Texte par Edouard Risselet et photo par Ren Hang extraits de Magazine Antidote : Freedom issue hiver 2016-2017.
C’est avec une immense tristesse que nous avons appris le décès de Ren Hang. Il laisse derrière lui une œuvre majeure composée de centaines de clichés argentiques d’une beauté pure et bouleversante. Considéré parmi les plus grands photographes contemporains, il avait accepté de réaliser le numéro hiver 2016 d’Antidote. À cette occasion, nous interrogions sa vision de la liberté. Tout comme lui, elle était sublime et radicale.
Il naît en 1987 à Changchun, une ville du Nord-Est de la Chine, d’un père cheminot et d’une mère salariée dans une imprimerie. Il poursuit des études de communication à l’université mais n’y trouve pas d’épanouissement. La passion, il la connaît dès lorsqu’il commence à se concentrer sur la photographie en 2008. Il a 21 ans. Des cours ? « Je n’en ai pas pris un seul parce que je n’en avais pas besoin », disait-il. Ren Hang n’était pas toujours bavard et se refusait absolument à toute forme d’hypocrisie.
Cette franchise sans concession a d’ailleurs fait la renommée de ses clichés, capturés depuis son modeste appareil photo argentique. Ni parapluie de lumière, ni équipe prête à surgir au premier pli indésirable et encore moins de postproduction, la photographie de Ren Hang est authentique, parfois crue, sublimement réaliste. Les corps qu’il capture sont nus, ce sont ceux de ses amis, ou de modèles amateurs recrutés via Instagram. « Quand je les connais, je peux aller beaucoup plus loin avec eux. Et comme j’improvise tout sur le set, c’est plus simple quand on est familier les uns des autres », expliquait le photographe. Tous sont jeunes. Non pas que l’âge l’importe mais parce que « les mannequins jeunes sont simplement plus à l’aise avec l’idée d’être nu, plus particulièrement en Chine ».
Le sujet est sensible en République populaire où la nudité demeure taboue et souvent assimilée à la pornographie. « D’une certaine façon la Chine est très conservatrice, et très controversée d’une autre. Mais la Chine accepte de plus en plus la représentation du sexe en général, et ce depuis les années soixante-dix ».
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L’Empire du Milieu ne semblait pour autant toujours pas prêt à adouber l’œuvre du photographe. Son site était régulièrement mis hors-service, ses expositions interdites et ses séances photo sauvages interrompues par les autorités. Cette censure, « je m’y suis habitué », assurait-t-il. Et contrairement à son ami Ai Weiwei qui lui offrait en 2013 d’exposer ses photographies dans le cadre de l’exposition « Fuck Off 2 », Ren Hang ne « défie pas les politiciens ». Ni personne d’ailleurs. « Je ne cherche pas à faire passer de message, je ne donne pas de nom à mes œuvres, je ne les date pas. Je ne souhaite pas leur accorder de vocabulaire. Je n’aime pas expliquer mes photos ou mon travail dans sa globalité. »
Ce qu’en pensent ses parents ? « Je ne sais pas, je ne leur en ai pas parlé. Ils savent ce que je fais, mais je ne veux pas en discuter avec eux. Je ne demande jamais aux gens ce qu’ils pensent de mes photos ou ce qu’ils ressentent. Je n’en ai rien à faire, en fait. »
Exposé dans les plus prestigieuses et intrépides galeries, Ren Hang participait aussi du renouveau de la scène photographique contemporaine chinoise et à son rayonnement international. Mais la photographie n’était pas son unique art. Sur son site internet, il publiait régulièrement des poèmes rédigés de sa main. « Ils n’ont rien à voir avec mes photographies. Ils traitent de thèmes multiples, de toutes les expériences de ma vie quotidienne, de tout ce que je vois. Tout m’inspire », lançait-il.
À l’occasion de la publication du numéro hiver 2016-2017 d’Antidote, consacré à la liberté, qu’il nous avait fait l’honneur de réaliser, nous avions interrogé sa vision de cette notion substantielle. La sienne était sublime et radicale.
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