Comment Patrick Cowley a reinventé le disco en inventant la sulfureuse Hi-NRG

Article publié le 22 juillet 2020

Patrick Thévenin

 Article extraits d’Antidote Magazine : Desire printemps-été 2020.

Entre les années 1970 et 1980, les premiers pas de la libération homosexuelle et l’arrivée de la pandémie du VIH, la Hi-NRG, un dérivé électronique du disco inventé de toutes pièces par le producteur Patrick Cowley, fait danser les gays dans d’immenses clubs entre San Francisco, New York, Londres et Paris. Histoire d’un courant musical aux effluves de poppers, qui n’aura duré qu’une poignée d’années mais a complètement transformé la pop et la dance music.

Dans les années 70, San Francisco est certainement, avec New York, une des villes les plus gays des États-Unis, si ce n’est du monde. Sauf que si New York abrite des milliers d’homosexuels, venus trouver l’anonymat offert par la mégalopole, à côté, San Francisco fait office de petite bourgade de province. Célèbre pour ses 40 collines, c’est à la fin du 18ème siècle que SF prend forme avec la construction du chemin de fer traversant le pays. Mais c’est lors de la Seconde Guerre mondiale, après l’attaque japonaise contre la base américaine de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, que San Francisco va devenir le point de convergence de toute une faune anticonformiste et forger peu à peu sa légende de ville la plus libertaire des États-Unis.
Elle accueille en effet une importante base militaire, par où transitent de nombreux jeunes souhaitant s’enrôler et défendre leur pays ; mais tous ne sont pas acceptés, bien au contraire, et ceux réformés pour homosexualité se voient délivrer un papier bleu où un grand « H » est imprimé. « L’homosexualité était passible de prison à l’époque, rappelait au média French Morning Gilles Lorand, qui organise des visites de la ville. De nombreux jeunes engagés dans la guerre du Pacifique découvrent leur orientation sexuelle dans la promiscuité des casernes que d’autres partagent. L’armée ne veut pas garder d’homosexuels dans ses rangs, et les démobilise en masse à San Francisco. Pour ces jeunes gens, pas question de rentrer dans leurs familles pour révéler les vraies raisons de leur démobilisation et risquer d’être ostracisés : ils s’installent donc à San Francisco. »
C’est dans le Tenderloin, quartier pauvre et considéré comme dangereux, que tous les gays rejetés par l’armée vont d’abord s’installer, avant d’être rejoints dans les années 1950, à cause du maccarthysme (chasse orchestrée contre les communistes, et par extension tous les anticonformistes), par nombre d’homos venus des quatre coins du pays pour expérimenter la tolérance légendaire de la ville. Une ouverture d’esprit prouvée à de maintes reprises : San Francisco est en effet devenu un des épicentres de la beat generation, puis celui du mouvement hippie dans les années 60, avec en apogée le Summer of Love de 1967, lors duquel des milliers de jeunes sont venus célébrer cette contre-culture dans un bain de fleurs, d’amour libre et de LSD. De plus en plus nombreux, les homosexuels prennent les rênes de cette ville providentielle et occupent petit à petit le centre de la ville, l’Eureka Valley et le Castro, où ils restaurent les anciennes maisons victoriennes abandonnées et accessibles pour une bouchée de pain. L’écrivain Armistead Maupin, à qui l’on doit les fantastiques Chroniques de San Francisco, décrivait la ville dans les années 70 comme « un lieu de compassion et de tolérance où les hétéros acceptaient plus facilement l’homosexualité que les pédés n’assumaient la leur. »
C’est à cette période que Patrick Cowley, jeune américain originaire de Buffalo, tranquille bourgade de la côte est des États-Unis, va débarquer en stop à San Francisco. Nous sommes en 1971, Patrick a juste 21 ans. Après des études d’anglais et sa participation à différents groupes locaux, il vient étudier la musique au sein du département expérimental – l’Electronic Music Lab – du City College of San Francisco, où il se passionne pour les premiers synthétiseurs, réputés particulièrement difficiles à utiliser. Gerald Mueller, son professeur de l’époque, se souvenait lors d’une interview accordée à la RBMA que Cowley ne ressemblait pas à ses autres étudiants : « Il ne considérait pas les synthétiseurs comme les autres le faisaient. Il était obnubilé par l’oscillateur basse fréquence qui permettait de transformer à loisir un son, et il se souvenait parfaitement des câbles qu’il fallait connecter entre eux pour entendre telle ou telle sonorité, il avait une sacrée oreille. Je me souviens être entré un jour dans le laboratoire et je l’ai surpris à exécuter une cover électronique absolument parfaite de « A Whiter Shade Of Pale » de Procol Harum. » En colocation avec sa meilleure copine de Buffalo, Theresa McGinley, auprès de qui il a fait son coming-out suite aux émeutes de Stonewall à New York, Cowley plonge comme un poisson dans l’eau dans la vie ultra-gay et mouvementée du San Francisco de l’époque. Une ville qui semble avoir été construite pour l’hédonisme, où les lesbiennes butch côtoient les sadomasochistes avec leur harnais et leur moustache rasée de près, où les bourgeois fricotent avec les drags, où les drapeaux gay s’affichent un peu partout, et où les sex-clubs ou autres saunas, réputés pour les consommations sexuelles rapides qu’ils permettent, se multiplient à vitesse grand V. Les boîtes où les gays vont s’épuiser à coup de drogues et de beats disco essaiment également à travers les rues, du Trocadero Transfer – le club le plus réputé, où officie le DJ Bobby Viteritti – au Dreamland, en passant par l’I-Beam et le City Disco. Histoire de donner des nouvelles à sa famille, Patrick envoie des cartes postales de la fameuse baie de SF sur lesquelles il a maladroitement griffonné des pénis : une manière radicale de faire son coming-out en bonne et due forme !

Slip : Ludovic de Saint Sernin 
Entre l’université, où il décrypte les secrets des machines, et sa chambre, où il s’est installé un magnéto quatre pistes et un home studio sommaire, Cowley, travailleur acharné capable de passer des jours à traquer un rythme ou une mélodie, ne s’autorise que quelques pauses méritées pour traîner dans les différents lieux de drague de la ville. « Quand Patrick n’était pas en studio, il était en club, dans les darkrooms ou les saunas, raconte Jorge Socarras (fondateur du groupe de la scène new wave Indoor Life) avec qui Cowley a composé le LP Catholic en 1975 – un album qui détonne dans sa discographie, oscillant entre le post-punk et la proto-techno que revendiquent aujourd’hui comme une influence majeure des groupes comme LCD Soundsystem ou The Rapture. « Il était intéressé par tout ce que San Francisco pouvait à l’époque proposer de sexuel. Et sa musique était une manière pour lui de participer à cet hédonisme. Patrick adorait les atmosphères très chargées sexuellement, les lieux où des rituels étranges se mettaient en place. Il y avait chez lui, et on l’entend dans sa musique, une manière de dramatiser toute cette liberté soudaine », ajoute Jorge.
Des rodéos sauvages à l’image de sa musique, scandés de décharges d’adrénaline et de sperme, que Cowley décrit à merveille dans son journal intime Mechanical Fantasy Box, tenu d’août 1974 à octobre 1980. Extrait : « Je glisse furtivement et j’arrive à le détourner de la pipe que je suis en train de lui faire. Je l’entraîne dans mon lit pour mieux profiter de son cul merveilleux. Je veux voir nos corps dans le miroir, c’est si beau de nous regarder nous chevauchant. (…) Il s’accroche à moi comme un bébé à sa maman, avec sa barbe brune, sa tignasse épaisse et douce. Mon éjaculation est digne d’un feu d’artifice du 14 juillet. Il lâche un “Wow” et rentre chez lui. » Une prose que son ami Jorge Socarras décrit aujourd’hui comme « le zeitgeist de la libération sexuelle gay qui était en train de révolutionner San Francisco ».
À la fin des années 70, alors que le disco a enflammé les dix années précédentes, posé les bases de la club culture, accompagné la révolution homosexuelle, le féminisme et le black power, sa permissivité et sa popularité sont largement remises en question. Le 12 juillet 1979, Steve Dahl, DJ d’une radio rock, appelle au micro ses auditeurs à se débarrasser du disco (sous-entendu musique de Noirs et de gays), en appelant à un autodafé de vinyles dans un stade de Chicago. Ce qui n’aurait pu être qu’un feu de paille se transforme en mort programmée de ce style musical. Un genre qui enflamme l’Amérique profonde suite au succès du film Saturday Night Fever, dont les midinettes affichent le poster dans leur chambre d’ado, et avec lequel toutes les pop stars vieillissantes espèrent se refaire une jeunesse (les Rolling Stones, Barbra Streisand, Rod Stewart…), sans compter les groupes comme Village People, montés de toutes pièces par des producteurs plus malins que les autres. Mais au-delà des polémiques, la version synthétique du disco – initiée par le tube incommensurable « I Feel Love » signé Donna Summer et Giorgio Moroder – achève de ringardiser le disco traditionnel. Soudain, la dance music ne rêve que de synthétiseurs, de boîtes à rythmes, de beats accélérés et de voix transformées par le vocoder.

En 1977, Patrick Cowley passe à l’attaque et prend illégalement le contrôle sur « I Feel Love » de Donna Summer, le tube dont le succès mondial atteste le plus sûrement des mutations du disco, en transformant le morceau d’origine en un remix de plus de 15 minutes totalement psychédélique, bourré de sons de synthés sortis de l’espace. Une réappropriation que beaucoup considèrent comme le meilleur remix du titre, voire même comme une version supérieure à celle d’origine. Avec la mort du disco classique à la fin des années 70 et la fin des labels spécialisés comme West End ou Prelude, qui mettent la clé sous la porte, ce sont les gays qui reprennent le flambeau du genre avec cette fameuse Hi-NRG qui commence à prendre forme dans les clubs de San Francisco, puis à conquérir ceux de New York. Influencé par les premiers disques d’euro disco (un genre purement électronique où les batteurs et les sections de cordes ont été remplacés par les synthétiseurs et autres boîtes à rythmes, inventé et porté par des producteurs comme l’Italien Moroder, les Canadiens Gino Soccio et Lime, ou encore le Français Marc Cerrone), les pionniers de la Hi-NRG rêvent de chevaucher ce vieux serpent de mer fantasmé par les musiciens depuis Offenbach appelé le « rythme du galop ». Un beat métronomique et précis au possible, que le critique musical Simon Reynolds résume ainsi : « L’essentiel, c’était d’être droit dans ses bottes. Pas de swing, mais un feeling européen. Pas de groove, juste une basse répétitive qui pompe à chaque fin de mesure. » Bref, le tempo parfait pour accompagner les dancefloors gay, qui à cette époque en veulent toujours plus, qu’il s’agisse de muscles, de célébrité, d’argent, de plans culs ou de drogue.
Patrick Cowley, en quête de petits boulots, se retrouve à s’occuper des lumières au City’s Light, salle de spectacle mais aussi discothèque gay incontournable de l’époque. Un lieu où celui qu’on appelle Sylvester a ses habitudes. La rencontre entre cette grande folle fière jusqu’au bout des ongles, aux tenues exubérantes, et Patrick Cowley, antithèse vestimentaire de Sylvester avec sa barbe fournie, ses yeux clairs, ses chemises à carreaux et ses jeans Levi’s moulants, est le déclic qui va les rendre célèbres tous les deux. Élevé à Los Angeles par une famille catholique pratiquante, Sylvester a développé sa voix sans pareille sur les bancs de l’église. Mais son homosexualité, et surtout ses manières efféminées, le font exclure. À quinze ans, il fugue, se rebaptise « Ruby Blue », et traîne avec les Discotays, une bande de jeunes drags insolentes, qui vivent d’expédients, de vols à l’étalage, de trafics divers et de prostitution. Mais c’est avec les Cockettes de San Francisco, groupe informel de performeurs excentriques, où barbes et paillettes, masculin et féminin, crinolines et harnais se mélangent, que Sylvester va trouver sa voie. Il sera chanteur ou rien, avec l’idée de rivaliser avec ses idoles de jeunesse : Luther Vandross, Chaka Khan, Patti LaBelle ou encore Rick James. Mais malgré deux albums sublimes, sa carrière de crooner R’n’B stagne et sa tournée aux États-Unis est un fiasco – l’Amérique profonde n’étant pas prête à accepter un chanteur aussi efféminé et exubérant.
C’est pourtant grâce à cette nouvelle forme de disco inventée par Cowley, dont Sylvester se méfie au départ car il la considère comme une musique qui manque d’âme, que la diva va trouver la gloire, s’imposer en tête des charts et réaliser ses rêves de grandeur. Patrick Cowley propose en effet à Sylvester de le laisser retoucher « You Make Me Feel », une chanson soul et basique dans sa forme première, à laquelle Cowley va rajouter sa science des machines, des boîtes à rythmes sous amphétamines et des synthés en vrille. Le résultat en forme de TNT pour les dancefloors ne se fait pas attendre, et le titre, merveille de sonorités électro-disco renforcées par le falsetto incroyable de Sylvester, entre dans les tops du monde entier. Nous sommes en 1978, Sylvester engage Patrick Cowley aux claviers dans son groupe, et de tournées en tournées, de plateaux télé en émissions de variété, le monde leur appartient. Surtout à Sylvester, qui joue sa diva et se change au moins quatre fois par chanson ! « Sylvester transformait ce qui était censé le stigmatiser en atouts. Il était plus genderfluid que n’importe qui. Parfois il était habillé en “garçon“, d’autres en drag des pieds à la tête, mais la plupart du temps c’était un mélange des deux, explique Joshua Gamson, auteur de la seule biographie sur ce personnage hors norme. À première vue, certaines personnes l’identifiaient comme une femme, même si vous pouviez le croiser le soir dans un bar gay en cuir de la tête aux pieds. Le drag était sa vie. »
À la fin des années 70, Patrick Cowley devient lui une star de l’ombre, qui avec son premier album studio Menergy et son mélange de soul et d’électronique a posé les bases du San Fran-Disco Sound, qui deviendra plus tard, récupéré par d’autres, la fameuse Hi-NRG, une musique ultra-gay. Mais c’est surtout un visionnaire de génie qui a compris avant tout le monde que les synthétiseurs, et autres machines avec des circuits électriques, étaient en train d’écrire la dance music et la pop du futur. Pour mieux diffuser l’esthétique nouvelle qu’ils permettent, Cowley décline ses compositions musicales sur de multiples supports au cours de sa carrière : il compose des bandes-son pour les premiers pornos gay en VHS (où son amour du krautrock, de l’ambient et des boucles minimales transparaît), ou encore écrit de la poésie-techno avant l’heure en collaboration avec la divine actrice et réalisatrice porno féministe Candida Royalle, en parallèle des morceaux qu’il sort en solo. Travailleur infatigable, il offre par ailleurs à Sylvester un second tube en or massif avec « Do You Wanna Funk ? », et co-fonde le label Megatone à travers lequel il compose des singles chargés de tension sexuelle pour d’autres artistes. Parmi eux : « Right On Target » avec le beau moustachu Paul Parker, ou encore « Lucky Tonight (High Energy) » en collaboration avec Sarah Dash.

Slip : Ludovic de Saint Sernin 
Dans le même temps, la Hi-NRG inventée par Cowley dépasse la petite ville de San Francisco et s’installe dans les playlists du Heaven, le plus grand club gay de Londres, et au Gay Tea Dance du Palace à Paris où, en jeans moulants, torses nus et bandana dans la poche arrière, les plus beaux mecs de la capitale sniffent bouffée de poppers sur bouffée de poppers. Mais c’est au Saint à New York, un des plus gros clubs homo de l’époque, que la Hi-NRG va véritablement s’imposer comme la bande-son de cette période. Ouvert au début des années 80 dans une ancienne et immense salle de concert, rénovée pour 13 millions de dollars actuels, le Saint est une merveille de technologie qui bénéficie d’un des meilleurs sound system au monde. Au centre, un dôme en forme de planétarium domine un dancefloor capable d’accueillir plus de 5000 mecs en même temps, prêts à se déchaîner dans ce temple de la débauche. Ian Levine, DJ anglais qui officie au Heaven à Londres, et viendra plusieurs fois au Saint y chercher la recette du succès, se souvient de l’atmosphère de l’époque : « C’était genre : on se bousille la santé sans pitié à coups de drogues pour pouvoir sortir à minuit et être encore en train de danser le lendemain midi. Le lundi débutait la période religieuse de leur vie : se remettre en forme après les excès du week-end. Du lundi au samedi, ils allaient à la gym tous les jours et mangeaient sainement pour ne pas avoir la moindre once de graisse. Ils entretenaient leur corps comme on entretient un temple, et tout ça pour le dévaster le week-end venu. »
À New York, Bobby Orlando, producteur punk dont la réputation de roublard n’est plus à faire, s’entiche de ce style vulgaire et rentre-dedans au point de lancer la carrière de The Flirts (un groupe composé de toutes pièces et interchangeable à loisir) ou de Divine, la comédienne de 120 kilos, muse du réalisateur John Waters, qui va ajouter une corde à son arc avec ses tubes vicieux, qui interpellent le danseur, comme « You Think You’re a Man » ou « Shoot your Shot » (« Balance la Purée » en français).
De l’autre côté de l’Atlantique, à Londres, Ian Levine se retrouve en panique face au succès grandissant des morceaux synthétiques au rythme galopant. « Le disque le plus joué aux débuts du Heaven était « Relight My Fire » de Dan Hartman : on sortait les ventilateurs et 2000 personnes se mettaient à hurler, les mains en l’air, se souvient le DJ. C’était électrisant, mais comme on ne trouvait pas assez de disques capables de produire un effet aussi puissant, nous nous sommes mis à en faire nous-mêmes. » Ni une ni deux, en 1983, Ian met donc les mains dans le cambouis et va chercher de vieilles gloires de la soul, comme Miquel Brown, à qui il fait chanter « So Many Men So Little Time », ou Evelyn Thomas, qui va subir un relifting en règle avec le tube absolu qu’est « High Energy ». Des singles qui s’écoulent par millions, et remplissent les pistes de danse dès que le cliquetis de cymbale caractéristique de la Hi-NRG démarre. Autant de morceaux dont l’esthétique va être pillée jusqu’à la lie par le trio de producteurs anglais Stock, Aitken et Waterman qui, influencés par la manière de travailler du studio de la Motown et la puissance de la Hi-NRG, vont inventer l’eurodance, et dénicher ou propulser des stars comme Kylie Minogue, Dead Or Alive et Lonnie Gordon. Dans le même temps, les Pet Shop Boys font produire leur premier tube « West End Boys » par Bobby Orlando, cherchant à percer les secrets de ce fameux son et de cette gaytitude qui les obsède. Peu avant, le groupe New Order essayait déjà de retrouver cet esprit testostéroné à travers leur classique « Confusion », en faisant appel au producteur new-yorkais Arthur Baker.

Mais malheureusement, cette Hi-NRG qui n’arrête pas de monter et de se répandre dans la pop mainstream finit par atteindre ses propres limites. Aux débuts des années 80, un virus inconnu, le VIH, marque la fin des festivités, les gays étant les premiers touchés sans comprendre pourquoi, ni mesurer l’étendue que prendra l’épidémie. La fête devient triste mais continue, on danse et on baise encore, même si les sex-clubs et saunas commencent à fermer par manque de clientèle, tandis que les dancefloors se vident peu à peu. Et si la communauté gay ne veut pas lâcher face à l’adversité, il faut se rendre à l’évidence. Surtout à une époque où le moindre traitement contre le Sida est une chimère.
Patrick Cowley fait partie des premiers atteints par le virus, ce dont il ne se cache pas tout en maudissant cette maladie qui brise net sa carrière. L’histoire raconte que la nuit du 9 octobre 1982, lors de la soirée organisée pour la sortie de son dernier album Mind Warp (certainement le plus mélancolique mais aussi le plus audacieux, car portant en lui les germes de la techno et de la house qui bientôt vont naître), Patrick, après plusieurs séjours à l’hôpital, prononcera en pleurant cette phrase définitive du haut d’un balcon : « Ces folles stupides, elles ne se rendent pas compte de ce qui est en train de se passer ? ». Il faut croire que non. Que peu de gens réalisaient ce que l’épidémie allait changer dans le mode de vie des gays, enterrant définitivement des années de lutte pour un hédonisme sans pareil qui n’aura duré qu’une petite dizaine d’années, désormais relégué dans les archives de la culture LGBTQ+. Un mois plus tard Patrick Cowley s’éteignait. On le regrette plus que jamais.

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