L’édito de Yann Weber, directeur de la rédaction du nouveau numéro d’Antidote : Desire
Article publié le 11 février 2020
Yann Weber, directeur de la rédaction et de la création d’Antidote, raconte pourquoi il a choisi de consacrer le nouveau numéro printemps-été 2020 au thème « Desire ».
« Le désir fleurit, la possession flétrit toutes choses », écrivait Marcel Proust dans son recueil de poèmes Les Plaisirs et les Jours. Lyrique et lucide, cette phrase célèbre l’élan vital qui anime chacun de nous, enfante nos aspirations et peuple nos rêves, tout en soulignant toute l’ironie de la condition humaine. Car le désir possède une double face : s’il nous pousse vers l’avant, il s’éteint ensuite de lui-même une fois satisfait, et doit être remplacé par de nouvelles envies. Comme une injonction à toujours aller de l’avant ; une ode impérieuse au mouvement, au changement, dotée d’un véritable pouvoir de métamorphose.
Au-delà de son rôle crucial dans nos aventures érotiques et amoureuses, le désir nous guide et nous élève en chaque instant ; il est l’invisible architecte du monde de demain, qui devra transcender les crises mondiales actuelles. Une mission d’envergure pour laquelle chaque geste compte, comme le rappelle Pamela Anderson, sex-symbol et activiste invétérée, interviewée dans ce nouveau numéro d’Antidote. Engagée pour la cause animale, la défense de Julian Assange et la protection de la planète, ses luttes croisent régulièrement la pensée du philosophe Timothy Morton, prophète d’une écotopie où l’homme ne se penserait plus comme supérieur aux autres êtres. Au cœur de son idéal : un hédonisme débarrassé des idéaux creux implantés à grands renforts de campagnes marketing par la société de consommation, au profit d’une reconnexion avec les innombrables formes du vivant.
Une position iconoclaste visant à dénoncer le superflu, qui reflète en ce sens la démarche de l’artiste Richard Gallo dans les années 70, dont l’œuvre s’est constituée au fil de performances entre subversion des normes, homoérotisme SM et glamour camp – le tout dans de sublimes costumes, recomposés en exclusivité pour cette édition d’Antidote. À la même époque, Patrick Cowley prenait lui la relève du disco en inventant l’héritière survoltée de ce style musical : la Hi-NRG, bande-son de la sulfureuse libération homosexuelle de l’époque. Une radicalité à laquelle fait écho la filmographie queercore de Bruce LaBruce, à mi-chemin entre cinéma d’auteur et pornographie.
Il revient sur ce parti pris avant-gardiste dans un portrait qui lui est dédié, à retrouver aux côtés d’une nouvelle signée Marin Fouqué, étoile montante de la littérature française au style viscéral et corrosif, et d’articles sur le renouveau du porno, l’essor de l’amour libre, ou encore le threesome de la mode avec le sexe et la nudité. S’en dégage un fil rouge : celui du désir comme vecteur de connexion à autrui, qui transcende les normes en vigueur pour mieux nous relier au monde qui nous entoure – et se muer par là-même en agent de mutations entrecroisées.
Photographe invité de ce numéro, Ferry van der Nat l’a sublimé sous ses multiples facettes à travers ces pages, dans le prolongement de l’esthétique lumineuse et sensuelle qu’il développe depuis ses débuts. Parfois accompagné de la make-up artist Isamaya Ffrench, il y a immortalisé la chanteuse Yseult, l’acteur Tahar Rahim, le mannequin James Turlington et bien d’autres encore comme autant d’incarnations possibles du thème de cette édition.
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