Que faut-il retenir de la Fashion Week de New York été 2019 ?

Article publié le 17 septembre 2018

Photo : Marc Jacobs printemps-été 2019
Texte : Pierre A. M’PELÉ

Célébration de la culture Queer, mise en avant de jeunes designers, retour de l’extravagance et positionnement politique : une fois de plus, New York s’est affirmée comme la symbiose parfaite entre création et militantisme.

New-York bouge. La ville est en pleine résurgence et les grands noms comme Marc Jacobs et Calvin Klein ont mis les bouchées doubles face à une garde de jeunes designers prêts à tout pour prouver leur originalité. Sans oublier le body positive qui s’est imposé sur les podiums au même titre que les combats politiques et les questions de société.

Le message politique : Pyer Moss

Dans l’Amérique de Donald Trump, bouleversée par les mouvements #MeToo et BlackLivesMatter, de nombreux jeunes créateurs n’hésitent plus à affirmer leurs convictions politiques. Parmi eux, Kerby Jean-Raymond de Pyer Moss dont la collection aux influences sportswear pointues résonne comme une alarme.

On y retrouve notamment un t-shirt demandant explicitement aux blancs d’arrêter d’appeler la police en accusant systématiquement des afro-américains. Afin de démontrer que les noirs ne sont justement pas trafiquants de drogues ou membres de gangs, le créateur a aussi collaboré avec l’artiste Derrick Adams en lui demandant de réaliser dix tableaux représentant des afro-américains dans des scènes de la vie quotidienne.

Photos de gauche à droite : Pyer Moss printemps-été 2019.

L’extravagance : Marc Jacobs

Cette saison, Marc Jacobs prouve que New-York n’a rien à envier aux capitales européennes de la mode. Sa dernière collection, marquée par une esthétique haute couture rappelant l’opulence des années 1980, s’inscrit dans la continuité de son défilé précédent. Un soupçon d’Yves Saint Laurent, une pincée de Roberto Capucci, un zeste de Cristóbal Balenciaga, un clin d’oeil à la première collection de Karl Lagerfeld pour Chanel : le créateur américain s’inspire de la mode pour faire de la mode. On retrouve donc dans sa collection des tailleurs impeccables et des robes aux volumes exagérés, dans des matières riches et aux couleurs flamboyantes. Une certaine idée du retour du beau et de l’extravagance fantasmée dans une Amérique qui en a bien besoin.

Photos de gauche à droite : Marc Jacobs printemps-été 2019.

Le nouveau statement : le corps dans tous ses états

La diversité dans la mode ne se résume pas à la couleur de peau. Et dans un pays comme les États-Unis, faire défiler uniquement des mannequins taille 34 serait un non-sens total. Voilà pourquoi New York a vu arriver plus que jamais des mannequins aux courbes généreuses et aux corps multiples sur les catwalks. Chromat a fait défiler la mannequin militante et handicapée Mama Cax alors que Rihanna, lors du show de sa marque de lingerie Savage X Fenty, n’a pas hésité à engager la mannequin Slick Woods, enceinte de neuf mois.

Photos de gauche à droite : Savage X Fenty printemps-été 2019, Christian Siriano printemps-été 2019, Chromat printemps-été 2019, Cushnie printemps-été 2019.

La métaphore : Les Dents De La Mer

Chez Calvin Klein, Raf Simons s’est attaqué à un classique du cinéma américain, Les Dents de la mer. De la fiction de Steven Spielberg sortie en 1975, le créateur belge en a tiré une version inquiétante de la réalité. C’est dans une mer de sang que les mannequins ont marché, cheveux humides ou mouillés, avec des jupes semblant avoir été déchiquetées par les dents d’un grand blanc ; histoire d’illustrer ici la métaphore d’un pays autrefois vénéré et qui finit par se faire dévorer.

Photos : Calvin Klein printemps-été 2019.

La devise : Durs à Queer

New York, berceau des revendications liées à la sexualité, a une fois de plus joué la carte de la tolérance et du militantisme. Lors d’un défilé-spectacle événement, Opening Ceremony s’est associé à Sasha Velour, gagnante de la neuvième saison de Ru Paul’s Drag Race, afin de célébrer la culture drag. Un show qui n’était pas sans rappeler celui de dapperQ, collectif new-yorkais mettant en avant de jeunes designers queer (SALT, Stuzo, A/C Space, Kris Harring) à travers un casting de mannequins mélangeant les genres, les sexualités et les corps.

Autre représentant d’une mode queer, inclusive et genderfluid : le label Gypsy Sport fondé par le jeune designer d’origine mexicaine Rio Uriben, souvent décrit comme l’héritier de Shayne Oliver, fondateur de la marque Hood By Air. À travers des silhouettes à l’esprit punk saupoudrées de fleurs, bijoux coquillages, broderies et macramés, Gypsy Sport n’a pas hésité à surjouer les poses glamour de ses mannequins. Un peu comme la marque Marco Marco originaire de Los Angeles dont les 34 mannequins étaient ouvertement transsexuels et/ou non-binaires.

Photos de gauche à droite : Opening Ceremony printemps-été 2019, TomboyX avec Squirrel Vs. Coyote printemps-été 2019 au défilé DapperQ, Gypsy Sport printemps-été 2019, Marco Marco printemps-été 2019.

La nouvelle génération : la consécration

Cette saison, les jeunes labels new-yorkais ont confirmé leur statut et leur savoir-faire. Luar, marque créée par le designer Raul Lopez (finaliste du prix CFDA 2018), a proposé une collection immaculée aux inspirations Renaissance où se mêlent tailoring destructuré, transparence et broderies.

Chez Telfar, les classiques du vestiaire américain (bannière étoilée, denim, logo de la bière Budweiser) ont tous été revisités et updatés afin de remettre en question la consommation de masse si chère à l’Oncle Sam. De son côté, Eckhaus Latta, formé par le duo Mike Eckhaus et Zoe Latta, a une fois de plus booster ses silhouettes aux allures minimalistes grâce à une expérimentation des coupes et des tissus.

Photos de gauche à droite : Luar printemps-été 2019, Telfar printemps-été 2019, Eckhaus Latta printemps-été 2019.

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