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Morning Interview with Rori : Nirvana, Hannah Montana et pas de réveil avant 10h.

Elle vient de Belgique, elle a déjà bousculé la scène pop avec un premier EP en 2023, et deux ans plus tard, Rori revient avec Miroir, son deuxième projet. Plus organique, plus large et plus libre, ce disque confirme qu’elle est une artiste de scène avant tout, prête à secouer une pop française parfois trop sage. Entre Nirvana et Hannah Montana, humour désarmant et mélancolie bleutée, Rori trace sa route sans compromis. Avant de monter sur la scène de la Maroquinerie le 17 février, elle nous a donné rendez-vous pour parler de création instinctive, de chansons jouées en live avant même de sortir, et de sa vision très cash de la musique pop.

 

Antidote : Ton premier EP est sorti en 2023. Deux ans plus tard, tu reviens avec « Miroir ». Comment tu avances personnellement avec la musique que tu crées ? C’est quoi ton processus ?

Rori : Déjà, je ne fais pas beaucoup de chansons, mais quand j’en fais une, je sais direct si j’ai envie de la terminer. Je le ressens immédiatement : « Ok, c’est là, on peut la finir, je peux la défendre ». En fait, je sais que si je la kiffe, que je raconte quelque chose d’intéressant, que la musicalité est bonne, alors je vais au bout. Je joue mes chansons en concert bien avant qu’elles sortent. Celles qui sont déjà disponibles, je les avaient toutes testées en live. Donc j’avais déjà eu la réaction du public. Mais j’ai aussi des morceaux que j’ai chantés sur scène et que je n’ai pas encore sortis, et je ne sais pas si je les sortirai un jour. Je prends mon temps, j’aime ça. Je n’ai pas envie de regretter d’avoir publié trop vite. C’est vrai que c’est un peu à contre-courant de ce qu’on voit en ce moment, où les sorties sont continues. Moi, je veux être hyper fière de ce que je fais, que ça exprime vraiment ce que j’ai en moi. Si c’est bon, je le sors.

Sur ton premier EP, on sentait une phase d’expérimentation, où tu explorais différents sons et registres. Avec ce nouveau projet, l’ensemble paraît plus éclectique mais aussi plus affirmé. Comment expliques-tu cette évolution ?

Le premier, c’était vraiment : « On essaye, on voit ». Après coup, je me suis rendu compte qu’il y avait trop d’électronique, et moi je n’aime pas trop ça. Je suis plus organique. Là, on a réussi à trouver une cohésion, donc on a pu vraiment se faire kiffer sur la construction des morceaux. Entre « Jalousie » et « Plus Jamais », ça n’a rien à voir, mais ça a du sens. Et ce qui est bizarre, c’est qu’on n’a pas du tout réfléchi à créer de la cohésion, c’est venu naturellement. Je pense qu’à force de travailler avec Adri (son partenaire créatif), on a trouvé une identité. Du coup, le spectre est plus large parce que le style est posé, donc on peut se permettre de tenter plein de choses.

Pourquoi un EP et pas directement un album ?

Rori : Parce que c’est mon premier projet en France. J’arrivais avec l’envie de dire : « Salut, moi c’est Rori, je fais ça. » Je n’avais pas envie de sortir déjà un album, parce qu’aujourd’hui je suis contente de ce qu’on a fait avec « Miroir », mais il fallait que je passe par cette étape-là. Vraiment être en adéquation avec ce que j’avais envie de proposer.

Avec un album, mon niveau d’exigence est encore plus haut. Ça veut dire que chaque chanson doit être travaillée avec un temps énorme. L’EP me permettait de tester, de m’amuser, et en même temps de faire mes preuves. Je sais que si j’avais sorti directement un album, je n’aurais pas été satisfaite. Il fallait que je puisse d’abord défendre un EP en France avant de me lancer dans un projet plus long.

Comment tu crées ta musiques ? 

Rori : On écoute la chanson, et c’est elle qui nous guide, pareil pour les paroles, on les fait toujours à la fin après avoir trouvé les accords et la mélodie. C’est un truc anglo-saxon, quand t’es jeune francophone, t’écoutes de la musique anglaise, tu ressens ce que raconte la chanson, pas par les paroles ou nous on a toujours ce truc, on fait une musique et puis avec c’était un peu cette oreille là, on se disait j’aime, ça donne des elle parle un peu de ça et puis ça se fait plus comme ça. Genre je me souviens “Plus Jamais”, on était la je me dis putain je vois trop sur cette chanson je tue un mec parce qu’il m’a trompé. Mais c’est pas un truc je me leve le matin et je me dis “je vais faire une chanson sur ce sujet” c’est plutot la musique que j’ai créé qui va me faire imaginer un truc pour les paroles. “Daisy” c’est pareil  genre on était en studio et j’avais des idées et c’est déjà c’était autres qui étaient là et un jour trois semaines après ça me fait trop penser au film “13 spotting” parce que j’avais eu un problème avec le dosage de d’antidépresseurs ou j’étais en sevrage pas volontaire, j’avais l’impression d’étre dans ce film, ça me fait penser à tout ça Donc c’est vraiment c’est assez naturel comment ça se fait ? Et à chaque fois, chaque fois c’est un coup de chance. Tout le monde a ça. Après je t’avoue, je le sais qu’il y a un truc à chaque fois on se dit c’était le dernier, on n’arrivera plus jamais à faire ce coup de chance.

On sait que les interviews matinales, ce n’est pas vraiment ton truc. Mais quand il s’agit de composer, tu es plutôt du matin ou du soir ?
Rori : Franchement, je n’ai pas de routine. J’ai fait beaucoup de sessions comme ça : “Viens, on part aux Pays-Bas, on bosse avec untel.” Et ça marche. Mais je ne suis pas quelqu’un qui planifie. Tout ce qui est routine, emploi du temps… ça me stresse. Je commence mes journées doucement, et si j’ai de l’inspiration, j’y vais. Sinon, non. Je suis très instinctive. Si on force, ça ne marche pas. Je me lève vers 10h ou 11h… parfois midi (rires).

Pourquoi avoir choisi “Miroir” comme titre éponyme de l’EP ?
Rori : Parce que c’est une chanson qui exprime une peur : celle des réseaux, où on est prêts à tout pour être aimés. On se ment à soi-même, on ne se regarde plus dans les yeux. On regarde dans le miroir, mais on refuse de voir la vérité. Le texte parle de ça, de ce paradoxe. Je trouvais que c’était fort comme porte-drapeau du projet.

 

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Si on parle de colorimétrie, sur le premier EP, le rouge dominait. Là, Miroir est plus bleu, plus mélancolique…
Rori : Oui, sans le savoir, je me suis naturellement tournée vers ça. Je suis quelqu’un de très mélancolique, même si j’adore rire et faire des blagues nulles. J’ai ce paradoxe en moi. Le premier EP, c’était moi face à mes problèmes intérieurs, très introspectif, il y avait quelque chose qui ressortait plus de la rage. Le deuxième, c’est plus tourné vers l’extérieur, vers le monde. Maintenant que j’ai réglé certaines choses en moi, je peux observer ce qui se passe autour et en parler avec plus de recul.

Sur l’EP, quelle chanson te connecte le plus avec le passé et laquelle te connecte le plus avec la suite ?
Rori : C’est marrant… “Jalousie” pour les deux, parce que dans le texte, elle fait encore partie du passé, mais musicalement, elle représente le futur. Elle garde une couleur de rage qui rappelle mon premier EP, mais le son lui, est ailleurs. Sinon, “Plus Jamais” aussi : c’est plus filmographique, plus fun, avec mon cynisme habituel. On m’a fait remarquer que je n’écris pas de chansons d’amour. Ça ne m’inspire vraiment pas. Alors dans “Plus Jamais”, j’ai trouvé une façon d’en parler… en disant que je ne savais pas écrire de chansons d’amour ! (rires)

Un film qui t’a marqué récemment ?
Rori : Alors là, c’est très drôle, je crois que c’est “Total Recall” avec Schwarzenegger. On m’en avait parlé, je l’ai regardé et c’était vraiment mon moment de l’année – j’ai adoré !

Tu dis que tu t’introduis avec “Miroir”. Qu’est-ce que tu veux qu’on retienne de toi ?
Rori : Que je suis une chanteuse de scène. Et que je viens pour secouer un peu la scène féminine actuelle, qui est incroyable mais parfois trop douce. Je veux montrer qu’il y a d’autres manières de faire de la musique. Je veux faire de la pop, avec un amour des années 90. Pas dans l’idée de faire du revival, parce que je n’étais pas là, ce n’était pas la même société, etc. Mais j’aime cette époque et la façon dont les chansons étaient construites. Moi, la musique que j’écoute, ce n’est pas de l’électro : ce sont des musiciens, avec une guitare, une basse et une batterie. C’est ça qui me fait vibrer. Nirvana par exemple, c’est de la pop incroyable. Tu écoutes l’album “Nevermind”, tu connais tout : c’est de la pop, mais guitare-basse-batterie. Les Cardigans aussi. Ce que j’aime, c’est ramener l’organique, l’instrument, l’énergie brute. Mais que ça reste malgré tout de la pop, mes références c’est vraiment Nirvana et Hannah Montana. (rires)

Sur scène, tu es très spontanée. Comment tu arrives à gérer ça ?
Rori : Au début, j’étais hyper timide, je ne savais pas comment m’adresser au public. Mais j’ai vite compris que ça ne servait à rien d’essayer d’être quelqu’un d’autre. Je n’y arrive pas. Déjà, je dois retenir mes paroles (rires), alors préparer un discours en plus… impossible. Je préfère être spontanée. Je n’arrive pas à faire semblant, ni à me mentir. Par exemple, la première fois que j’ai rencontré Pierre de Maere, au bout de cinq minutes ça me brûlait, je lui ai dit : “Je pensais que tu étais un gros connard.” (rires) Directement, j’ai compris que je m’étais trompée, et donc je lui ai dit aussi. Je suis comme ça, j’ai grandi comme ça. J’arrive pas à mentir. Sur scène, ce sera toujours pareil.

Comment tu vis avec un projet au quotidien, une fois qu’il est sorti ?
Rori : Moi, je le lâche. Quand on reçoit les masters, c’est plié : je n’en parle plus, je ne les réécoute pas. J’en peux plus, en fait. En live, c’est différent, parce que ça vit encore et en plus, on les travaille tellement qu’il y a toujours un plaisir à les faire d’une autre manière en live. Mais sinon, pour moi, c’est fini. Maintenant, c’est l’EP qui doit faire sa vie. C’est comme un enfant de 18 ans qui quitte la maison : il part en coloc, ciao ! (rires)