Une enquête publiée par le New York Times Magazine révèle l’ampleur de la catastrophe qu’avait jusqu’alors tenté de dissimuler la compagnie.
Il aura fallu plus de dix ans pour s’en rendre compte. Ce mardi 11 juin, dans un article intitulé « Le jour où la musique a brulée » publié par le New York Times Magazine, le journaliste Jody Rosen révèle qu’environ 500 000 enregistrements musicaux sont partis en fumée dans l’incendie qui, le 1er juin 2008, ravageait un entrepôt d’Universal Studios, à Hollywood. À l’époque, l’entreprise assurait que la catastrophe avait seulement détruit un plateau de tournage utilisé pour Retour vers le futur, l’attraction King Kong du parc à thème ainsi que de vieilles archives cinématographiques.
Mais après avoir mené une longue enquête et en s’appuyant notamment sur un rapport confidentiel réalisé en interne par Universal en 2009, Jody Rosen dévoile une toute autre réalité pour le moins dramatique. Car dans le rapport en question, les studios Universal dressent eux-mêmes un constat édifiant et reconnaissent qu’il s’agit là de la perte d’un «héritage musical énorme ». Parmi les centaines de milliers d’enregistrements audio réduits en cendres figurent en effet de nombreux masters, soit des originaux extrêmement fidèles et parfois uniques à partir desquels sont créés vinyles, CD ou MP3.
Des stars des années 40 à celles d’aujourd’hui en passant par un très large nombre de musiciens moins célèbres voire oubliés, la liste des artistes touchés semble interminable. Billie Holiday, Louis Armstrong, Aretha Franklin, Ella Fitzgerald, Judy Garland, Ray Charles, mais aussi Elton John, Sting, Guns N’ Roses, Iggy Pop, Nirvana ou encore Sonic Youth, Snoop Dogg, Queen Latifah, Eminem… dans le plus grand secret, c’est la disparition d’un pan entier de la culture et du patrimoine musical qu’a tenté de dissimuler Universal, pour éviter tout scandale.
Photo : l’incendie d’Universal à Los Angeles, le 1er juin 2008.
À l’heure du tout digital, on pourrait avoir du mal à saisir l’ampleur et l’importance des dégâts, d’autant que pour tenter de minimiser les fait, Universal avait également affirmé non sans mentir que la musique avait été numérisée. Mais comme l’évoque le producteur Andy Zax dans les lignes du New York Times : « Il n’y a pas besoin d’être Walter Benjamin pour comprendre qu’il y a une grande différence entre un tableau et la photographie de ce tableau. » Qu’elles appartiennent au gospel, au blues, à la soul, à la pop ou au disco, nombreuses sont les chansons que l’on n’entendra plus. Et il est probable que les musiciens dont les masters ont été calcinés n’en aient pas eu la moindre idée, souligne l’article.
Suite à sa publication, l’entreprise a d’ailleurs réagit en dévoilant un communiqué dans lequel elle revient sur l’événement qu’elle qualifie de « profondément malchanceux ». Elle y conteste également les affirmations avancées par le journaliste, affirmant sans toutefois avancer de preuves que l’enquête « contient de nombreuses inexactitudes, des déclarations trompeuses, des contradictions et des malentendus fondamentaux quant à l’ampleur de l’incident et des personnes concernées. »