C’est son premier grand prix. Avec Rue des Boutiques Obscures, paru en septembre 1978, Patrick Modiano remporte le Goncourt. Dédié à son frère Rudy (mort à l’âge de 10 ans), le roman est en effet inoubliable. Pourtant, le personnage principal a quant à lui tout oublié de sa vie passée. Employé d’une agence de détectives, ce Guy Roland décide, après le départ de son patron, d’enquêter sur sa propre existence. Il erre de villes en pays, d’appartements en maison, de témoins en photographies d’autrefois. « Ces façades, cette rue déserte, ces silhouettes en faction dans le crépuscule me troublaient de la même manière insidieuse qu’une chanson ou un parfum jadis familiers. Et j’étais sûr que, souvent, à la même heure, je m’étais tenu là, immobile, à guetter, sans faire le moindre geste, sans même oser allumer la lampe. »
No spoiler, please : on n’en dira pas plus, hormis que Rue des Boutiques Obscures détient toutes les clés narratives chères à Modiano : la Seconde Guerre Mondiale, l’Occupation, Paris, la clandestinité, les disparitions et les deuils… Ce qui contaminé sa propre enfance de l’écrivain français, récemment (et justement) couronné du Nobel de littérature. Au fil des pages, s’impose le style modianesque, d’une simplicité toujours troublante. Indispensable.
Un texte de Sophie Rosemont.