Le rêve des publicitaires est de savoir le plus précisément à qui ils s’adressent, afin de cibler le mieux possible leurs annonces et de rentabiliser au maximum la dépense qui consiste à acheter un espace. C’est une problématique vieille comme la publicité. Et si, encore aujourd’hui, on peut voir sur certains murs d’immeubles de banlieues des réclames peintes vantant les mérites de tel ou tel alcool désuet, c’est évidemment parce qu’on ravale moins les immeubles de banlieue que ceux de Paris qui n’ont jamais été aussi blancs, mais c’est surtout parce qu’on pensait que l’ouvrier, nécessairement alcoolique, serait plus sensible à la sollicitation. Le numérique et tous les outils qu’il propose – qu’on qualifie de mots barbares comme « tracking » ou « data mining » et qui consistent en gros à pister les comportements en ligne des internautes et à les analyser avec des outils statistiques de haute volée – permettent un ciblage beaucoup moins amateur. Et il est intéressant d’aller voir ceux dont le métier est de fournir ces données statistiques aux entreprises qui veulent investir dans la publicité en ligne. Intéressant de voir jusqu’où vont leurs analyses. Il y a quelque temps, une de ces entreprises, du nom de Quantcast, a livré une étude toute bête : il s’agissait de classer les usagers des principales plateformes numériques en fonction de leurs idées politiques.
Un dispositif très simple (c’est une étude américaine !) : sur l’axe des abscisses, une droite qui va des démocrates aux républicains, sur l’axe des ordonnées : d’un engagement moindre à un engagement fort.
Qu’est-ce qu’on y observait ?
– Les usagers des réseaux sociaux (Twitter, Google + ou Instagram pour les photos) sont plutôt démocrates. Mais ils ne sont pas vraiment engagés. Alors que les usagers de Yahoo ou de Bing, le moteur de recherche de Microsoft, sont plus républicains que la moyenne de la population américaine. On constatait que les pratiques numériques sociales sont plutôt démocrates. Mais pour autant, elles ne sont pas très engagées.
– En fait, seuls les usagers de Twitter sont, non seulement très démocrates, mais plus engagés politiquement que la moyenne de la population américaine. Pas inintéressant non plus : cela confirme une intuition qu’on peut avoir en fréquentant Twitter.
– Drôle de constater que les usagers de Youtube, par exemple, sont plutôt démocrates, mais très très désengagés.
– Mais l’enseignement le plus flagrant est ailleurs. Et vous l’aurez sans doute deviné car, jusqu’ici, je ne vous ai pas parlé de Facebook. Et pourquoi je ne vous en ai pas parlé ? Parce Facebook est au centre. Facebook est exactement dans la moyenne de la population américaine, pas plus à gauche, pas plus à droite, pas plus engagé, pas plus dégagé. Ce qui confirme aussi une autre intuition : Facebook n’est pas une communauté particulière – Facebook n’est plus une communauté particulière – c’est l’Amérique en tout cas, l’Amérique de la norme.