Juicy Couture, Canada Goose ou Manolo Blahnik. Toutes ont participé au dernier défilé de Demna Gvasalia qui se tenait aux Galeries Lafayette dans le cadre du calendrier officiel de la haute couture. Trajectoire d’un label iconoclaste et contestataire.
En l’espace de deux ans, le label Vetements et le duo dynamique de frères à son origine, Demna et Guram Gvasalia, ont réussi leur conquête de l’industrie. L’étape finale de la domination a été atteinte ce dimanche avec l’inauguration de la Fashion Week haute couture de Paris par le dernier défilé de prêt-à-porter de la marque. Un grand coup de pied donné dans le derrière de la haute couture traditionnelle et les premiers pavés du chemin vers un possible nouvel ordre mondial de la mode.
Vetements printemps-été 2017
« Le système est désuet, et il doit être réinventé il doit être modifié, lance Mira Duma, co-fondatrice de Buro247.com et amie proche des frères. Guram fut vraiment la première personne à en parler haut et fort. Ce sont des pionniers, et je pense qu’ils ont suffisamment de cran pour sinon changer, essayer de changer le système. »
L’annonce de l’arrivée de la maison dans le calendrier français officiel cette saison fit l’effet d’une bombe à travers les strates de la mode. D’ordinaire, les marques patientent des années pour espérer être conviées à présenter dans le cadre calendrier. Deux ans auront suffi à Vetements.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les vingt-quatre derniers mois ont pris la maison dans un tourbillon. Le business débuté dans le salon de Demna recevait les commandes de 27 boutiques après son premier défilé tenu dans un restaurant chinois parisien fatigué. La marque devenant rentable presque instantanément.
Vetements printemps-été 2017
En mars dernier, Vetements faisait partie des finalistes du prix LVMH pour les jeunes créateurs de mode. Six mois plus tard, Demna était annoncé pour succéder à Alexander Wang à la direction artistique de Balenciaga. Là-bas, il ne s’est pas contenté du prêt-à-porter féminin. Il présentait en juin le premier défilé masculin de l’histoire de la maison. « Demna apporte à la mode une énergie de jeunesse, affirme Cecilia Dean, co-fondatrice de Visionaire. Et cette espèce de fanatisme autour de la marque Vetements est vraiment rafraîchissante. »
Qu’est-ce qui rend alors Vetements si spéciale ? La marque a su saisir et exploiter le zeitgeist de la mode. Les vrais habits du quotidien et de la rue entrent en collision avec des esprits créatifs décidés à explorer le potentiel du registre familier. Transformer et élever ces basiques du vestiaire en de nouvelles entités qui à la fois soulignent le côté banal de la vie et rendent ces pièces prosaïques spéciales en apparence et en signification.
Vetements printemps-été 2017
Cette perspective, inscrite dans la lignée du travail du créateur Martin Margiela – une marque pour laquelle Demna a travaillé quatre années durant -, est source d’un véritable culte voué à la marque. Les célèbres adeptes de la marque parmi lesquels Kanye West, Selena Gomez, Taylor Swift ou Rihanna et une horde de fashionistas radicale sont prêts à tout pour mettre leur grappin sur l’une des créations de Vetements distillées en édition limitée.
Et ce point est essentiel. Guram a porté une attention diligente au réseau de distribution de Vetements et a décliné les offres de quelques acheteurs majeurs de l’industrie, qui d’après lui ne comprennent pas la nature fondamentale de la maison.
Vetements printemps-été 2017
Il met aussi en demeure la conception antique de l’offre et de la demande, selon la même stratégie dont fait usage Supreme et qui consiste en la production limitée de nombreuses pièces. Après tout, la rareté est un moyen génial pour susciter le désir.
« D’après moi, il est ici question de force et de bravoure. D’un côté vous avez Gucci et de l’autre vous avez Vetements, explique Simone Marchetti, rédacteur en chef mode du journal italien La Repubblica. Ils sont vraiment en train de redessiner, reconstruire le suranné panorama de la mode. En ce qui concerne Vetements, Demna bouscule les règles établies. Et je pense qu’il est important de ne pas se concentrer uniquement sur Demna. Son frère Guram est l’esprit caché derrière l’entreprise et il est très très bon. C’est un excellent marin dans un orage parfait. »
À propos d’orage parfait. C’est très justement ce qu’a orchestré Vetements ce dimanche. La marque s’est emparée du phénomène des « collaborations mode », devenu aussi redondant que l’omniprésente tendance du « pop up store », pour le repousser à ses limites les plus extrêmes. La marque s’est associée à plus de 17 labels différents, tous leaders dans leur propre segment de marché, pour créer des pièces de haut niveau avec le chien du twist Vetements.
« C’était très moderne, assure Carine Roitfeld après le show. C’était la première fois que je voyais une telle collaboration et ça fonctionne à merveille. Il y a un vrai sens derrière tout cela et c’était très bien mis en œuvre. Oh, et ces cuissardes Manolo Blahnik étaient juste fantastiques. »
Elle n’a pas tort ; ces bottes Manolo Blahnik sont du pain béni pour les éditoriaux mode. Tout comme ces classiques chemises de business man étiquettées Brioni qui, dans les mains de Vetements, s’ouvraient délibérément sur le devant du torse, ou encore la doudoune Canada Goose gonflée supersize. Les robes du soir en velours Juicy Couture, les combinaisons en denim Levi’s et le blouson en cuir oversize Schott NYC auront toutefois un potentiel plus réaliste.
« Je pense que cela incarne le chemin du futur de notre industrie, déclare Glenda Bailey, la rédactrice en chef de l’édition américaine de Harper’s Bazaar. Je pense que l’exécution était parfaite. Ça m’a fait sourire, rendu heureuse aussi, parce que les vêtements avaient tous l’air très cool. C’était excitant de voir toute cette marchandise, tout cet esprit, sur un unique podium. »