Qui est Vejas, 19 ans et prodige autodidacte de la mode ?

Article publié le 17 juin 2016

Texte : Jessica Michault
Photo : courtesy of LVMH Prize

À seulement 19 ans, le créateur Vejas Kruszewski remporte le prix spécial LVMH 2016. Ce jeune Canadien autodidacte a fondé son label éponyme à la sortie du lycée et est déjà en passe de venir la nouvelle sensation du monde de la mode. Antidote l’a rencontré.

Je pense que celle qui devrait gagner et celle que j’admire beaucoup est Grace Wales Bonner. Sa vision est tellement concise, claire et si différente de tout que l’on voit aujourd’hui. Je veux qu’elle gagne, juste pour voir comment elle va développer son univers ». C’est la réponse que me donnait le créateur Vejas Kruszewski quand je le rencontrais en mai pour la première fois afin de discuter de l’étape finale du prix LVMH.

Son savoir-faire lui permet effectivement de repérer le vrai talent parmi ses pairs, puisque c’est à Wales Bonner qu’a été remis cette semaine le prix LVMH. La diplômée de la Central Saint Martins devient ainsi la troisième lauréate de l’annuel prix LVMH pour les jeunes créateurs, récompensé d’une bourse de 300 000 euros et d’une année de suivi personnalisé au sein du Groupe LVMH.

Mais avant même l’annonce du nom du vainqueur, Delphine Arnault témoignait au micro de la difficulté qu’a eu le jury à délibérer. D’où la création, cette année encore, d’un prix spécial remis à Vejas Kruszewski. Le créateur canadien autodidacte âgé de seulement 19 ans empoche quelque 150 000 euros et sa propre année de mentorat avec LVMH. Le réservé Vejas semblait en état de choc lors de sa montée sur l’estrade après l’annonce de sa victoire : un timide et rapide merci puis s’en va.

Vejas collection printemps-été 2016

L’année fut plutôt mouvementée pour ce créateur qui a appris à coudre grâce des magazines de couture japonais achetés alors qu’il était encore au lycée. Un été passé à travailler dans une petite usine de couture familiale – où il s’attelait à l’assemblage d’uniformes d’infirmières et de pièces d’une marque canadienne de prêt-à-porter baptisée Marie Saint Pierre, et quelques tutoriels de couture sur Youtube, l’ont aussi aidé à affûter ses compétences. Vejas admet malgré tout que la première pièce qu’il ait vendue, un t-shirt ample en laine bouillie, « était atroce ».

« La marque a démarré de façon plutôt expérimentale. Je ne savais pas vraiment dans quoi je m’embarquais », raconte le créateur qui a vu ses revenus tripler à la suite de sa nomination parmi les finalistes du prix LVMH.

Mais alors, qu’est-ce qui chez Vejas excite et dérange le monde de la mode ? Son style est une approche sophistiquée et urbaine de la mode. Un esthétique qui se joue des frontières du genre et réinvente l’usage traditionnel des tissus, mis en œuvre de manière inattendue. Idem pour la façon dont les vêtements sont construits. Les pièces semblent toutes avoir transposé les techniques de coupe et de montage afin que le résultat final soit juste assez étrange pour être cool. « Il n’y a jamais vraiment d’inspiration ou de point de référence par saison, explique Krusweski. Mais je suppose que le style correspond à celui d’un futur proche. J’essaie de le rendre familier et à la fois un peu alien, très fonctionnel aussi. »

Vejas collection printemps-été 2016

« Nous voulions vraiment l’encourager, déclare le directeur artistique de Louis Vuitton et membre du jury Nicolas Ghesquière. Il a une vision qui est déjà très forte. C’est génial de voir quelqu’un de si jeune, si déterminé et organisé. Il prend les choses très au sérieux et vous avez le sentiment qu’il sait où il va. »

Aîné d’une famille de trois enfants, les parents de Vejas (sa mère est éthicienne clinique et son père un ingénieur qui travaille sur des projets autour de la réalité virtuelle) se sont rencontrés à Paris alors qu’ils finissaient tous deux leurs études en France. « Ma mère s’intéressait beaucoup à la mode et était le genre à acheter des pièces Dries Van Noten ou Prada du début des années 90, raconte Kruszewski. Ils ont eu tous les deux des bourses vraiment avantageuses pour leurs études, c’est grâce à cet argent qu’ils pouvaient acheter tous ces vêtements. Et j’ai grandi au milieu de cela. Ce que je trouve vraiment fascinant, c’est de voir un habit, puis de le démanteler pour essayer de comprendre comment il a été fait. »

Vejas collection automne-hiver 2015

Mais lancer une marque de mode aujourd’hui n’est pas tâche facile. L’industrie pense souvent qu’il est judicieux de s’entraîner, d’apprendre et de faire des erreurs au sein d’une maison avant de commencer à considérer le lancement son label signature.
Vejas reconnaît avoir peut-être été un brin naïf quand il s’est lancé en solitaire.  » J’ai détruit plein de relations et je dois encore beaucoup d’argent. J’ai l’impression d’avoir fait plein d’erreurs, surtout quand le business devient un peu trop personnel. Quand j’y repense, c’était un peu stupide comme décision. Malgré tout, je m’en sors bien aujourd’hui, dans l’ensemble. »

Avec 150 000 euros en poche et la main tendue par LVMH pour le développement de son œuvre, Vejas a en effet l’air de s’en sortir plutôt bien. Il est en très bonne voie pour devenir la prochaine sensation de la mode.

Retrouvez l’univers de Vejas sur son site internet et sur son compte Instagram.

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