L’exposition de mode est toujours un challenge scénographique. Comment faire honneur aux vêtements sans tomber dans le dressing à grande échelle ? Comment raconter le parcours d’un créateur sans éviter le piège de la biographie déployée sur trois salles sans âme ? Tâche délicate que cet événement qui a su séduire Montréal et Londres avant Paris.
Jean Paul Gaultier est un régal. A chaque salle, son thème, mais aussi son univers bien à elle, sa mise en scène. Le clou du spectacle : un défilé reconstitué, avec un front row irrésistible où l’on reconnaît Catherine Deneuve ou Amy Winehouse. On remarque ces mannequins pas comme les autres, dont le visage est animé grâce à un habile jeu de projection. Parmi eux, se distingue Jean Paul Gaultier lui-même, nous expliquant sa vie, sa carrière, et se présentant comme notre guide. Il est avec nous, à nos côtés, tout du long de cette exposition, assure-t-il. Il ne ment pas : on sent sa présence à chaque pas. Son humour, son audace, sa poésie. Sa tendresse aussi : pour Nana, l’ours en peluche de son enfance, pour ses muses (Madonna, Farida Khelfa, Grace Jones, Naomi Campbell, etc.), pour la musique (il aura été à l’origine des costumes de clips des Rita Mitsouko ou de Nirvana !), l’Angleterre (vive le punk et le tartan !) le 7e art (inoubliables tenues du 5e Elément)… et Paris, celle qui a su conquérir à la seule force de son imagination.
Le couturier français ne voulait pas d’une simple exposition rétrospective comme il y en a tant. Il voulait, à l’image de ses défilés, un show. Et c’est réussi.
Jusqu’au 3 août 2015 au Grand Palais , 3, avenue du Général Eisenhower 75008 Paris
Un texte de Sophie Rosemont
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