Que faut-il retenir de la Fashion Week de Milan ?

Article publié le 18 janvier 2017

Texte : Edouard Risselet
Photo : Sunnei automne-hiver 2017-2018

Si Londres avait su puiser son inspiration en sa décision de quitter l’Europe, Milan qui lui reste attachée cherche une nouvelle direction pour sa mode que la formalité complexe. À coups de jeunes créateurs, joggings velours et K-Way Swarovski.

Roberto Cavalli absent, Calvin Klein parti définitivement à New York et Gucci et Bottega Veneta en attente du mois de février pour présenter homme et femme lors d’un unique défilé : la Fashion Week homme automne-hiver 2017 de Milan, bouleversée par la fluidité des genres, le see now, buy now et la demande croissante en sportswear, s’annonçait bien amputée. Mais l’ablation d’une partie de ses maisons emblématiques a permis à la capitale lombarde de mettre en lumière une vague de jeunes labels prometteurs qui semblaient jusqu’ici lui faire défaut. Ils s’appellent Malibu 1992, Miaoran, Federico Curradi, Palm Angels ou encore Sunnei et incarnent le futur de la mode à Milan.

NOUVEAUX DÉPARTS : MARNI, DIRK BIKKEMBERGS ET ZEGNA

De gauche à droite : Dirk Bikkembergs automne-hiver 2017-2018, Marni automne-hiver 2017-2018, Dirk Bikkembergs automne-hiver 2017-2018, Ermenegildo Zegna automne-hiver 2017-2018.

Car la ville semble enfin prête à embrasser le changement. Après les départs consécutifs de Stefano Pilati chez Zegna, Massimiliano Giornetti chez Ferragamo et Consuelo Castiglioni de la maison Marni, trois postes majeurs se trouvaient vacants et ces trois piliers du luxe milanais dans la peur de prendre la mauvaise décision. C’est finalement Alessandro Sartori qui retourne chez Ermenegildo Zegna au poste de directeur artistique après être passé par Berluti. Là-bas, il applique les codes décontractés qui avaient fait le succès du prêt-à-porter du bottier français lancé à son arrivée en 2011. Toujours très luxueuse, la silhouette se déformalise, les chemises disparaissent au profit de polos, de cols roulés et de tuniques soyeuses. Chez Ferragamo, le premier essai du Français de 34 ans Guillaume Meilland – un ancien du studio Lanvin – confirme la volonté de Milan de se défaire de certaines traditions sans pour autant transiger sur l’exécution irréprochable de ses modèles. Dans un registre plus mode, le discret Francesco Risso accepte la tâche difficile de succéder à la fondatrice de Marni qui annonçait en octobre son départ de la maison qu’elle avait passé 22 années à construire et sublimer. Dans son interprétation radicale mais juste des codes Marni, on lit encore une imprégnation de son expérience chez Prada dont il devrait parvenir à s’émanciper pour son premier défilé féminin en février.

LE TOUCHER : VELOURS

De gauche à droite : Prada automne-hiver 2017-2018, Miaoran automne-hiver 2017-2018, Damir Doma automne-hiver 2017-2018, MSGM automne-hiver 2017-2018.

Les fondamentaux de Prada – et les fondamentaux tout court, c’est justement ce à quoi Miuccia a voulu revenir pour son défilé homme automne-hiver 2017. Pas de mise en scène grandiose mais deux rangées de bancs et quelques lits à têtes en carreaux brillants, pour rappeler les intérieurs des maisons milanaises des années 1970. Dans ce décor volontairement prosaïque, font sens les créations réalistes de la couturière italienne. Ni matière technique comme l’été passé ni vison à motif intarsia comme elle sait les faire, un classique velours côtelé marron, beige ou cognac compose ce vestiaire intemporel. Il couvre aussi les doudounes de Massimo Giorgetti chez MSGM, les bottes de Damir Doma qui présente désormais à Milan ses deux lignes lors d’un même show et les tracksuits irisés du jeune créateur chinois Miaoran soutenu par Giorgio Armani.

L’ACCESSOIRE : LA POCHETTE DE DEALER

De gauche à droite : Jil Sander automne-hiver 2017-2018, Neil Barrett automne-hiver 2017-2018, Palm Angels automne-hiver 2017-2018, Wood Wood automne-hiver 2017-2018,

Icône 2016, le dealer de luxe continue de faire des émules à Milan pour l’automne-hiver 2017. Totalement dissimulé dans un jogging imprimé chez Palm Angels, il enfile en bandoulière une pochette à motif assorti. Son camarade de trafic défile chez Wood Wood, les pupilles lui aussi occultées par une paire de lunettes noires. Les hommes de transition de Jil Sander – en attendant l’arrivée d’un créateur – arborent, eux, leur sac plaqué sur le torse ou le long des hanches, accroché à la ceinture. Chez Neil Barrett comme chez Versace, la banane n’a pas dit son dernier mot.

LE MANNEQUIN : ERNEST KLIMKO

De gauche à droite : Diesel Black Gold automne-hiver 2017-2018, Fendi automne-hiver 2017-2018, Marni automne-hiver 2017-2018, N21 automne-hiver 2017-2018.

Il incarne la nouvelle campagne de Dior Homme aux côtés de Rami Malek, Boy George et A$AP Rocky. Aperçu pour la première fois sur les podiums du printemps-été 2017, ce jeune mannequin de tout juste 17 ans, avait aussi défilé la semaine dernière à Londres pour une poignée de shows. Mais c’est à Milan, chez Fendi, Marni, Diesel Black Gold, N°21 et Zegna qu’Ernest Klimko s’annonce parmi les visages phares de la saison. Ah, on a vu Lindsay Lohan aussi.

LA TENDANCE : ALPINISME

De gauche à droite : Marcelo Burlon automne-hiver 2017-2018, Etro automne-hiver 2017-2018, Dsquared2 automne-hiver 2017-2018, Moncler Gamme Bleue automne-hiver 2017-2018.

Aussi désagréables soient les sports d’hiver, la mode milanaise escalade les Alpes munie de gigantesques sacs à dos, de manteaux rembourrés et de chaussures de randonnée. Chez Moncler Gamme Bleu, Thom Browne assure la sécurité de son défilé enneigé par une file de mannequins liés les uns aux autres par de lourdes cordes aux mousquetons dorés. Une version argentée retient l’invitation du show DSquared2 dont seul les jumeaux canadiens ont le secret. Etro envisage une exploration psychédélique des hautes montagnes et déploie une garde-robe technique qui laisse présager d’un futur toujours moins formel pour les emblématiques maisons italiennes.

LA MEILLEURE BANDE SON : PRADA

Prada automne-hiver 2017-2018

Miuccia Prada reste fidèle à Frédéric Sanchez pour la réalisation de ses bandes-son. Ce studio parisien, qui signait plus tôt ce mois-ci le soundtrack du défilé londonien de Craig Green, imagine un mix inattendu et anachronique pour le 70’s show automne-hiver 2017 de la maison milanaise. S’y bousculent sans dissonance Gesaffelstein et Beethoven ou bien Jean-Sébastien Bach et Lady Gaga.

À SUIVRE : SUNNEI

Sunnei automne-hiver 2017-2018

Mais Milan ne se résume pas à une certaine idée de la sprezzatura et du lourd héritage italien caricaturé par Dolce & Gabbana. C’est ce que Loris Messina et Simone Rizzo s’évertuent à démontrer avec leur label Sunnei depuis sa création en 2014. En plus d’avoir bénéficié d’un éclairage unique sur leur second défilé en l’absence de certains pontes de cette Fashion Week, Messina et Rizzo ont témoigné ici de leur capacité à concevoir un vestiaire complet de pièces accessibles. Si Sunnei est l’italien pour « ensoleillé », leur automne-hiver 2017-2018 s’annonce tout aussi éclairé.

Eux avaient profité l’été dernier du soutien de la Camera Nazionale della Moda Italiana. Cette saison, l’équivalent de la Chambre Syndicale milanais propulse sur le podium les créations de Miaoran, Federico Curradi et de Malibu 1992. Cette jeune griffe qui se décrit telle « une dégénération digitale du luxe » et qui trouve son équilibre quelque part entre Los Angeles et Milan, a fait parler d’elle grâce à son t-shirt dont les strass écrivent « Crystal Water ».

LES COLLABORATIONS : DSQUARED KWAY, MARCELO BURLON KAPPA, DIADORA MSGM

De gauche à droite : Dsquared2 automne-hiver 2017-2018, Marcelo Burlon automne-hiver 2017-2018, MSGM automne-hiver 2017-2018

Impossible devient de concevoir la présentation d’une collection sans y avoir intégré au préalable au moins une collaboration. Ce phénomène largement répandu à Paris avec Vetements mais aussi à Londres – dont le label Cottweiler présentait la semaine passée un vestiaire complet en partenariat avec Reebok – n’avait pas encore atteint Milan. Entre la collaboration d’MSGM et Diadora, Marcelo Burlon et Kappa ou les K-Way de Dean et Dan Caten, la ville rattrapera son retard l’hiver prochain.

L’INAUGURATION : PHILIPP PLEIN MEGA MANSION

Le label fondé en 2008 par ce designer munichois reconverti dans la confection de vêtements et d’accessoires affiche un succès insolent que l’industrie de la mode n’avait pas su – voulu – anticiper. Il se passe rarement plus de deux semaines sans qu’une nouvelle boutique de marbre noir, cristaux, néons et verre de Murano n’ouvre ses portes à Pékin, Monaco, Marbella, Dubai ou Miami. C’est à Milan, sur l’une des rues les plus prestigieuses de la ville, que le créateur le plus hétéro de la mode a inauguré ce week-end sa Plein Mega Mansion, une boutique de près de 700m2 dédiée à l’homme, son vestiaire, son corps, ses fantasmes et sa vanité. Entre un bar façon cabine de jet privé estampillée Air Force Plein, une Lamborghini vert fluo garée au 3ème étage et une rangée de Kalachnikov vissées au plafond, Dan Bilzerian trouvera en cet incroyable palazzo un refuge discret pour ses escapades lombardes.

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