God Save the Prince

Article publié le 21 avril 2016

Texte : Sophie Rosemont

Rares sont les artistes qui peuvent se targuer d’avoir fait trembler Michael Jackson. Mais Prince, lui, pouvait s’en enorgueillir. C’était la pop star ultime, gloire, controverses, paillettes et hystérie collective comprises. Pourquoi ?

Parce qu’il chantait, dansait et incarnait avec génie la moindre note de ses compositions, celui qui avait été baptisé Prince pour réussir ce que son père musicien n’avait pu accomplir avait un sens du self-control poussé à l’extrême. Exigence, autoritarisme, ambition : trois mots qui font souvent de grands albums. Les siens.

Parce que son petit mètre 58, qui lui valut le désagréable surnom du « nain de Minneapolis », devait être compensé par une grandiloquence en toutes circonstances. Look affuté, alliage de couleurs improbables, sex-appeal indécent, sens du groove inégalé : kitsch et chic à la fois, du pop art en barre.

Parce qu’à lui seul, et malgré sa notoriété en tant que guitar hero, il définissait le terme multi instrumentiste. Sur son album For You, Prince joue pas moins de 27 instruments. Et, fait rare, il joue aussi bien du piano que de la guitare, de la basse ou de la batterie. Qui dira mieux ?

Parce qu’il osait avoir des idées improbables, comme faire de Purple Rain un film (long-métrage, s’il vous plaît) avant même un album (best-seller), composer un 1999 qui aurait pu sortir dix ans plus tard sans rougir et sortir Musicology en 2004 – inventant le concept du best-of avec des morceaux inédits.

Parce qu’avec Michael Jackson, il fut le premier artiste afro-américain à truster MTV. Cette rivalité /complicité ne l’empêcha guère de refuser de chanter « Bad » avec lui. Les paroles ne lui plaisaient pas… et toc.

Parce qu’il a osé changer de nom, choisissant un « love symbol » imprononçable – si ce n’est honteusement naïf, au moins excessivement prétentieux. Or, son tableau de chasse ne pouvait que confirmer cette idée saugrenue… Kim Basinger, Mayte Garcia, Madonna, Manuela Testolini, Ophélie Winter (si, si) auraient toutes succombé à son charme.

Parce qu’il savait ce que c’était l’image. Avec un grand i. A son actif, plusieurs B.O. (sa musique de Batman reste la plus célèbre) dont celles de ses propres films (Purple Rain, donc, mais aussi Under The Cherry Moon), des vidéo clips tels « Cream », qui inspireront toute la sphère pop de l’époque.

Parce qu’il a su mixer, sans peur et sans reproches, le funk, le R’n’B, le jazz, le rock’n’roll, l’électro et la musique contemporaine. De Philip Glass à George Clinton en passant par Buddy Holly, les Beatles et Marvin Gaye, rien ne lui avait échappé. Tout avait été digéré, réinterprété, amplifié. En un mot : transcendé.

Look affuté, alliage de couleurs improbables, sex-appeal indécent, sens du groove inégalé : kitsch et chic à la fois, du pop art en barre.

Parce qu’on lui doit le Parental Lyric Advisory : si la fille d’Al Gore n’avait pas écouté sa chanson « Darling Nikki » (où l’héroïne se masturbe dans sa chambre d’hôtel), sa maman n’aurait sans doute pas eu l’idée ingénieuse de faire apposer la fameuse étiquette noire et blanche sur les disques susceptibles de pervertir la jeunesse.

Parce qu’avant tout le monde, il dédaignait les modes des distributions classiques : en 2007, il avait distribué gratuitement trois millions d’exemplaires de son Planet Earth avec un hebdomadaire britannique. Trois ans plus tard, il remettait ça en offrant 20Ten avec… Courrier International. Si osé que personne n’a encore osé l’imiter.

Parce qu’il partageait des duos avec des artistes de toutes générations. « Crazy » avec Cee-Lo Green, « American Woman » avec Lenny Kravitz, « Superstition » avec Stevie Wonder, « Love Song » avec Madonna… Prince était le plus fort, il ne pouvait qu’apporter davantage de lumière plutôt que de se faire éclipser. La self-esteem, la meilleure arme de la pop star par excellence

Parce que chez lui, tout était produced, composed, arranged and performed by Prince, comme le mentionnait chacun de ses albums. Et c’est ainsi qu’il a terminé sa trop courte existence : au sein de ses studios de Paisley Park, Minnesota. Dans son royaume, entouré d’instruments. Seigneur Prince, tu nous auras surpris jusqu’à ton dernier souffle.

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