De nouveaux designers issus des pays de l’Est percent à l’international dans le sillage de Gosha Rubchinskiy et Demna Gvasalia. Voici six noms à retenir.
Anton Belinskiy
De gauche à droite : Anton Belinskiy, collection printemps-été 2017. Anton Belinskiy, collection automne-hiver 2015. Anton Belinskiy, collection printemps-été 2014. Anton Belinskiy, collection printemps-été 2016.
Anton Belinskiy s’est imposé comme le designer ukrainien le plus prometteur de sa génération. Et le plus politique, aussi. Fin 2013, il a fait photographier certaines de ses pièces sur la place Maïdan, théâtre de l’Euro-révolution, alors qu’elle était cernée de policiers prêts à en découdre. La crise que traverse son pays le marque profondément, et certains de ses vêtements font référence à l’effondrement économique qui survient suite au renversement du gouvernement. Le slogan qui rassemble l’avant-garde artistique ukrainienne, « Poor But Cool » (à l’origine inventé par l’artiste Vova Vorotniov), est d’ailleurs omniprésent dans sa collection automne-hiver 2015.
Cette même année, ses créations colorées et souvent unisexes, qui jouent sur la déconstruction des formes, lui permettent d’atteindre les demi-finales du prestigieux prix LVMH. Puis VFiles, une plateforme à la recherche des nouveaux talents de la mode, l’invite à présenter un défilé à la fashion week de New-York. Belinskiy profite alors du succès de sa marque pour lancer le « One Day Project », qui met en avant des designers ukrainiens pointus mais encore peu connus, et encourage l’émergence d’une nouvelle scène.
Maria Kazakova, fondatrice du label Jahnkoy
Photos : Jahnkoy, collection « The Displaced », automne-hiver 2017
La créatrice sibérienne a fait ses armes dans trois écoles de mode différentes, à Moscou, la CSM puis la Parsons School of Design à New York, où elle se fait remarquer pour ses créations athleisure intégrant des éléments ethniques, reconnaissables au premier coup d’œil. Un style qu’elle affine jusqu’à sa collection phare, The Displaced, présentée comme une critique de la fast fashion et des surplus qu’elle engendre, au détriment des métiers d’artisanat.
Maria Kazakova la conçoit à partir de vêtements sportswear d’occasion qu’elle reprend en y cousant des broderies à la main, avant d’y ajouter des perles ou des franges, en s’inspirant de styles traditionnels issus des quatre coins du monde. Elle collabore avec Puma pour ce projet, avec qui elle partage un intérêt pour le développement durable, en customisant différentes pièces de la marque – notamment des paires de sneakers. Et aussi avec Swarovski, qui lui offre des cristaux pour orner certaines tenues. Le résultat ? Une ligne postmoderne, oversize et haute en couleurs, qui l’emmène jusqu’en finale de l’édition 2017 du prix LVMH, et l’impose comme une nouvelle figure à suivre de très près.
Kiko Kostadinov
Photos : Kiko Kostadinov, collection printemps-été 2017. Kiko Kostadinov, collection printemps-été 2018. Kiko Kostadinov, collection printemps-été 2017. Kiko Kostadinov, collection printemps-été 2018.
Créateur d’origine bulgare, Kiko Kostadinov a connu un début de carrière fulgurant. Alors qu’il est encore étudiant à la Central Saint Martins, il collabore avec Stussy pour créer deux collections capsules à l’occasion des 35 ans du label, qui se retrouvent sold out en très peu de temps – et lui permettent de financer son master. Son diplôme en poche, il est tout de suite soutenu par Newgen, une organisation créée par le British Fashion Council pour supporter les jeunes designers émergents. Elle lui permet de présenter ses créations, qui revisitent le workwear, à la London Collections : Men printemps-été 2017. Il y dévoile une ligne sobre et minimaliste, rehaussée d’une touche néoromantique conférée par des bérets XXL.
Le show est salué par la critique, tout comme celui qu’il organise pour la saison printemps-été 2018, qui se penche sur la représentation du mal. Les mannequins y ont des airs de serial killers avec leur visages blafards recouverts de nylon, et se succèdent sur le catwalk en chemise à col officier asymétrique, tenue chirurgicale, et autres survêtements vert pâle. Un show dystopique, risqué, qui dénote une vision radicale. En parallèle de son propre label, le designer est aussi nommé directeur artistique de Mackintosh 0001 : une nouvelle ligne destinée à rajeunir l’image de la célèbre marque d’imperméables.
Dasha Selyanova et sa marque ZDDZ
Photos : ZDDZ, collection automne-hiver 2017
À travers son label ZDDZ, la designer russe Dasha Selyanova livre des créations streetwear inspirées par les uniformes et l’environnement urbain – de la signalisation routière aux chantiers de construction. Des obsessions qu’elle mêle parfois à des thèmes plus intimes, comme la dépression contre laquelle elle a lutté durant son adolescence, alors qu’elle se rendait régulièrement à des raves techno. Sa collection printemps-été 2016 est ainsi parcourue de slogans publicitaires pour antidépresseurs (« help yourself », « sleep better, live better »…).
Photos : ZDDZ, collection automne-hiver 2017
Invitée à New-York par VFiles, elle décide ensuite d’abandonner les défilés, préférant dévoiler ses vêtements dans des bâtiments moscovites d’apparence post-soviétique (sans respecter le calendrier des fashion weeks), ou à travers des vidéos. Même le concept de collection lui paraît dépassé : elle compte les remplacer avec des « stories » centrées autour de thématiques précises, qui pourraient ne comprendre que deux ou trois pièces. « Je me sentirais plus à l’aise en dirigeant des projets plus petits, plus rapidement, confie Dasha Selyanova. Ça permet de garder sa créativité fraîche. Parfois, tu ne peux plus regarder ta propre collection après avoir travaillé dessus pendant des mois ! ». Elle révélera une première story à la rentrée, centrée sur l’idée de protection dans un contexte citadin, avant d’en livrer une nouvelle avant la fin de l’année.
Maksim Bashkaev et Dilyara Minrakhmanova, le duo derrière Outlaw
Photos : Outlaw
Ces deux designers russes ont lancé la marque Outlaw en 2014, dont les créations éclectiques évoquent un univers hip-hop, sans s’y restreindre : chapkas en fausse fourrure colorée, impairs siglés, pantalons recouverts de graffitis, jumpsuits en plastique transparent, lunettes de soleil futuristes…
Maksim Bashkaev et Dilyara Minrakhmanova les ont mises en scène à travers une première vidéo qui suit les déambulations de jeunes outsiders à Moscou, et exalte la diversité de la ville, offrant un contrepoint au prisme post-soviétique de Gosha Rubchinskiy. Nick Knight l’a ensuite récompensée du SHOWstudio Fashion Film Award en 2016, leur permettant d’en tourner une nouvelle aux quatre coins de la Russie. Une belle vitrine pour le duo, qui refuse de suivre les cycles de production classique, et dont la marque a déjà séduit Sita Abellán, Skepta ou encore Zebra Katz.