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Rencontre avec Central Cee : le rappeur UK préféré de Paname

Il est le plus parisien des rappeurs britanniques et l’artiste UK le plus écouté en France : Central Cee, désormais mondialement reconnu, devient le porte-parole de notre culture de par ses collaborations avec des rappeurs parisiens, au point de populariser le mot « wesh » de l’autre côté de la Manche. Depuis 2020, vous avez sûrement entendu ses gros hits comme « Loading » ou « Commitment Issues » ; après plusieurs EP et mixtapes, et à l’aube de son premier et très attendu album, on s’est entretenu avec le londonien de 26 ans dont le style et les légendaires survêtements traversent les frontières avec autant d’authenticité que sa musique.

« Doja », « Sprinter »… Fort de gros singles, Central Cee, de son vrai nom Oakley Neil H.T Caesar-Su, s’est récemment fait un nom mondialement après avoir conquis le marché britannique et européen. Mais c’est à Paris qu’on le voit de plus en plus souvent, retrouvant au sein de la capitale française ce qu’il ne trouve plus chez lui, à Londres : la liberté, dans «un chez-soi loin de chez soi». Du tournage de son clip « Moi » à sa collaboration avec le rappeur français JRK 19, en passant par une collaboration avec le PSG, Central Cee est ici comme chez lui et se met même à l’argot français en employant le mot « wesh » dans « Bolide Noir » : résultat, les britanniques ne jurent plus que par ça. Sa relation avec la France ne s’arrête pas là : le rappeur UK le plus écouté de l’Hexagone a également collaboré avec bon nombre de ses homologues parisiens, comme Ninho ou encore Ashe 22. Un concert gratuit à Grigny l’a encore un peu plus rapproché d’un public qui ne s’attendait pas à autant : Central Cee se mue en un homme du peuple français, tout en devenant le meilleur porte-parole britannique de notre culture populaire outre-Manche.
À l’aube de son premier album, qui sortira le 24 janvier 2025 et fait suite à plusieurs EPs et mixtapes à succès, le rappeur de 26 ans, toujours fidèle à ses survêtements, trouve une manière de rester ancré à ses racines tout en s’émancipant. Dix ans après avoir quitté l’école et son domicile monoparental pour vendre de la drogue, avec la musique comme échappatoire au bout du tunnel, Central Cee a aujourd’hui un conseil à donner aux jeunes : « partez et découvrez le monde », tel qu’il le fait désormais avec, en ligne de mire, un avenir prospère entre « musique, business et famille ».
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Rachid Majdoub : Hello ! T’es en voiture et il à l’air de pleuvoir : un temps à rester au chaud, sur son téléphone. Et justement, parlons de ton dernier single, « Gen Z Love ». 
Central Cee : Oh ouais, c’est un son cool, il sera sur mon album [son premier album à venir, NDLR], qui va bientôt sortir.
Peux-tu m’en dire plus sur ce premier disque ?
J’ai travaillé très dur dessus et j’essaie de ne pas trop changer ce pour quoi les gens me connaissent. Il y a encore beaucoup de choses à venir et j’espère juste que tout le monde l’appréciera. Pour en revenir à « Gen Z Love », ce single parle de la complexité des relations modernes.
C’est difficile de trouver l’amour aujourd’hui, et encore plus en restant sur nos téléphones…
Oui, je l’ai écrit parce que c’est un sujet dont j’entends beaucoup parler. Le morceau n’a pas reçu l’attention qu’il mérite, il a été négligé. J’espère qu’avec la sortie de mon album et peut-être aussi d’un nouveau clip, il sera reconnu. Car je pense qu’il y a beaucoup de potentiel dans ce titre, de par son sujet. Beaucoup de gens ont du mal à accepter que, dans cette ère moderne, on cherche l’amour à travers nos téléphones. Je sais que certains préfèrent ignorer cette réalité, mais c’est la vérité. Beaucoup de gens utilisent des applications de rencontres, les réseaux sociaux… le single parle de ça. Je suis fier de ce morceau parce que je pense qu’il aborde un concept qui n’a pas vraiment été traité jusqu’à présent.
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D’ailleurs, quelle est ta relation avec les réseaux sociaux ?
J’ai une relation transversale avec les réseaux sociaux. Je les utilise pour mon travail et aussi pour le plaisir. C’est aussi là que je cherche l’amour, mais ça peut créer des problèmes.
C’est clair, les réseaux ont leurs mauvais côtés, mais ils peuvent aussi créer de bonnes connexions.
Oui, c’est vrai. J’ai découvert un artiste sur TikTok [JRK 19, NDLR]. En scrollant, j’ai vu un de ses morceaux, et j’ai aimé son style. J’ai commencé à le suivre sur Instagram et il semblait être un bon gars. Notre relation a évolué lorsque j’étais en train de tourner le clip de « Moi » à Paris. Je l’ai rencontré dans son quartier. On n’avait pas encore collaboré musicalement, mais il m’a envoyé quelques titres après que je sois rentré à Londres. J’aime vraiment son style et la manière dont sa communauté le soutient. C’était une bonne décision pour moi de montrer un peu de reconnaissance.

« Beaucoup de gens ont du mal à  accepter que, dans cette ère moderne, on cherche l’amour à travers nos téléphones. »

Justement, sur cette collaboration avec JRK 19, « Bolide Noir », tu prononces le mot « wesh », que tu as rendu populaire à Londres. Si je te dis que tu es devenu le meilleur ambassadeur français en Angleterre, qu’en penses-tu ?
C’est lui qui m’a appris ça, je sais que c’est un mot populaire ici et que tout le monde l’utilise « wesh » [rires]. Ça vient d’Algérie et ça a été popularisé dans toute la France, alors pourquoi pas l’importer à Londres ! Ça m’a fait rire de voir que les Anglais l’utilisent sur TikTok.
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Tu as de vraies relations avec les rappeurs français et tu as d’ailleurs collaboré avec pas mal d’entre eux, comme Ninho, Ashe 22… T’écoutes beaucoup de rap français ?
Oui, je suis au courant de ce qui se passe dans la scène française. J’écoute presque autant de rap français que de rap anglais ou américain. Je trouve que le rap européen, en particulier le rap français, est très authentique. J’aime le fait que les clips montrent la réalité des artistes, alors que dans le rap britannique, c’est souvent trop fabriqué.

« J’écoute presque autant de rap français que de rap anglais ou américain. »

Oui, le rap français a un côté plus brut, un peu comme la drill [un sous-genre du rap venu d’outre-Manche, NDLR] dans le rap britannique.
Oui, c’est vrai. Le rap britannique est devenu trop commercial, et les gens ont oublié ses racines.
Comment s’est passé ton week-end à Paris durant cette Fashion Week 2024 ?
J’adore Paris. Je pense que je pourrais y vivre un jour. Pour être honnête, je voulais y retourner directement après mon retour à Londres. La Fashion Week est toujours marquée par une ambiance agréable, c’est cool de voir du monde et il y a toujours quelque chose à faire dans cette ville.
Tu peux nous parler de ta relation avec Paris ? Qu’est-ce que tu aimes particulièrement dans cette ville ?
J’aime Paris parce que c’est similaire à Londres, mais ma relation avec Londres est un peu compliquée. À Paris, je me sens plus libre, sans soucis. C’est comme un chez-soi loin de chez soi.
Qu’est-ce que Paris a que Londres n’a pas ou inversement, qu’est-ce que Londres a que Paris n’a pas ?
C’est une bonne question. Il n’y a pas beaucoup de restaurants caribéens ici, ce qui est un peu surprenant.
C’est vrai, il y a beaucoup de restaurants africains, mais peu de caribéens.
Oui, je vais dans des restaurants sénégalais et nigérians, mais j’aimerais bien connaître un bon restaurant caribéen ici.
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En parlant de Paris, c’est cool que le PSG ait utilisé ta musique pour promouvoir son nouveau maillot.
Oui, c’est super. Ça montre que ma relation avec Paris grandit après toutes ces années.
Tu donnes de l’intérêt à Paris, et Paris te le rend bien.
Oui, je suis fier de ça. Quand je suis arrivé en France, on m’a dit que la radio ne jouait que du rap français et très peu de rap UK. Maintenant, je suis un des artistes les plus écoutés ici et j’en suis fier.

« Je veux faire des affaires, mais ce n’est pas quelque chose que je veux nécessairement montrer au monde. Je crois que le rap est un sport pour les jeunes et qu’il n’a pas la même longévité que le business. »

Pour revenir au foot, je sais que t’as une grande collection de maillots.
J’aime bien faire matcher les maillots de foot avec mes tenues. Les maillots de foot font complètement partie de mon look.
Tu portes aussi souvent le maillot du Maroc !
C’est un fan qui m’a donné ce maillot, je le trouve très cool. C’est la première fois que je le portais, puis je l’ai gardé.
Veste de survêtement à capuche, Racer Worldwide. Débardeur Corteiz. Pantalon de jogging, Sp5der
Quel est le plus beau maillot de football que tu as ?
Peut-être celui-là, le maillot « first » marocain, le blanc. Il porte mon nom et je l’aime beaucoup. Aussi, quand ce fan me l’a donné, c’était à l’occasion d’un jour spécial. Je l’ai porté dans un quartier d’Île-de-France… Grigny ? Oui c’est bien ça, je suis allé à Grigny et c’est un bon souvenir parce que j’étais avec mes potes, et l’un de mes amis qui est décédé depuis était là avec moi. Le show était magique parce que c’était une performance gratuite dans un quartier, et c’était complètement différent en termes d’énergie que de le faire devant une foule habituelle. Donc, ce maillot est peut-être l’un de mes plus spéciaux.
Ouais, j’ai vu la vidéo de ce moment, c’était incroyable. Et en plus, en te rendant à Grigny, t’es allé dans un vrai quartier de la banlieue parisienne.
Ouais, j’ai pu le ressentir, l’énergie était réelle.
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Cool. Et à propos de la mode, les survêtements font partie intégrante de ton style. Pourquoi sont-ils si importants pour toi ?
Pour être à l’aise, je pense. Et je pense aussi que ça montre un peu d’où on vient. Je peux rester lié à Londres, au quartier d’où je viens même si je n’y suis plus. Je pense que tu peux t’exprimer à travers la mode, c’est pourquoi j’aime les survêtements et les maillots. Si je vais au Brésil, je porte le maillot, ou si je vais au Japon, alors je porte un style urbain que les Japonais portent.
C’est comme porter des valeurs sociales.
Ouais, j’aime cet aspect-là aussi.

Cette histoire est ancienne, mais je voulais juste en parler rapidement. Débarquer sur le tapis rouge des British Fashion Awards dans un survêtement Quechua est pour moi un des meilleurs moves que l’on puisse faire. Que représentait pour toi cette démarche ?
C’est drôle parce que… je te jure, c’était juste moi, c’était juste ce que je portais déjà ce jour-là, mais le monde entier l’a vu. Je ne voulais même pas être sur le tapis et j’ai essayé d’esquiver le photocall. Je voulais juste aller à l’événement parce que j’étais invité, pour voir ce que c’était. Donc je suis juste venu comme je suis. Je n’ai même pas mis ça spécifiquement pour les Awards, tu vois ce que je veux dire. Je n’aime pas trop réfléchir à ça, et quand je me réveille, je mets ce qui est devant moi. Je ne vais pas spécialement mettre une tenue pour quoi que ce soit. Peut-être pour des clips musicaux parfois, mais au quotidien, peu importe l’événement, je veux juste m’habiller confortablement avec ce que j’ai sous la main. Donc j’ai mis ce survêtement. Et je savais que cette tenue-là n’était pas appropriée, je savais que ce n’était pas acceptable, donc je ne voulais pas être pris en photo, mais j’y ai été contraint. Mais c’était bien qu’on l’ait fait quand même, parce que ça a été un bon moment pour Internet [rires].
Ça donne une belle photo en tout cas [rires]. Aujourd’hui, est-il important pour toi d’être à la fois rappeur et homme d’affaires ?
Ouais, c’est très important pour moi.
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Comment abordes-tu cet aspect de ton travail ?
Je reste vraiment discret là-dessus. Je ne veux pas franchir les limites. Je veux faire des affaires, mais ce n’est pas quelque chose que je veux nécessairement montrer au monde. Mes réseaux sociaux sont dédiés au rap, et je fais plutôt mes affaires en coulisses. Mais j’essaie de trouver un équilibre. Je crois que le rap est un sport pour les jeunes et qu’il n’a pas la même longévité que le business.

 

Retournons-nous rapidement sur ton passé. Tu as traversé des moments difficiles, comme un divorce parental, le manque d’argent, quitter l’école à 16 ans, vendre de la drogue, et enfin te sortir de tout ça grâce à la musique notamment. Aujourd’hui, que peux-tu dire aux jeunes qui se trouvent dans des situations difficiles similaires, pour s’en sortir et réaliser leurs rêves ?
Je dirais de sortir, et partir. De quitter le quartier, de quitter le hood et juste prendre le bus, prendre le train ou marcher. Peu importe comment, partez juste et découvrez le monde, apprenez des choses en dehors du quartier. Parce que… le savoir, c’est le pouvoir.
Et comment vois-tu ton avenir ?
Espérons juste que je pourrai continuer de me dédier à la musique, aux affaires et à ma famille.
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