Qui est Erika Cavallini, l’une des créatrices italiennes les plus en vue ?

Article publié le 1 septembre 2016

Texte : Jessica Michault
Photo : Ren Hang pour Magazine Antidote : The Freedom Issue hiver 2016-2017

Encore confidentielle en France, Erika Cavallini compte déjà depuis plusieurs années en Italie parmi les griffes à suivre de près. Portées entre autres par Kendall Jenner, les pièces imaginées par la créatrice et fondatrice du label, qui mixent classicisme italien et sportswear raffiné, séduisent des femmes toujours plus nombreuses. Nous l’avons rencontrée.

La créatrice Erika Cavallini est l’une de ces femmes italiennes chics qui a le don de vous mettre à l’aise. En d’autres termes, les pièces de sa collection ne sont pas juste jolies, elles vous vont bien. Sa griffe « Made in Italy » a trouvé le moyen d’imaginer une ligne moderne et portable, avec la juste dose d’avant-garde créative, et ce sans jamais sacrifier le style.

Grande et remarquable de par sa chevelure marron clair ondulée, Cavallini est l’incarnation parfaite de la femme à qui se destine sa marque. Elle a fondé son label en 2009 avec une collection de semi couture, inauguratrice d’une marque de niche pour clientèle avertie. Ce concept a évolué pour se diriger vers une marque signature vouée à répondre aux besoins mode de femmes avides d’une belle silhouette, et suffisamment intelligentes pour savoir qu’un manteau bien coupé, ou qu’un pantalon bien taillé se suffisent à eux mêmes – et ne demandent pas de vider son compte en banque.

Pour Cavallini, cette stratégie fut véritablement la recette du succès. En 2014, elle ouvre son premier magasin amiral à Milan, sur la prestigieuse via Sant’Andrea, et sa ligne est distribuée dans plus de 250 magasins en Italie, représentant plus de 60% de son chiffre d’affaires. Les 40% restants proviennent des ventes internationales, en France, en Extrême-Orient, en Russie ou au Moyen-Orient.

Le parfait exemple du succès de Cavallini dans la création d’un univers vestimentaire éloquent est sa collection automne-hiver 2016. Pour sa présentation à Milan, où de délicieux encas et boissons étaient servis aux invités (et où tout le monde se sentait ainsi comme à la maison), elle avait imaginé un tableau vivant composé de mannequins, debout au centre de scènes érigées dans plusieurs des pièces d’une grande maison milanaise.

« Il n’y a pas une inspiration particulière pour cette collection. J’ai plutôt voulu créer cette sensation que vous avez lorsque vous ouvrez une armoire et que vous y trouver un vrai vestiaire, raconte Cavallini à la présentation. Je voulais quelque chose de simple, de très simple, qui pourrait facilement être mélangé. J’y suis parvenue grâce aux tissus que j’ai choisis et grâce à une palette de couleurs restreinte. C’est dans la présence d’accessoires forts que les vêtements trouvent leur dynamisme ».

Mais le plus intéressant dans cette présentation, infusée de jupes asymétriques plissées, de pantalons carotte taille haute et de pulls déconstruits aux épaules ajourées, était la façon naturelle qu’avaient les mannequins de se mêler à la foule tandis qu’ils se baladaient de pièce en pièce pour prendre part aux différents tableaux vivants. Les ensembles étaient tout aussi pertinents qu’élégants, comme si le rang de silhouettes donnait un aperçu du futur proche de la mode.

La créatrice Erika Cavallini a fondé son label en 2009 et débuté avec une collection de semi couture.

Et bien que cette collection n’eût pas eu de point de départ spécifique, Cavillini reconnaît l’existence d’une trame commune – littéralement. « J’ai utilisé l’idée d’une bande rouge, tantôt par des coutures sur une jupe, tantôt par le col d’un pull, ou encore par un ruban autour de la taille, pour établir un lien au cœur de la collection, explique la créatrice. C’est la première fois que j’utilise le rouge de cette marnière, mais cela deviendra peut-être, qui sait, une signature ».

En quelque sept ans, Cavallini a fait un chemin considérable. Et même si elle décide finalement de ne pas faire de cette ligne rouge sa future signature, la maison a déjà trouvé un moyen de se démarquer. Et celui-ci a déjà fait de cette marque de prêt-à-porter féminin un vainqueur dans sa catégorie.

Après sa présentation, Antidote s’est entretenu avec la créatrice à propos de la place qu’elle pense occuper dans la mode, de l’état actuel de l’industrie dans son entièreté et du succès inattendu de sa marque hors des frontières italiennes.

Erika Cavallini automne-hiver 2016

Antidote : En 2009, la collection était semi couture et a maintenant évolué pour devenir une marque plus démocratique à la portée plus large. Quel était le dessein de ce changement ?
Erika Cavallini : En fait, je souhaitais donner une identité plus forte à la marque, pour pouvoir défendre son nom à l’international et accorder plus d’importance au fait que je prends part personnellement au processus créatif.

Comment aimez-vous créer ? Quel est votre processus créatif ?
Je commence toujours avec une suggestion que je trouve dans un film, un livre, un voyage ou une exposition. Cela me donne des idées pour ma femme et sa garde-robe de saison. C’est un moment très excitant mais aussi très stressant, parce que le point de départ est toujours la partie la plus périlleuse de notre travail.

Que pensez-vous de la situation actuelle de l’industrie de la mode ?
C’est une période très versatile. Mais d’un autre côté, il est difficile d’y trouver quelque chose de vraiment nouveau. Aujourd’hui, l’industrie de la mode demande de plus en plus, et distrait de fait la créativité. Ce que je ressens, c’est que nous devons nous concentrer à 100% sur le processus créatif, car c’est ce qui est essentiel pour un créateur.

Polina Oganicheva @ Supreme Management
Top et pantalon en soie grise chinée, Erika Cavallini. Veste en PVC transparent, Norma Kamali pour The Outnet.

Réalisation : Yann Weber. Casting : Beth Dubin. Coiffure: Gilles Degivry. Maquillage: Satoko Watanabe

Comment essayez-vous de faire se distinguer votre marque des centaines d’autres labels ?
Parfois les tendances font courir le risque d’un lissage de la créativité, et c’est pourquoi j’essaie de laisser ma personnalité, « ma vérité personnelle », s’épanouir dans mon travail, sans pour autant occulter ce qui se passe dans le monde. J’essaie juste de ne pas être trop influencée par la mode. En ce moment historique, où la confusion des genres n’a jamais été aussi forte, j’aimerais porter l’attention sur le côté féminin de ma femme. C’est la façon que j’ai trouvée pour me démarquer des centaines d’autres marques.

Je crois savoir que l’Italie est toujours votre marché le plus important mais y a-t-il un autre endroit dans le monde où vous avez rencontré un succès inattendu ?
Pour tout vous dire, la tendance s’inverse. Notre réseau international traverse une forte période de croissance. Mais je suis aussi contente d’avoir toujours du succès sur le marché italien. L’Italie est encore aujourd’hui un lieu spécial où vous pouvez « respirer » la mode, où vous pouvez accéder à des possibilités uniques de confection.
En ce qui concerne le marché international, je suis toujours très surprise de constater le succès que je rencontre en Russie et dans les pays arabes, si je pense aux différences entre ces deux marchés. De plus, notre stratégie n’est pas spécifiquement de concevoir telle ou telle partie de ma collection afin qu’elle puisse convenir à un aire unique de marché. Mon travail est authentique et dirigé de manière univoque. Pour ces raisons, les résultats positifs dans ces différents pays sont d’autant plus surprenants.

Campagne Erika Cavallini automne-hiver 2016

Pensez-vous qu’il soit toujours important d’avoir des boutiques amirales physiques ?
Je pense que le flagship store perd de son importance à cause des achats en ligne qui sont plus rapides et plus simples. Mais les magasins amiraux sont toujours essentiels pour l’image d’une marque. Ce qui est toujours intéressant aujourd’hui, ce sont les boutiques multimarques et les concept-stores, où de nombreuses idées et marques se mélangent pour offrir une vision différente des produits.

Pensez-vous que les clients soient toujours aussi obsédés par les marques, ou qu’ils préfèrent suivre un designer, plutôt qu’un label ?
Je pense que cela dépend de la période historique de la mode. De nos jours, les consommateurs sont concernés par les marques dès lors qu’il est question d’accessoires. Et d’autre part, ils sont plus curieux quand il s’agit des vêtements et c’est grâce à cela que de nouveaux créateurs peuvent émerger même si les clients sont attentifs au positionnement de la marque et au prix. Je pense qu’il y a de la place pour tout le monde sur le marché.

Y a-t-il autre chose que je doive savoir à propos de vous ou de votre marque ?
J’aime toujours insister sur le fait que derrière ma marque, il y a de jeunes femmes et hommes qui travaillent dur tous les jours pour rendre possible mon travail. Je leur suis très reconnaissante, et je suis également reconnaissante envers mon pays, qui conserve cet authentique humus et dispose des meilleurs fabricants historiques du monde entier. Mon pays m’a tellement donné, professionnellement parlant, que je peux dire que je suis très fière d’être italienne.

Suivez Erika Cavallini sur Instagram et retrouvez les points de vente de la marque sur son site internet erikacavallini.com.

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