Texte : Sophie Rosemont
L’auteur de « Space Oddity » ou de « Heroes » vient de rendre l’âme, non sans tirer une inoubliable révérence qu’est son dernier album, Black Star. Mais si l’étoile peut être filante, elle laisse cependant une trace indélébile dans la Voie Lactée de la pop music. Par Sophie Rosemont.
« Saint Lazare : Personnage évangélique, ami de Jésus et frère de Marthe et Marie de Béthanie, ressuscité par Jésus »
(Dictionnaire Larousse 2015).
« David Bowie est mort paisiblement entouré de sa famille, après une bataille courageuse de 18 mois contre le cancer » : tels sont les mots du communiqué officiel tombé hier soir, dimanche 10 janvier 2016. Nouvelle confirmée sur Twitter par son fils Duncan, « très attristé ». Comme nous le sommes tous. Né en 1947, David Bowie a en effet accompagné plusieurs générations successives grâce à la vivacité sans cesse renouvelée de sa musique – celle de mai 68 fasciné par l’espace et la révolution, du glam-rock seventies, du punk et de la new wave eighties, de la dance improbable des nineties, du rock polymorphe 2.0.
À chaque période de sa vie, un nouveau personnage : Ziggy Stardust, bien sûr, l’Arlequin de « Ashes to Ashes », l’homme animal de « Diamond Dogs », le Thin White Duke… Ou le Bowie tel qu’on l’apercevait depuis des années : tranquille maître du monde de la pop, préparant ses albums dans le plus grand secret et cultivant l’effet de la surprise comme personne. Avec The Nex Day (2013), il était sorti d’une retraite que tout le monde pensait avérée depuis un accident cardiaque survenu en 2004. Refusant toute demande d’interview, laissant parler à sa place ses fidèles collaborateurs, tels le producteur Tony Visconti et le photographe Jimmy King.
A défaut de poursuivre ses métamorphoses, Bowie a choisi de repousser plus loin encore les limites de la mise en scène – tant artistique que médiatique. En témoigne la sortie de Black Star, le 8 janvier dernier, jour de son 69e anniversaire. Annoncé en novembre, accompagné du clip du morceau-titre, prophétique et épileptique, il avait été, encore une fois, concocté dans le plus grand mutisme dans sa ville de cœur de New York, entouré de la crème des musiciens de jazz américains et de James Murphy (LCD Soundsystem) aux percussions.
En décembre, l’écoute de ce 28e album signé par Bowie avait été un enchantement pour tous les journalistes invités. Entre l’incantation suprême de « Black Star », le metal jazz de « Sue », le blues électro à la fois éthéré et brûlant de « Dollar Days », le rythme cuivré et céleste de « Tis A Pity She as A Whore », la ballade écorchée de « Lazarus » et, surtout, ce « I Can’t Give Everything Away » où Bowie implorait de « ne pas pouvoir tout révéler », on entendait là l’un des meilleurs disques du chanteur anglais. Dont on ne s’inquiétait pas outre mesure de l’absence : jusqu’au bout, il a su se montrer où il fallait, dans ses clips et lors d’une représentation, le 7 décembre, de sa comédie musicale « Lazarus » actuellement jouée à Broadway. Il a su orchestrer sa sortie de scène avec un album sombre mais coloré, traversé d’éclairs de génie et de confessions pudiques. Et il en a attendu la sortie, très médiatisée et célébrée à l’unanimité par les critiques, pour cesser de respirer.
Pour de bon ? Le dernier personnage sur lequel il s’est attardé, Lazare, fut jadis ressuscité par Jésus… « Regardez là-haut, je suis au paradis / J’ai des blessures que personne ne peut voir », chante-t-il dans « Lazarus ». Non, ce n’est pas la mort qui pourra détrôner celui qui savait réinventer le passé comme personne – en témoigne la pochette du récent The Next Day, calque détournée de celle de Heroes. David Bowie s’est consacré dieu de la pop music d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
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