Photo : Eddy de Pretto par Patrick Weldé, pour Magazine Antidote : EARTH été 2018.
Chemise, hoodie et pantalon, Antidote Studio en collaboration avec Sankuanz. Baskets, Adidas.
Texte : Edouard Risselet.
Il est l’un des rares labels chinois à défiler dans le calendrier officiel de la Chambre Syndicale. Mené par le designer Shangguan Zhe, Sankuanz collabore cette saison avec Antidote Studio autour d’une capsule aux accents dystopiques.
Un diplôme en communication visuelle de l’université de Xiamen en poche, Shangguan Zhe lance en 2013 avec deux amis son propre label de mode. C’est d’abord à la Fashion Week de Shanghaï que Shangguan Zhe se fait une réputation au milieu des créateurs locaux. Rapidement repéré par la presse locale, il consolide son entreprise grâce au succès commercial d’une seconde ligne baptisée Ze by Sankuanz – disparue depuis. Avec le soutien de GQ China, Sankuanz s’envole pour Londres où il présente pendant London Collections Men une mode pop, fantaisiste et engagée. C’est finalement à Paris que la marque choisira de présenter durablement ses collections. Le label s’associe cette saison à Antidote Studio et présente une capsule de pièces à l’esthétique militaire et dystopique.
ANTIDOTE. Votre label célèbre ses 5 ans d’existence cette année, que retenez vous de ces cinq années ?
SHANGGUAN ZHE. J’ai surtout beaucoup appris sur moi, je suis plus tolérant envers moi-même.
Vous avez commencé à présenter vos collections à la Fashion Week de Paris en 2016, pourquoi avoir fait ce choix ?
Je ne suis pas entré à la Fashion Week de Paris dans l’idée d’acquérir une portée mondiale. Je voulais me tenir aux côtés des meilleurs. Mais faire du bon travail est le seul moyen de gagner le respect des créateurs. Ce n’est pas simple de constamment créer de bonnes collections, cela représente un défi sur le long terme pour chacun d’entre nous.
Photo : Xiangyu Liu.
Sweatshirt, Antidote Care, 220 euros.
Chemise, Antidote Studio en collaboration avec Sankuanz, 270 euros.
Jogging, Antidote Studio en collaboration avec Sankuanz, 300 euros.
Qu’est-ce qui a changé dans la mode en Chine ces dix dernières années ?
Le marché chinois grandit rapidement. De plus en plus de designers ont lancé leur propre label. Mais le changement qui m’intéresse le plus est celui des jeunes consommateurs qui ont développé leur propre esthétique, indépendamment des tendances.
Y a-t-il une scène de jeunes designers émergents en Chine ?
Peut-être, mais je n’en suis pas totalement certain. Il existe plusieurs voix, mais elle ne semblent pas très sûres d’elles-mêmes.
Le pays a ouvert ses portes aux pays occidentaux et à ses produits, ont-ils une influence sur le style local ?
La mondialisation a influencé la Chine d’une manière inimaginable, particulièrement dans la mode. Bien qu’Internet n’y soit pas encore complètement ouvert, la jeunesse a toujours trouvé les moyens d’obtenir les informations qu’elle recherchait. Leurs looks de tous les jours, et les styles des nouvelles marques, ne diffèrent pas vraiment de ce qu’on trouve dans les autres pays. Tout le monde veut les mêmes choses. C’est un peu ennuyeux pourtant, non ?
Photo : Xiangyu Liu.
Bomber, Antidote Studio en collaboration avec Sankuanz, 650 euros.
Pantalon, Antidote Care, 160 euros.
Au sujet de la culture streetwear, constitue-t-elle encore un courant underground ?
Je pense au contraire que l’élitisme est le mouvement underground de notre époque. Est-ce qu’il faut s’en alarmer ? Personnellement, j’adore la culture streetwear, mais elle devient en grande partie matière au divertissement et au consumérisme, qui fragmentent et donnent un côté fast-food à la plupart des choses auxquelles elles se rapportent. Je ne sais pas si c’est une bonne chose.
Que signifie « Sankuanz » ?
C’est en fait une variation de mon nom chinois, Shangguan Zhe. Mais ce point de départ n’a plus tellement d’importance. La marque a maintenant développé son propre univers.
« Je crains surtout une tyrannie née de l’alliance entre politique et technologie. »
Votre logo, que l’on retrouve souvent dans vos créations, ressemble à un symbole qu’on pourrait trouver sur un talisman, d’où vient-il ?
J’ai étudié le design graphique à l’université, donc je suis passionné par les motifs graphiques et les polices de caractères. J’ai inclus ce logo sur nos produits parce que la foi se retrouve ainsi concentrée en un symbole spécifique, et cela permet de se rappeler en quel monde on croit.
Il y a quelques années, vos créations représentaient des personnages de dessins animés dystopiques assez similaires à ceux du japonais Takashi Murakami. Êtes-vous inspiré par l’art ?
L’art est ma plus grande inspiration. C’est dommage que la mode ne puisse que difficilement se tourner vers des concepts extrêmes, à cause de sa dimension consumériste. Pourtant, c’est aussi grâce à cet aspect que les actions menées par les marques sont aujourd’hui devenues des formes d’expression à part entière.
Photo : Eddy de Pretto.
Sweatshirt, Antidote Studio en collaboration avec Sankuanz, 320 euros.
Chemise, Antidote Studio en collaboration avec Sankuanz, 270 euros.
Jogging, Antidote Studio en collaboration avec Sankuanz, 300 euros.
Basket, Adidas.
Photo : Eddy de Pretto.
Sweatshirt, Antidote Studio en collaboration avec Sankuanz, 320 euros.
Chemise, Antidote Studio en collaboration avec Sankuanz, 270 euros.
Jogging, Antidote Studio en collaboration avec Sankuanz, 300 euros.
Basket, Adidas.
Ce sentiment dystopique est omniprésent dans vos collections, et en particulier dans les dernières, marquées par des influences esthétiques militaires. Avez-vous peur de la fin du monde ?
Je crains surtout une tyrannie née de l’alliance entre politique et technologie. J’ai l’impression pessimiste que ça arrivera bientôt. Internet est omniprésent dans la vie quotidienne de chacun. On peut utiliser son téléphone pour effectuer un paiement, même dans le village le plus reculé, ou acheter tout ce que l’on veut en ligne, et être livré le lendemain. La technologie apporte du confort dans nos vies, mais elle crée aussi des matrices. Des serveurs stockent toutes les informations se rapportant aux individus, sans qu’on soit au courant de tout, puis elles sont partagées avec le monde entier. Nous sommes démunis face à ce mur, et il n’y a aucun moyen d’en échapper. Nous en sommes tous les bénéficiaires, et aussi les victimes.
Pour votre collaboration avec Antidote Studio, vous avez conçu une collection 100% vegan, était-ce un défi pour vous ?
Je n’ai pas eu ce sentiment. Si j’avais eu à concevoir une collection 100% fourrure, là ça aurait été compliqué.
Parlez-nous du processus créatif derrière cette capsule.
Ce projet est né vers la fin du développement de la collection automne-hiver 2018. Elle m’a naturellement influencé, et j’ai notamment utilisé l’impression camouflage à motifs d’épines de Sankuanz.
Photo : Xiangyu Liu.
Bomber, Antidote Studio en collaboration avec Sankuanz, 650 euros.
Veste, Antidote Care, 350 euros.
Jean, Antidote Care, 210 euros.
Elle entièrement fabriquée en Chine. Souffrez-vous des préjugés que les gens continuent d’avoir concernant le made in China ?
La plupart des fabricants de vêtements en Chine travaillent encore de manière extensive. Bien qu’il y ait eu récemment une volonté de transformation du système, je pense qu’il faudra encore longtemps avant qu’elle ne soit effective. Et j’ai l’impression que j’ai moi-même des préjugés, pas au sujet de la qualité des produits, mais à propos du niveau de passion et de respect des fabricants à l’égard des produits.
Quelles sont les valeurs que vous souhaitez transmettre à travers vos créations ?
Faire tomber le mur.
Quel est votre prochain projet ?
Terminer la collection printemps-été 2019.
Photo : Xiangyu Liu.
La première collection Antidote est disponible en exclusivité au premier étage du Printemps de l’Homme, 64, Boulevard Haussmann, Paris 9.
Chemise, Antidote Studio en collaboration avec Sankuanz, 270 euros.
Sweatshirt, Antidote Care, 210 euros.
Short, Antidote Care, 130 euros.
Jogging, Antidote Care, 150 euros.
Chaussures, Antidote Studio en collaboration avec Rombaut, 280 euros.
La première collection Antidote est disponible en exclusivité au premier étage du Printemps de l’Homme, 64, Boulevard Haussmann, Paris 9.