L’interview des fondateurs d’applecore, le label incarnant le nouveau visage de la France

Article publié le 8 mars 2018

Photo : Moha la Squale par Patrick Weldé pour Antidote : Earth été 2018.
Sweatshirt et pantalon, Antidote Studio en collaboration avec Applecore.
Sneakers, Dior Homme. Casquette, Boyhood.
Texte : Maxime Retailleau.

Lancé il y a trois ans par Moriba-Maurice Koné et Steven Alexis, applecore repense le streetwear en mêlant coupes novatrices, inspirations artistiques et clins d’œil au hip-hop, tout en embrassant la diversité de la France d’aujourd’hui. Rencontre avec ses fondateurs alors qu’ils collaborent cette saison sur une collection capsule avec Antidote Studio, s’inscrivant dans le prolongement de leur esthétique minimaliste, et vendue en exclusivité au Printemps.

Antidote. Comment votre collaboration pour lancer applecore est-elle née ?
Moriba-Maurice Koné. Avant de créer notre marque on avait des atomes crochus, on avait un état d’esprit assez proche. Au début de l’année 2015, j’ai appelé Steven un soir à 2h du mat’ pour lui proposer de collaborer sur un projet de marque, dans l’idée de mêler deux générations et deux visions. On s’est vus à plusieurs reprises après ça, et on a vite accrochés. On a par la suite annoncé notre collaboration en juin 2015.

Vos collections sont souvent marquées par leur minimalisme, pourquoi cette esthétique vous attire-t-elle ?
Steven Alexis.
Je viens du monde du design où la fonctionnalité est la chose la plus importante, « Less is more » reste un pilier. Mais la complexité peut aussi avoir beaucoup de charme.

MMK. C’est aussi le mood que l’on a ces dernières années, cela reflète nos inspirations et également la façon dont on s’habille. Mais on n’est pas fermés dans une esthétique particulière. On ne se fixe pas de limites dans la création.

Photo : Xiangyu Liu.

Photo : Xiangyu Liu.
Sweatshirt, Antidote Studio en collaboration avec applecore, 240 euros.
Manteau, Antidote Studio en collaboration avec applecore, 550 euros.
Débardeur, Antidote Care, 80 euros. Jogging, Antidote Care, 150 euros.
Bottes, Antidote Care, 390 euros.

Vous êtes parvenus à vous imposer rapidement avec votre label, en collaborant par exemple avec le célèbre concept store Colette. Avez-vous le sentiment que la mode se démocratise ?

MMK. Clairement, Internet a changé la donne, les gens sont plus ouverts. Monter une marque est un savant mélange entre design, business et relationnel. Le fait que des marques streetwear (ou autres) génèrent aujourd’hui des bénéfices importants, en totale indépendance, a obligé le marché à s’adapter. Ceci dit, Colette reste un cas particulier, puisque le store a été largement précurseur dans le mélange des genres et des univers.

SA. Pour ma part, si aujourd’hui je travaille dans ce monde là, c’est parce qu’il s’est démocratisé. J’ai toujours été attiré par les proportions, les vêtements, la technique aussi, mais pas par le monde de la mode en tant que tel. C’était quelque chose qui ne me parlait pas, mais aujourd’hui plein d’acteurs changent les codes avec Internet et leur vision, et ça me parle plus qu’auparavant. Donc oui elle se démocratise, les mondes se mélangent. Pour prendre l’exemple de Colette, c’est ce type de relations que l’on veut avoir avec le monde du retail, avec un réel échange, et une collaboration qui est authentique et pertinente pour les deux côtés. Sarah Andelman (la cofondatrice de Colette, ndlr) nous a fait confiance à un moment donné, et nous ne regrettons pas du tout le résultat.

Les influences de vos collections sont très diverses et s’étendent du football à la Renaissance, en passant par Matisse et l’argot parlé en banlieue. Traduisent-elles une volonté d’emmener le streetwear vers de nouveaux horizons ?

MMK. Le streetwear fait partie de notre ADN, du coup, on ne pense pas à ça, notre marque reflète simplement les influences personnelles qu’on a eu tout au long de notre vie : la rue, le sport et les domaines artistiques.

SA. En effet, c’est en nous, on ne réfléchit pas à ça. Par le biais d’applecore, nous voulons surtout mettre en avant des sujets qui nous tiennent à cœur. Notre campagne « Nouvelle France » est un bon exemple.

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« On voulait montrer la diversité de cultures, d’origines et de backgrounds des gens autour de nous, montrer que la France c’est aussi ça. »

Cette campagne, sortie l’an dernier, constituait un appel à l’unité dans le pays, et un encouragement à embrasser la diversité de sa population, reflétée à travers vos choix de casting. Comment l’idée de cette campagne est-elle née ?
SA. Nous avons toujours eu la volonté de mettre en avant ces côtés là. Je suis originaire des Antilles, et il y a un vrai problème concernant notre construction, d’où nous venons vraiment et comment nous nous construisons avec les repères mis à notre disposition. Partant de ça, j’ai jugé important de mettre en avant ces aspects, ceux qui reflètent notre France.

MMK. On voulait montrer la diversité de cultures, d’origines et de backgrounds des gens autour de nous, montrer que la France c’est aussi ça : des jeunes aux parcours différents, qui se débrouillent dans la vie. On voit la France comme ça.

Du design à la production en passant par l’envoi des commandes et la communication : depuis 2015, vous gérez applecore à 360 degrés. Pouvez-vous nous parler du challenge que cela représente pour de jeunes designers ?

MMK. La finalité de tout ça, c’est qu’en fait on est des entrepreneurs. Cela nous demande une vraie rigueur, une grosse organisation et des concessions dans notre vie personnelle. La réalité derrière applecore, c’est aussi qu’on a d’autres activités à côté pour pouvoir développer la marque. C’est beaucoup de travail, mais on essaye d’être le plus efficaces possible.

SA. Depuis le départ, on mène la barque à notre façon. Nous faisons des collections quand nous sommes prêts, on ne se presse pas. On n’a jamais défilé encore et ce n’est pas prévu à court terme. Et on gère applecore à 1000 degrés même. On s’est lancés un peu naïvement, sans se rendre compte du travail qu’il y aurait à fournir. Mais aujourd’hui on charbonne, et on se remet beaucoup en question, c’est notre caractère. Et le constat que je fais actuellement, c’est qu’en France il est compliqué d’exceller avec une marque de vêtements.

Quel a été le plus grand défi que vous avez dû relever depuis le lancement de votre label ?

MMK. En 2016, il y a eu un engouement important autour de la marque, et on a enchaîné une collection rapidement en janvier 2017 pour notre premier showroom. Les résultats n’ont pas été en accord avec nos attentes. Ça a été un coup dur. C’est le point de départ qui nous a amené à mieux travailler nos rétro-plannings, à impliquer d’autres personnes dans nos brainstormings, à nous remettre en question. Après cette période, on est rentrés chez Colette, on a fait une collab’ avec eux, et les campagnes Beats et Complexcon.

Photo : Moha la Squale par Patrick Weldé pour Antidote : Earth été 2018.
Sweatshirt et pantalon, Antidote Studio en collaboration avec Applecore.
Sneakers, Dior Homme. Casquette, Boyhood.

Photo : Moha la Squale par Patrick Weldé pour Antidote : Earth été 2018.
Sweatshirt et pantalon, Antidote Studio en collaboration avec Applecore.
Sneakers, Dior Homme. Casquette, Boyhood.

Comment décririez-vous l’évolution d’applecore depuis son lancement ?
MMK. La remise en question et le fait de prendre notre temps, sans brûler les étapes, nous caractérisent bien. On reste authentiques depuis le départ.

SA. On a eu bien raison de rester authentiques, et de beaucoup dire non aussi. Aujourd’hui, on n’a peut être pas fait de défilé et 25 collections, mais tout ce qu’on a fait nous l’avons choisi sans nous travestir. Un ami m’a dit une fois : « Il vaut mieux vaut dire 100 fois non que une fois oui et que ça ne te ressemble pas ».

Vous avez conçu une jupe portée par un mannequin homme dans votre lookbook Automne-Hiver 2017, et plus généralement, toutes vos pièces sont unisexes. Pourquoi ce parti pris ?
MMK. En réalité, ce n’est même pas un parti pris, c’est juste naturel pour nous. Aujourd’hui, les filles portent des vêtements d’hommes sans même se poser la question. La jupe et la combi par contre, c’est pour les hommes les plus deter’, on sait qu’ils ne seront pas nombreux à les porter.

Vos pièces ont été arborées par de célèbres rappeurs dont Lil Yachty, Rejjie Snow ou encore Niska. Le hip-hop est une culture dont vous vous revendiquez ?
MMK. Le hip-hop a accompagné notre vie depuis petit. On aime ça, on valide, on en fait partie. Ce qui nous intéresse, c’est l’authenticité des artistes.

SA. Mais encore une fois, nous sommes ouverts à tout ce qui nous parle, principalement le hip-hop, mais pas que.

À l’heure où le luxe se tourne vers le streetwear, et où la mode s’inspire des tendances venues de la rue et des banlieues, avez-vous le sentiment que vivre en Seine-Saint-Denis vous permet d’avoir un coup d’avance ?
MMK. Non, c’est plus complexe. Ce qui nous permet d’avoir un élément supplémentaire, c’est plutôt la navigation entre la banlieue, Paris, nos pays d’origines et l’étranger. C’est ce passage dans différents milieux, tout au long de notre vie, qui fait qu’on développe une vision complète reflétant tous les côtés de notre société. Une journée type peut être tellement diversifiée en termes de lieu, de milieu social… Nous avons la faculté de nous adapter partout. Aujourd’hui, les styles se confondent tellement que l’on pourrait parfois ne plus faire la différence entre la Seine-Saint-Denis, le 18e et le 77 par exemple. On s’inspire pas mal de ce qu’on voit dans la rue donc ça peut faire germer des idées, mais elles peuvent venir de partout au final. Ce que les gens appellent le Grand Paris, c’est ce qu’on est.

Photo : Xiangyu Liu.
Veste, Antidote Studio en collaboration avec Strongthe, 880 euros.
Sweathshirt, Antidote Studio en collaboration avec applecore, 350 euros.
Débardeur, Antidote Care, 80 euros.
Jogging, Antidote Studio en collaboration avec applecore, 330 euros.
Casquette, Antidote Care, 50 euros.

Vous avez récemment créé une collection capsule 100% vegan en collaboration avec Antidote, quelle a été votre processus créatif ?
SA. Encore une fois nous n’avons pas travestis notre façon de penser, nous créons de manière la plus responsable possible, et ça touche d’autres domaines que la production. Mais l’idée c’était de recréer notre univers de manière plus épurée, 100% vegan, avec des couleurs, des finitions et des détails de coupes différents.

Quelles références aviez-vous à l’esprit lors de sa conception ?
SA. Nous avons prolongé l’idée de construction identitaire, qu’on a développée sur notre prochaine collection qui va sortir dans quelques mois. La ligne est aussi traversée par un questionnement sur la connaissance de soi-même, de ses racines, de sa position actuelle dans la société, et la volonté de prendre des risques dans la vie, voire de se tromper.

Parmi les pièces, on retrouve différentes variations sur les impairs : avec des manches doublées, une capuche recouvrant entièrement le cou ou encore en version crop top. Qu’est-ce qui vous a poussé vers ces innovations sur les coupes  – qui ressortent d’autant plus grâce aux couleurs monochromes utilisées ?
MMK. On voulait pousser le travail sur les détails, les proportions et les jeux de niveaux. Pouvoir porter et associer des vêtements de plusieurs manières différentes. Par exemple, pour la veste crop top et la veste sport, c’est venu de l’idée d’avoir deux vestes en une, qui seraient portables ensemble et indépendamment. Ensemble, les proportions sont vraiment intéressantes, car on peut serrer la veste crop top au-dessus, ou la porter plutôt large et ouverte, de manière à ce que le col de la veste qui recouvre le cou passe par-dessus le crop top. Il y a beaucoup de possibilités et chacun peut les ajuster selon sa créativité, c’est ce qu’on a voulu apporter.

« L’idéal serait qu’applecore devienne une plateforme de référence en termes de culture, qu’elle inspire, serve de tremplin pour plein de gens et puisse agir sur leur vie. »

Vous avez aussi réalisé un jogging et une polaire en peau de pêche : une matière largement associée à certains rappeurs célèbres dans les années 1990, comme Notorious B.I.G ou encore Cam’ron. Pourquoi ce choix, par nostalgie ?
MMK. Les ensembles peau de pêche, c’est en quelque sorte un hommage à une période du hip-hop, oui, on trouvait ça intéressant de remettre au goût du jour cette silhouette phare.

SA. C’est un classique applecore maintenant.

Quels sont vos futurs projets ?
MMK. On est assez discrets sur ce qu’on prépare en général, mais on va sortir un drop avant l’été pour remercier les gens qui nous supportent depuis le début.

SA. Nous avons la chance d’avoir beaucoup de personnes autour de nous qui nous supportent de près ou de loin, et nous voulons leur rendre la pareille par de petits gestes, comme ce drop. Il y a aussi notre projet « IDENTITY », qui devrait voir le jour à la rentrée, et on parle beaucoup avec l’ami Luchino Gatti aussi en ce moment.

Où voyez-vous applecore dans dix ans ?
MMK. Dix ans c’est assez loin, si on est toujours présents, ce serait une marque indépendante du style Comme des Garçons, avec des actions et des projets pouvant agir sur la culture et la vie des gens.

SA. Dans dix ans je ne sais pas, mais dans quelques années l’idéal serait qu’applecore devienne une plateforme de référence en termes de culture, qu’elle inspire, serve de tremplin pour plein de gens et puisse agir sur leur vie – comme le dit Moriba. Mais si ça se trouve applecore n’existera plus, peut-être que nous n’auront plus rien à exprimer par le biais du vêtement, qui sait.

La première collection Antidote est disponible en exclusivité au premier étage du Printemps de l’Homme, 64, Boulevard Haussmann, Paris 9.

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