Dès l’entrée, une photo, seule sur un mur noir, surprend. Il s’agit de la main de Jeanne Lanvin dissimulant une grande partie de son visage. La grande dame de la mode est alors âgée, ses mains témoignent du temps qu’elle a vu passer. Une énergie extraordinaire s’en dégage – celle qui l’a portée, tout au long de sa vie hors norme.
Jeanne Lanvin (1867-1946) méritait bien cette consécration orchestrée par Alber Elbaz, l’un de ses fans les plus fervents. En tant que directeur artistique de Lanvin depuis 2001, il a su respecter son sens du style et de la grâce féminine. Sans oublier sa modernité bluffante : on croit rêver devant des croquis de sweat-shirts datant du début du 20e et qui pourraient se porter là, maintenant, tout de suite. Des jolis dessins rappellent aussi à quel point la créatrice a su suivre les évolutions de la société française, comment elle a su habiller la femme sans la surcharger de contraintes… Et puis il y a les robes. Sur près d’une centaine de modèles ici exposées, ce sont elles les reines. Du jour, du soir, de mariée (celle que portait sa fille Marguerite lors de sa première union est à tomber)… On rêve, les yeux grands ouverts.
Mais derrière le glamour officiait une dame de fer, divorcée lorsque ce n’était pas encore à la mode, femme indépendante, mère louve et business woman affirmée : on sourit devant une photographie de sa porte de bureau au nom de Madame, où il est interdit d’entrer. « Adressez-vous en face », recommandait la plaque. Aujourd’hui, Jeanne Lanvin est partout – son emprunte sur le monde d e la parfumerie comme de la mode est restée indélébile.
Du 8 mars au 23 aout au Palais Galliera, 10 avenue Pierre 1er de Serbie, 75008 Paris
Un texte de Sophie Rosemon
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