Diane Pernet : « Personne ne naît en ayant confiance en soi »
Article publié le 10 décembre 2015
Photographe : Jean Luc Dupont
Texte : Laurence Vély
Identifiable – comme seules savent l’être les figures tutélaires de la mode, d’Anna Wintour à Suzy Menkes – à ses longues tenues noires, elle est aussi une intellectuelle respectée du milieu, capable comme peu le sont de théoriser sur son présent et son avenir. Pour Antidote, ce personnage singulier et hors normes, journaliste et fondatrice de l’ASVOFF (Shaded View on Fashion Film Festival) a répondu à quelques questions.
La mode est-elle davantage un art ou un business ?
Dans un monde parfait, c’est un mélange des deux.
Et dans notre monde ?
On sait tous que la mode doit évidemment avoir une part de business, mais quand l’accent n’est mis que sur cet aspect-là, l’industrie commence à en souffrir et c’est ce qui se passe depuis 10 ans. Regardez la valse actuelle des designers, on dirait qu’ils sont jetables.
Qu’est-ce-qui est mieux qu’avant ?
Internet. Vous pouvez avoir un accès aux informations depuis le monde entier.
La mode est-elle forcément narcissique ?
Non, ça dépend du designer et de la cible à laquelle il s’adresse.
Quelle est la pièce le plus incroyable que vous ayez jamais vue ?
Une robe drapée Marc Audibet.
Vos créateurs favoris ?
Morts ou vivants ? Si on parle des morts, Elsa Schiaparelli, Madame Gres, Charles James. Pour les vivants, Dries Van Noten, Rick Owens et KTZ.
Et les nouveaux venus ?
Iris Van Herpen, J W Anderson et Demna Gvasalia (Vêtements), mais je ne suis pas sûre qu’ils soient encore considérés comme « nouveaux ».
Allez-vous toujours continuer à vous habiller en noir de la tête au pied ou allez-vous changer de style un jour ?
Cet hiver je porte un manteau en faux léopard.
Qu’est-ce-que les gens pensent de vous ?
Aucune idée, demandez-leur !
Qu’est-ce-qui est positif quand on avance dans l’âge ?
Vous dites non quand vous pensez non.
Avez-vous toujours eu confiance en vous ?
Je regardais récemment des archives et j’ai retrouvé des photos d’un jeune Karl Lagerfeld mal à l’aise. Personne ne naît en ayant confiance en soi.
Qui aimeriez-vous être si vous n’étiez pas vous ?
Je n’ai jamais voulu être personne d’autre que moi.
Quels conseils donneriez-vous à un adolescent ?
Les voyages apprennent à savoir qui on est. Essayez un maximum de choses et quand vous trouverez votre voie, vous le saurez. Soyez passionnés et suivez votre intuition.
Votre mantra ?
J’en ai plusieurs. Quand il y a de l’harmonie, laisse la couler, quand il n’y en a pas, laisse filer. Mahatma Gandhi disait : « Le bonheur c’est quand ce que tu penses, ce que tu dis et ce que tu fais sont en harmonie ».
Qu’est-ce-que vous diriez à un jeune qui voudrait de se lancer dans la mode ?
Allez-y seulement si vous avez quelque chose à dire.
L’accessoire sans lequel vous ne pourriez pas vivre ?
Mes lunettes Alain Mikli customisées.
Que vouliez-vous faire quand vous aviez 5 ans ?
Être danseuse, n’est-ce-pas cliché ?
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