Spécialiste d’une mode à l’ADN motard, le label italien s’est lancé dans la sphère sacrée de la haute couture et décloisonne la pratique ancienne de l’artisanat haut de gamme.
La semaine de la haute couture a peu en commun avec les traditionnelles fashion weeks. Souvent confinées à des salons aussi privés que luxueux, les présentations sont intimistes et réservées à une poignée de clientes et de critiques de mode. Quant aux créateurs, ils s’adonnent à la confection de pièces hors du temps, destinées à des commandes uniques pour des évènements mondains ou royaux.
Pourtant, si, typiquement, les couturiers lancent d’abord leur maison puis étendent leur gamme à une pratique de prêt-à-porter plus commercial, le label italien Redemption a choisi d’aller à contre-courant et d’emprunter le chemin inverse.
Robe courte noire à volants en soie et cuissardes à empiècements dorés garnis de pierres rouges, Redemption.
Robe courte noire à volants en soie et cuissardes à empiècements dorés garnis de pierres rouges, Redemption.
Cuissardes à empiècements dorés garnis de pierres rouges, Redemption.
Après avoir lancé des motos fabriquées main, les Redemption Choppers, puis en 2013, le prêt-à-porter féminin qui les complètent et et s’inscrit dans une culture biker très rock’n’roll où le deux roues est symbole de liberté —, Redemption s’attèle aujourd’hui à la couture. Contradictoire pour un monde prônant un détachement des attributs classistes ? Bien au contraire.
Pour cette première collection artisanale présentée en 2017, les mannequins apparaissent en jupes déstructurées en cuir noir, traînes, pantalons or, chemises à nœud lavallière vaporeux, dépoussiérant d’un geste de la main les attentes que l’on se fait de ce milieu – autrement dit d’un idéal synonyme de robes de princesse et de corps contenus, embijoutés et entravés. Le tout selon une fabrication rigoureuse et éthique.
Body noir à volants et collerette blanche en soie, Redemption.
Voici donc un nouveau chapitre pour une marque consciente qui attribue la moitié de ses bénéfices à diverses causes caritatives, et qui propose tous les ans à la vente aux enchères du gala l’AmfAR une moto de sa fabrication – permettant ainsi de collecter approximativement 300 000 euros à chaque édition.
Magazine Antidote a rencontré Gabriele Moratti, fondateur et directeur artistique de Redemption, pour discuter de la proximité entre artisanat et culture rock en 2017.
À gauche : robe à traîne noire avec corset en python jaune, sandales noires ouvertes avec bracelets dorés, Redemption. Chapeau de cowboy noir en feutre, Traclet.
À droite : veste blanche en coton à empiècements dorés, pantalon doré en python et bandes noires, Redemption. Chapeau de cowboy rouge en feutre, Traclet.
Robe à traîne noire avec corset en python jaune, sandales noires ouvertes avec bracelets dorés, Redemption. Chapeau de cowboy noir en feutre, Traclet.
Veste blanche en coton à empiècements dorés, pantalon doré en python et bandes noires, Redemption. Chapeau de cowboy rouge en feutre, Traclet.
Pourquoi vous êtes vous intéressé à la haute couture?
Nous trouvions que nous étions dans une société à la consommation et la production hyper-actives, aux qualités et aux conditions de fabrication plus que questionnables. Cette envie est donc née d’une volonté anti-fast fashion et de ralentissement plus générale.
Parlez-vous à la même femme qu’avec votre ligne de prêt-à-porter?
Oui. Ici, tout particulièrement à une femme se réveillant à 6h du soir près d’une plage après une nuit passée à faire la fête. Cependant, les pièces réalisées ne sont pas exactement les mêmes que celles du prêt-à-porter. Nous avons commencé calmement, humblement, en proposant une garde robe du soir formelle – dans sa fonction, pas sa forme – et nous allons encore un peu attendre avant de nous lancer dans des pièces haute couture plus sportives et casual. Nous avançons, doucement, pas à pas, avec précaution, vers cet univers grandiose et historique qui a bien voulu nous ouvrir ses portes.
À gauche : veste noire en coton avec collerette blanche et étendue de diamants argentés, Redemption.
À droite : body noir à volants et collerette blanche en soie, Redemption.
Veste noire en coton avec collerette blanche et étendue de diamants argentés, Redemption.
Body noir à volants et collerette blanche en soie, Redemption.
Qu’est-ce-que cette tradition vous permet d’explorer?
C’est un savoir-faire aux prouesses techniques que l’on peut seulement appliquer à des pièces uniques. Une qualité et des standards que l’on ne voit plus en 2017. Des matériaux exquis. Mais le vrai challenge était pour nous de lier ce savoir-faire à la culture qui est la nôtre. Redemption vit et respire le rock, non pas parce que c’est « cool » ou « in » mais parce que cela fait vraiment partie de notre histoire – et de mon histoire personnelle. Metallica, Motorhead, Patti Smith, ont fait de moi l’homme que je suis. Et si ce monde a été énormément réapproprié par les marques de masse en quête d’identité, il y avait une vraie place à prendre dans la haute couture. Voici notre but : la rock’n’roll couture.
Hormis l’esthétique, cette philosophie rock apparaît-elle dans votre conception même d’une marque de mode ?
Tout à fait ! Nous avons eu un « ‘fuck it’ moment » quand nous avons pris la décision de nous lancer sans se soucier de l’avis des gens. On a monté cette marque puis cette ligne haute couture avec la même mentalité qui motive la création d’un groupe de rock, un après-midi entre potes. Encore aujourd’hui, on se voit plus tel un groupe de punk indépendant qui n’a aucune idée de comment il est arrivé là, mais qui est reconnaissant du chemin parcouru. Voici ce que raconte notre musique. Pardon, notre mode.
À gauche : chapeau de cowboy rouge en feutre, Traclet.
À droite : robe noire à traîne avec corset, sandales noires ouvertes avec bracelets dorés, Redemption. Chapeau de cowboy rouge en feutre, Traclet.
Chapeau de cowboy rouge en feutre, Traclet.
Robe noire à traîne avec corset, sandales noires ouvertes avec bracelets dorés, Redemption. Chapeau de cowboy rouge en feutre, Traclet.