Lesbienne revendiquée, multi-instrumentiste surdouée, charismatique et magnétique : à 19 ans, Mikaela Straus alias King Princess a déjà conquis le cœur d’Harry Styles et de Mark Ronson. Et pourrait bientôt mettre le monde de la pop à ses pieds.
Elle nous acccueille à bras ouverts sur le toit-terrasse ensoleillé d’un hôtel du 9ème arrondissement de Paris, une paire de New Balance aux pieds et un T-shirt à l’effigie du groupe Backstreet Boys sur le dos. Malgré cette silhouette juvénile et l’horaire relativement matinal (il est à peine midi), King Princess attend impatiemment le verre de vin blanc qu’elle a commandé quelques minutes plus tôt. « Je ne peux pas m’empêcher d’en boire depuis que je suis arrivée à Paris », confesse-t-elle dans un rire en coin.
Son ton est assuré et son humour pince-sans-rire. Du haut de ses 19 ans, Mikaela Straus, son matricule à la ville, a déjà tout d’une grande, ou plutôt d’une véritable « lady », pour reprendre l’expression qu’elle utilise dans « 1950 », le single qui l’a propulsée au rang de nouvelle figure de l’indie pop américaine début 2018. Approuvé par Harry Styles, qui en a fait l’éloge sur les réseaux sociaux, ce morceau mélancolique, qu’elle a conçu comme une ode au roman lesbien Carol (1952) de Patricia Highsmith, est le single phare de Make My Bed, son premier EP paru en juin dernier, dans lequel elle explore ses peines de cœur et expose ses talents de multi-instrumentiste.
Car en plus d’avoir écrit chacun des cinq titres composant cet EP, l’Américaine a également joué de tous les instruments qui le composent, dont la guitare, le piano et la basse — « l’instrument le plus sexy au monde » à ses yeux. « Plus jeune, je me suis souvent fait tacler par les mecs, qui n’acceptaient visiblement pas le fait que je puisse à la fois être une fille et jouer de la basse ou de la guitare, relate-t-elle. Moi je dis : si les femmes pouvaient avoir autant de confiance que n’importe quel guitariste mâle à la con… alors on serait juste les meilleures putain de guitaristes au monde ! »
« J’ai littéralement grandi dans un studio d’enregistrement »
Cette passion ardente pour les instruments, Mikaela Straus la cultive depuis sa plus tendre enfance. Née à Brooklyn d’une mère férue de rock et d’un père ingénieur du son, elle grandit en écoutant les albums de Led Zeppelin, T. Rex, Janis Joplin ou encore Jack White (« l’artiste qui m’a donné envie de me lancer »), et passe ses journées à arpenter les couloirs du Mission Sound, le studio d’enregistrement de son père où défilent chaque semaine nombre de musiciens. « J’ai littéralement grandi dans ce studio, lance-t-elle non sans fierté. J’étais constamment entourée d’instruments là-bas, mais également à la maison, où mes parents laissaient constamment traîner leurs guitares et autres batteries. »
La musique n’est pas le seul domaine dans lequel les parents de notre artiste, progressistes dans leur mode de pensée, l’ont laissée s’épanouir librement. « Ils ne m’ont jamais dit comment m’habiller, poursuit la jeune femme au look androgyne. Ils voyaient que je m’habillais comme un garçon, et ils me laissaient faire. Je n’ai jamais eu de pression à ce niveau-là. Et je trouve ça super important, même si j’imagine que ça doit être un vrai challenge pour tous les parents de dealer avec la sexualité de leur enfant. »
Photos : King Princess / © Clare Gillen
« Être une voix active pour la communauté gay »
La notion de sexualité, King Princess la place aujourd’hui au cœur de sa musique oscillant entre rock old school et pop moderne, qu’elle décrit tout simplement comme « un mélange entre différents genres et différentes époques ». Dans l’envoûtant « Talia », second single tiré de l’EP Make My Bed, elle raconte un chagrin d’amour avec une jeune femme, représentée dans le clip par une poupée gonflable avec laquelle elle partage son lit. « C’est important pour une femme queer comme moi, et pour n’importe quelle personne issue d’un groupe marginalisé, d’être capable d’exprimer la grande tristesse que moi et mes semblables pouvons ressentir », affirme-t-elle. « Cela me paraît essentiel d’être une voix active pour la communauté gay, parce que quand on regarde bien : combien y en a-t-il ? »
Le soir de notre rencontre, King Princess s’apprête à donner, sur la scène intimiste du Badaboum, son tout premier concert parisien. Et si elle avoue ressentir une légère appréhension (« Je ne suis pas sûre que mon public français comprendra toutes mes blagues pourries »), elle se dit aussi très confiante. « Honnêtement, les gays juste sont les meilleurs fans !, s’exclame-t-elle. Peu importe comment cela se passera : il n’y aura que de l’amour. »
Et d’ajouter : « Et puis, je sens qu’ils ont envie de voir sur scène des gens qui leur ressemblent, qu’ils sont prêts à adoper des icônes issues de leur communauté. C’est vraiment super d’avoir des gens hétéros ou blancs qui soutiennent les communautés marginalisées ; mais c’est vraiment important que ces communautés soient représentées par des gens qui en fassent totalement partie, des gens qui nous ressemblent, qui pensent comme nous, qui aiment de la même façon que nous… Les hétéros blancs ont toujours eu droit à ça ; pas nous. »
« Je veux que mon premier album aborde des thèmes qui me dépassent »
Si elle se dit « excitée » et « ravie » à l’idée d’enchaîner les concerts pour défendre son premier projet Make My Bed, King Princess l’avoue à demi-mot : elle éprouve depuis peu une légère frustration. Et pour cause : la New Yorkaise, qui a déjà joué à guichet fermé à Los Angeles, Toronto ou Londres et s’apprête à s’envoler pour Melbourne (Australie) et Auckland (Nouvelle-Zélande), meurt d’envie d’interpréter en live les morceaux de son tout premier album, qu’elle a déjà entièrement écrit.
Produit aux côtés de son mentor Mark Ronson (« un type vraiment incroyable »), qui l’a signée sur son label Zelig Records, ce disque, qu’elle qualifie de « spécial » et de « vintage », permettra de présenter plus en détails la musique à la fois intime et cathartique de King Princess, tout en explorant avec plus de profondeur les thèmes abordés sur l’EP Make My Bed.
Photos : King Princess / © Clare Gillen
« Ce premier disque restera très autobiographique, puisque j’y parlerai de mes propres expériences, comme je l’avais fait sur l’EP, détaille-t-elle, mais j’ai également puisé dans des expériences vécues par d’autres personnes. » Elle précise : « C’est incroyable d’écrire sur soi-même, de se mettre en avant dans des clips et d’être une sorte de visage dans l’industrie ; mais c’est aussi incroyablement génial d’ouvrir le dialogue pour d’autres gens, et c’est ce que je veux faire avec ce disque. J’y parle évidemment de la question de l’amour, qui m’est très chère, mais je parle aussi de la notion de genre, et de la communauté des drags… Je veux que mon premier album aborde des thèmes qui me dépassent. »
De son regard captivant, son imposant verre de vin toujours vissé à la main, Mikaela Straus conclut : « À mon sens, l’art est un moyen d’exposer les histoires de personnes marginalisées. Les plus belles formes d’art, comme l’art noir par exemple, sont pour moi nées de cette volonté d’exposer des communautés passées sous silence. Cela permet d’apporter de la lumière au bout du tunnel – et j’ose espérer que ma musique saura éclairer quelques personnes. »
Elle nous acccueille à bras ouverts sur le toit-terrasse ensoleillé d’un hôtel du 9ème arrondissement de Paris, une paire de New Balance aux pieds et un T-shirt à l’effigie du groupe Backstreet Boys sur le dos. Malgré cette silhouette juvénile et l’horaire relativement matinal (il est à peine midi), King Princess attend impatiemment le verre de vin blanc qu’elle a commandé quelques minutes plus tôt. « Je ne peux pas m’empêcher d’en boire depuis que je suis arrivée à Paris », confesse-t-elle dans un rire en coin.
Son ton est assuré et son humour pince-sans-rire. Du haut de ses 19 ans, Mikaela Straus, son matricule à la ville, a déjà tout d’une grande, ou plutôt d’une véritable « lady », pour reprendre l’expression qu’elle utilise dans « 1950 », le single qui l’a propulsée au rang de nouvelle figure de l’indie pop américaine début 2018. Approuvé par Harry Styles, qui en a fait l’éloge sur les réseaux sociaux, ce morceau mélancolique, qu’elle a conçu comme une ode au roman lesbien Carol (1952) de Patricia Highsmith, est le single phare de Make My Bed, son premier EP paru en juin dernier, dans lequel elle explore ses peines de cœur et expose ses talents de multi-instrumentiste.
Car en plus d’avoir écrit chacun des cinq titres composant cet EP, l’Américaine a également joué de tous les instruments qui le composent, dont la guitare, le piano et la basse — « l’instrument le plus sexy au monde » à ses yeux. « Plus jeune, je me suis souvent fait tacler par les mecs, qui n’acceptaient visiblement pas le fait que je puisse à la fois être une fille et jouer de la basse ou de la guitare, relate-t-elle. Moi je dis : si les femmes pouvaient avoir autant de confiance que n’importe quel guitariste mâle à la con… alors on serait juste les meilleures putain de guitaristes au monde ! »
« J’ai littéralement grandi dans un studio d’enregistrement »
Cette passion ardente pour les instruments, Mikaela Straus la cultive depuis sa plus tendre enfance. Née à Brooklyn d’une mère férue de rock et d’un père ingénieur du son, elle grandit en écoutant les albums de Led Zeppelin, T. Rex, Janis Joplin ou encore Jack White (« l’artiste qui m’a donné envie de me lancer »), et passe ses journées à arpenter les couloirs du Mission Sound, le studio d’enregistrement de son père où défilent chaque semaine nombre de musiciens. « J’ai littéralement grandi dans ce studio, lance-t-elle non sans fierté. J’étais constamment entourée d’instruments là-bas, mais également à la maison, où mes parents laissaient constamment traîner leurs guitares et autres batteries. »
La musique n’est pas le seul domaine dans lequel les parents de notre artiste, progressistes dans leur mode de pensée, l’ont laissée s’épanouir librement. « Ils ne m’ont jamais dit comment m’habiller, poursuit la jeune femme au look androgyne. Ils voyaient que je m’habillais comme un garçon, et ils me laissaient faire. Je n’ai jamais eu de pression à ce niveau-là. Et je trouve ça super important, même si j’imagine que ça doit être un vrai challenge pour tous les parents de dealer avec la sexualité de leur enfant. »
Photos : King Princess / © Clare Gillen
Photos : King Princess / © Clare Gillen
« Être une voix active pour la communauté gay »
La notion de sexualité, King Princess la place aujourd’hui au cœur de sa musique oscillant entre rock old school et pop moderne, qu’elle décrit tout simplement comme « un mélange entre différents genres et différentes époques ». Dans l’envoûtant « Talia », second single tiré de l’EP Make My Bed, elle raconte un chagrin d’amour avec une jeune femme, représentée dans le clip par une poupée gonflable avec laquelle elle partage son lit. « C’est important pour une femme queer comme moi, et pour n’importe quelle personne issue d’un groupe marginalisé, d’être capable d’exprimer la grande tristesse que moi et mes semblables pouvons ressentir », affirme-t-elle. « Cela me paraît essentiel d’être une voix active pour la communauté gay, parce que quand on regarde bien : combien y en a-t-il ? »
Le soir de notre rencontre, King Princess s’apprête à donner, sur la scène intimiste du Badaboum, son tout premier concert parisien. Et si elle avoue ressentir une légère appréhension (« Je ne suis pas sûre que mon public français comprendra toutes mes blagues pourries »), elle se dit aussi très confiante. « Honnêtement, les gays juste sont les meilleurs fans !, s’exclame-t-elle. Peu importe comment cela se passera : il n’y aura que de l’amour. »
Et d’ajouter : « Et puis, je sens qu’ils ont envie de voir sur scène des gens qui leur ressemblent, qu’ils sont prêts à adoper des icônes issues de leur communauté. C’est vraiment super d’avoir des gens hétéros ou blancs qui soutiennent les communautés marginalisées ; mais c’est vraiment important que ces communautés soient représentées par des gens qui en fassent totalement partie, des gens qui nous ressemblent, qui pensent comme nous, qui aiment de la même façon que nous… Les hétéros blancs ont toujours eu droit à ça ; pas nous. »
« Je veux que mon premier album aborde des thèmes qui me dépassent »
Si elle se dit « excitée » et « ravie » à l’idée d’enchaîner les concerts pour défendre son premier projet Make My Bed, King Princess l’avoue à demi-mot : elle éprouve depuis peu une légère frustration. Et pour cause : la New Yorkaise, qui a déjà joué à guichet fermé à Los Angeles, Toronto ou Londres et s’apprête à s’envoler pour Melbourne (Australie) et Auckland (Nouvelle-Zélande), meurt d’envie d’interpréter en live les morceaux de son tout premier album, qu’elle a déjà entièrement écrit.
Produit aux côtés de son mentor Mark Ronson (« un type vraiment incroyable »), qui l’a signée sur son label Zelig Records, ce disque, qu’elle qualifie de « spécial » et de « vintage », permettra de présenter plus en détails la musique à la fois intime et cathartique de King Princess, tout en explorant avec plus de profondeur les thèmes abordés sur l’EP Make My Bed.
Photos : King Princess / © Clare Gillen
« Ce premier disque restera très autobiographique, puisque j’y parlerai de mes propres expériences, comme je l’avais fait sur l’EP, détaille-t-elle, mais j’ai également puisé dans des expériences vécues par d’autres personnes. » Elle précise : « C’est incroyable d’écrire sur soi-même, de se mettre en avant dans des clips et d’être une sorte de visage dans l’industrie ; mais c’est aussi incroyablement génial d’ouvrir le dialogue pour d’autres gens, et c’est ce que je veux faire avec ce disque. J’y parle évidemment de la question de l’amour, qui m’est très chère, mais je parle aussi de la notion de genre, et de la communauté des drags… Je veux que mon premier album aborde des thèmes qui me dépassent. »
De son regard captivant, son imposant verre de vin toujours vissé à la main, Mikaela Straus conclut : « À mon sens, l’art est un moyen d’exposer les histoires de personnes marginalisées. Les plus belles formes d’art, comme l’art noir par exemple, sont pour moi nées de cette volonté d’exposer des communautés passées sous silence. Cela permet d’apporter de la lumière au bout du tunnel – et j’ose espérer que ma musique saura éclairer quelques personnes. »