Marie Poniatowski : « Le monde de la mode ne me fascine pas »

Article publié le 28 octobre 2015

© Photos Antoine Harinthe pour magazineantidote.com

Le bureau de Marie Poniatowski est un puits de lumière, où sont exposées des photos des gens qu’elle aime, de sa famille, de ses amis et de ses inspirations. Sa marque de joaillerie, Stone, est à son image. Marie Poniatowski imagine des bijoux à la fois racés, précieux, et rock’n’roll qui suggèrent sans l’imposer un pedigree haut de gamme, une compréhension fine du style de l’époque. Cela fait onze ans que la créatrice, issue de la haute noblesse polonaise et fille du sérail mode, a arrêté le cinéma, son premier amour, pour se consacrer à sa marque de bijoux. Rencontre avec une femme libre, émancipée des diktats du bon goût, qui mène sa vie comme sa marque : avec passion et gourmandise.

Votre père était directeur de Vogue France, votre mère décoratrice d’intérieur, vous êtes née dans un environnement sensible à la mode et aux tendances.
Oui, quand on était petites, avec ma sœur (Sarah Lavoine ndlr) on a été baignées là-dedans, on assistait aux défilés sur les genoux de mon père. Mais je suis finalement devenue assez sauvage à l’égard du milieu de la mode. Je comprends les créateurs qui travaillent des mois sur une collection, mais tout le bruit qu’il y a autour des shows me fatigue. La mode ne me fascine pas, même si je trouve qu’elle regorge de gens formidables. D ‘ailleurs, avant de monter Stone, j’étais assistante à la mise en scène sur des films, j’ai travaillé avec Claude Lelouche entre autres. Mais ce métier ne me permettait pas d’avoir une vie de famille équilibrée, c’est un sacerdoce, c’est instable.

D’où l’envie de créer des bijoux, qui sont par définition pérennes ?
Quand j’étais enfant, on déménageait tout le temps et on vivait perpétuellement au milieu des travaux. Maintenant le changement m’angoisse. J’aime l’idée de transmission et j’ai besoin de faire des choses qui restent. Comme j’adore le diamant, j’ai décidé de ne travailler que cette pierre. Mais j’ai souhaité faire des bijoux que les femmes et les hommes puissent porter toute la journée, dans le métro, pour un dîner, pour sortir. Mais surtout, je voulais que les femmes se sentent suffisamment à l’aise avec mes créations pour pouvoir se les offrir toutes seules.

Comment avez-vous décidé de vous lancer ?
Lors d’un voyage à New York, je me suis rendu compte que les Américains avaient beaucoup plus de marques de joailleries que nous et je me suis dit qu’il y avait quelque chose à imaginer en France. J’ai eu envie de créer des bijoux modernes mais réalisés avec des techniques anciennes. Chaque pièce est fabriquée à la main à Anvers. J’avais envie de proposer une alternative aux joailliers de la place Vendôme.

Ça a marché tout de suite ?
Au début je dessinais surtout des boucles d’oreilles et des dormeuses. Stone s’est développé petit à petit, sans investisseurs, sans argent de famille. J’ai pris mon temps, mon bureau était chez moi, je n’avais pas de bureau de presse, j’allais frapper seule à la porte des rédactions. Mais ça a vraiment décollé à partir du moment où j’ai commencé à créer des croix. On me demande souvent si je fais des croix parce que je suis croyante, mais non, c’est uniquement parce que ça m’éclate. Et comme mes clientes les aiment, et que je travaille avant tout pour mes clientes, je continue.

Qui sont-elles ?
Beaucoup de Parisiennes, et de New-yorkaises. Il y a de très jeunes filles qui portent des petites boucles d’oreilles Stone mais également des grands-mères et c’est ça qui me plaît ! J’ai beaucoup de points de vente à l’international mais je fais attention à bien les sélectionner pour qu’ils correspondent à mon état d’esprit, c’est cette liberté qui m’importe le plus. L’an dernier par exemple, j’ai organisé une fête pour les dix ans de Stone et j’ai tenu à faire quelque chose qui me ressemblait. On a fait ça chez Ma Cocotte aux Puces et j’ai invité tous ceux qui m’ont soutenu depuis les débuts, ainsi que mes amis. Les gens n’étaient pas placés lors du dîner, des enfants couraient partout. C’était joyeux, pas guindé, tout ce que j’aime.

Qui aimeriez-vous voir porter vos bijoux ?
Julie Roberts, elle est sublime. Mais j’ai de la chance car beaucoup d’actrices françaises me soutiennent. Emmanuelle Seigner, que j’adore, est l’une des premières à avoir cru en Stone. Léa Seydoux porte mes créations depuis toujours et il y a aussi Lou Doillon, Lætitia Casta… Et Michel Pfeiffer m’a dit qu’elle avait adoré mes boucles d’oreilles !

Comment décririez-vous Stone en 3 mots ?
Délicat, féminin et rock !

Comment conciliez-vous votre vie de famille et votre marque qui vous prend beaucoup de temps ?
J’ai une fille de 15 ans et j’essaie de m’en occuper le plus possible. Ma mère travaillait énormément et j’aimerais ne pas reproduire ça. Mais j’avoue que je suis toujours connectée à mon travail. Je m’endors et me réveille en y pensant. Le seul moment où je peux faire un vrai break c’est quand je suis à l’étranger. J’adore voyager, je pars dès que je peux avec ma famille. J’emmène ma fille partout en voyage depuis qu’elle est née.

Où partez-vous ?
J’adore le raffinement de l’Asie. Avant je partais en Indonésie tous les été car mon meilleur pote y habitait. Je retourne aussi toujours à Bangkok mais mes derniers chocs ont été le Grand Canyon et le Lac Powell aux États-Unis. Ce sont les plus beaux paysages que j’ai vus de ma vie. En voyage, je n’aime pas les hôtels trop luxueux et ostentatoires, je préfère les lieux discrets qui se fondent dans la nature.

Où se niche la beauté pour vous ?
Dans l’Histoire. Je peux passer des heures au Louvre à imaginer comment c’était de vivre dans le passé. Le futur m’effraie pas mal mais il y a des époques qui me fascinent, comme les années 60 et 70.

Où trouvez-vous la paix ?
Chez moi.

Votre état d’esprit en ce moment?
Je m’attelle à être la plus positive possible.

Qu’est-ce-qui vous rend vivante?
L’amour des gens que j’aime.

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