Il vient tout juste de remporter le prestigieux prix des premières collections de l’ANDAM. Antonin Tron présente cette année la première collection convaincante de son label Atlein, après avoir fait ses armes chez Balenciaga. Rencontre avec le jeune créateur qui se rêve en Rick Owens ou Dries Van Noten.
C’est toujours bon signe quand une collection vous demande de redoubler d’attention. Voici ce qui m’est arrivé lorsque j’ai vu la première collection d’Antonin Tron. Et je ne suis pas la seule à avoir repéré ce jeune talent français et sa marque baptisée Atlein. Tron vient de se voir remettre le prestigieux Prix des Premières Collections de l’ANDAM, accompagné d’une bourse de 90 000 euros pour développer son label. Le Vogue américain a signé un contrat d’exclusivité afin de se garantir la première publication d’un article à propos de la marque dans son numéro de juillet. Et Bergdorf Goodman, Net-A-Porter et Ikram proposeront tous sa collection à la vente la saison prochaine.
Les débuts sont d’excellent augure pour cette marque nommée d’après un lieu imaginaire érigé dans la tête du créateur. « Je ne voulais pas que la marque porte mon nom. Je voulais qu’elle soit un lieu, une destination, où les gens pourraient venir et choisir le leur », explique Antonin Tron.
Quel type de vêtements les femmes porteront-elles alors en voyage à Atlein ? Du jersey.
Atlein collection automne-hiver 2016
La collection est entièrement réalisée à partir de ce tissu et Tron a trouvé le moyen de concevoir des pièces en jersey à la fois sportives et sensuelles. Fondamentalement féminines aussi, grâce notamment au mouvement organique qu’il insuffle à ses créations. Et sa volonté de créer des pièces uniquement à partir de jersey était on ne peut plus intentionnelle. « J’aime travailler avec beaucoup de restrictions, car il vous faut aller à l’essentiel. Vous ne pouvez pas vous éparpiller. Vous devez vous concentrer sur une chose et la sublimer », raconte-t-il.
Le designer, qui cite le nom de la créatrice Jean Muir parmi les inspirations de sa collection, est aussi avide de plein air. Son temps libre, il le passe à surfer, adore la boxe, et s’est déjà essayé à l’équitation par le passé. Cette connexion sur un plan physique est éminemment sensible dans son travail. La structure des pièces et la façon dont elles épousent le corps traduisent une sensualité tactile qui séduit immédiatement celles qui les portent.
« J’aime travailler avec beaucoup de restrictions, car il vous faut aller à l’essentiel. Vous ne pouvez pas vous éparpiller. Vous devez vous concentrer sur une chose et la sublimer. »
Aîné d’une fratrie de trois garçons, Tron ne se rêvait pas en designer dès son plus jeune âge mais nourrit une fascination pour l’aspect créatif depuis la fin de son parcours scolaire. Après l’obtention de son diplôme de l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers en Belgique, il a commencé à travailler pour des marques parmi les plus grandes de l’industrie au complet, notamment Givenchy et Louis Vuitton. Il a aussi évolué chez Balenciaga, suffisamment longtemps pour apprendre de Nicolas Ghesquière, Alexander Wang et Demna Gvasalia (pour qui il travaille toujours en freelance) les ficelles de la mode.
« Avec Nicolas, tout tournait autour de la créativité. J’ai appris l’importance de la recherche. Vous devez pousser un concept jusqu’à ses limites, le prendre et en faire quelque chose de nouveau. Avec Alexander, il s’agissait plutôt d’être productif dans la façon de travailler. Et maintenant avec Demna, que j’ai rencontré à l’école, c’est juste incroyable de pouvoir le soutenir », déclare Tron.
Atlein collection automne-hiver 2016
Si son label, entièrement autofinancé, a beau être une sensation actuelle, Antonin Tron n’a pas intention d’en faire un feu de paille, et encore moins de satisfaire tout le monde. Il aspire à une carrière à l’image de celles de Rick Owens ou Dries Van Noten, qui ont su demeurer indépendants, tout en affûtant leur talent spécifique à un domaine particulier de la mode. Mais l’admiration de Tron pour ces créateurs dépasse leur simple succès dans l’industrie. La clarté de leur travail et leur équilibre de vie l’attirent tout autant.
« Je veux poser les bases de quelque chose de durable, en adéquation avec les valeurs auxquelles je crois, comme l’authenticité et un certain sens de la qualité, confesse le designer. Ça n’est pas grave si tout le monde n’aime pas ma marque. Il y a tellement de marques, le système de la mode est tellement varié, chacun y trouvera forcément son compte. Mais c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles quand vous faites quelque chose, vous devez vraiment le faire le mieux possible. »
Cette approche mesurée et stable devrait servir Tron. Il semble appréhender son récent succès avec la même détermination sans faille qui a déjà su si bien servir à son amour pour le sport. Et lorsqu’il affirme que le meilleur conseil qu’il n’ait jamais reçu soit « Ne suis jamais aucun conseil », vous comprenez immédiatement que ce créateur là a été forgé en acier.