Les New-Yorkais Alice et Bill Harford forment ce que l’on appelle un beau couple. Lui est médecin, elle a été commissaire d’exposition. Un soir, Alice fume un joint et lui avoue avoir été tenté par l’adultère la veille au soir. Sans passer à l’acte. S’il n’est pas commis, le mal n’en est pas moins exprimé. On suit alors le parcours étrange de Bill, qui se retrouve au sein d’une orgie inquiétante. Inspiré de la Nouvelle rêvée d’Arthur Snitzler, publiée en 1926 mais d’une modernité écrasante, le scénario de Kubrick fait, comme à son habitude, ce qu’il veut avec sa source littéraire. Tout en réussissant à faire de la nuit un personnage à part entière – elle excite, surveille, tente, réconforte et menace. L’ésotérisme envahit les plans, les doubles sens et les jeux de lumières. L’immoralité, la perversion, la cruauté et la faiblesse ont besoin de trouver leur chemin… Le tout rythmé par une musique obsédante, de Chris Isaak à Franz Liszt. Si l’on rajoute à cela qu’Eyes Wide Shut fut le terrain de l’agonie du couple parfait formé par Nicole Kidman (sublime) et Tom Cruise (son meilleur rôle), et que Kubrick décéda quelques jours après avoir soumis le montage final, on tient là un film mythique par excellence.
Un texte de Sophie Rosemont.