’appréhension bien sûr, mais je suis surtout très excité, parce que j’y aborde des sujets liés à notre société qu’il est important de mettre en lumière, et ce aussi bien à travers la musique que le cinéma, la danse, l’écriture, le théâtre… Je trouve que l’art a ce pouvoir de faire un état des lieux de la société, et parfois même d’arranger certaines choses. C’est pour ça qu’il devrait être accessible à tous.
Personnellement, la culture m’a beaucoup apporté. Ça m’a sauvé de plein de choses. Même si ce n’est pas toujours facile pour moi, parce que l’homophobie est encore très présente en France et que j’ai le sentiment que la communauté LGBT doit constamment se justifier…
As-tu malgré tout constaté une évolution depuis tes débuts avec Sliimy, notamment avec l’apparition d’artistes queer à succès comme Christine and the Queens ?
Oui, bien sûr. J’ai fait mon coming out avec Sliimy en 2009, à une époque où le mariage homosexuel n’existait pas encore. Je me suis pris des trucs vraiment durs dans la gueule, y compris de la part de médias et de l’industrie. J’étais hyper surpris, c’était hallucinant. En fait, je me suis rendu compte que ce que j’avais vécu dans la cour de récréation quand j’étais plus jeune était encore complètement présent dans le monde des adultes, que les gens avaient exactement les mêmes rhétoriques. Et je pense qu’il faut justement casser tout ça.
C’est important qu’il y ait davantage d’artistes pour représenter cette communauté LGBT. Des gens comme Christine, effectivement. Je la connais depuis des années, et je la trouve super intelligente parce qu’elle a réussi à faire comprendre aux gens de quoi elle parlait – ce qui n’était pas évident au départ parce qu’elle ne fait pas les chansons les plus accessibles. Elle a vraiment réussi à faire passer son message queer, et ce par plein de formes de langages : la musique, mais aussi la danse, le visuel… D’ailleurs, elle m’a beaucoup encouragé à sortir « Embrace ».
Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, mais on va y arriver ! En attendant, je crois qu’il est extrêmement important d’être fier de ce que l’on est. En ce qui me concerne, je n’ai plus aucun problème à crier sur tous les toits que je suis queer. Et c’est vraiment le message que je compte envoyer avec mon album. Mon but, c’est d’encourager les gens à embrasser de manière forte leur identité dans toute leur complexité ! Sans demi-mesure.
Photo : Yanis / © Marie-Pierre Durand.
Photo : Yanis / © Marie-Pierre Durand.