Et si Karl Lagerfeld était Dieu ?

Article publié le 23 septembre 2016

Texte : Katie May

Il vient de saluer un nouveau show Fendi, finalise son prochain défilé Chanel et poursuit le développement de sa marque éponyme. À la radio, sur les plateaux télés, sur les comptes Instagram de Kendall Jenner et Lily Rose-Depp, Karl Lagerfeld est partout, tout le temps, à toute heure. Inépuisable. Jean Roch l’avait prédit, et si Karl Lagerfeld était vraiment Dieu ?

Plongeon dans le clip « Saint-Tropez » de Jean Roch avec tout le bling qu’on lui connaît : voitures de luxe, yachts, filles en bikini, house musique et Snoop Dogg au refrain. La folie du « m’as-tu vu » made in Méditerranée ! Jusque là, rien d’anormal. Mise à part l’intro du clip qui prend forme au milieu d’un ciel calme et serein. Là, Jean Roch apparaît face à Karl Lagerfeld – costume plus blanc que son catogan, mitaines immaculées, visage accueillant, verres de lunettes brillants.

Le couturier est à l’image que l’on se fait de Dieu : sage et impassible. Une idée qui se confirme lorsque Jean Roch lui demande s’ils sont au paradis, ce à quoi Karl Lagerfeld répond : « Le paradis c’est Saint-Tropez ». Clap de fin pour le moment de quiétude, on débarque sur Terre au milieu d’une Côte d’Azur clinquante et bouillonnante. Sauf que nous, on tilte sérieusement. Pas sur le bling méditerranéen mais sur la comparaison entre Karl Lagerfeld et Dieu. Et si Jean Roch avait tapé dans le mille ?

Karl, le créateur multifonctions

En soixante ans de carrière, Karl Lagerfeld a créé un empire à son image. Il faut dire que l’homme est inépuisable. À partir de 1963, il dessine les collections de prêt-à-porter chez Chloé et dès 1965 chez Fendi pour qui il crée le logo et participe à la création des collections jusqu’à aujourd’hui. Mais son plus grand challenge remonte à 1983 lorsqu’il est appelé par la maison de couture Chanel pour lui donner un second souffle. Gabrielle Chanel est décédée depuis dix ans et la griffe est en pleine crise. Mais il en faut plus pour effrayer le couturier, premier de l’histoire à faire ressusciter une marque de mode. Pour la suite de l’aventure Chanel, on la connaît. Karl Lagerfeld innove sur tous les plans, met en place une stratégie offensive permettant de rebooster les marques de luxe et plaçant ainsi Chanel sur le devant de la scène mondiale. Il crée également un concept de contrat d’exclusivité pour le mannequin Inès de la Fressange qui représentera l’ADN et l’histoire Chanel durant des années. Mais ne comptez pas sur Karl Lagerfeld pour se contenter uniquement de ces marques puisqu’il crée son propre label, l’éponyme Karl Lagerfeld. Malgré des hauts et des bas, la marque du créateur se maintient et explose en 2004. À cette date, il est le tout premier d’une génération entière de créateurs à innover en acceptant de collaborer avec le monstre de fast fashion H&M. Il se lance dans cette aventure contre l’avis de tous ses conseillers, et pourtant, cette collaboration marquera l’histoire de la couture, propulsant Karl Lagerfeld de statut créateur à celui de marque mondiale.

En 2004 et en dépit de la réticence de ses conseillers, Karl Lagerfeld lance sa collection en collaboration avec le suédois H&M.

Karl, le travailleur acharné

Karl Lagerfeld ne se repose jamais. Il avoue même dans son livre Le monde selon Karl : «  Mon fond de commerce a toujours été de travailler plus que les autres pour leur montrer leur inutilité ». Au point qu’il complexe toute l’industrie de la mode en inscrivant Chanel dans une dynamique de luxe mais aussi de mass market. Rappelons qu’il travaille sur deux collections de prêt-à-porter, deux collections couture, une pré-collection hiver et une collection croisière. Sans oublier la collection Chanel « Métiers d’Art » qui a lieu une fois par an dans des lieux d’exception. Sur cette frénésie du travail, Karl Lagerfeld admet au magazine en ligne The Business of Fashion : «  J’estime qu’il faut six collections de prêt-à-porter, car tout peut changer en deux mois. Aucune autre marque ne peut se targuer d’un tel rythme ». Se hisser au sommet pour ne jamais être égalé, telle serait la stratégie du Dieu de la mode.

« Mon fond de commerce a toujours été de travailler plus que les autres pour leur montrer leur inutilité »

Karl, l’illustre inconnu

Son image est connue de tous, érigée au statut de logo, imprimée sur des canettes de Coca-Cola Light, sacs à main, palettes de maquillages, vestes de costumes… Il faut dire que le créateur a pensé sa silhouette tel un chef de produit : un catogan qui l’inscrit dans un autre temps, une paire de lunettes servant de barrière avec le monde, un costume moulant pour maintenir son corps et ne jamais montrer de signes de relâchement et une paire de mitaines pour ne pas avoir d’emprise directe avec la réalité. Une silhouette déclinable à l’infini au point que la marque Barbie a décidé de créer une poupée Barbie Karl Lagerfeld. Et quand la rédactrice en chef du Madame Figaro demande au créateur ce qu’il pense d’une telle idolâtrie, ce dernier répond : « je trouve ça grotesque et flatteur. Dans la rue, on m’appelle Karl et jamais monsieur Lagerfeld, ce que je préfère, parce que monsieur, ça donne un sacré coup de vieux ». Plus qu’un logo, « Karl » a atteint le statut d’icône. Et pourtant, malgré les interviews et les documentaires qui lui sont dédiés, qui connaît vraiment le créateur ? Qui est cet homme ? Quand une rédactrice du site Marie-Claire lui pose la question, il répond en toute franchise : « je ne suis personne. C’est d’ailleurs ce que j’adore. Et pour autant je suis disponible, ouvert à toutes les influences que je transforme à ma manière ». 

Karl, l’être immortel

Peu d’hommes auront autant laissé plané le doute sur leur âge. Coquetterie ou stratégie ? On se pose la question. Cependant, l’âge du créateur est difficilement identifiable. On soupçonne qu’il serait né un 10 septembre 1933 mais comment imaginer que l’homme ait 83 ans alors qu’il est comme moulé dans de la cire, ne manifestant aucune marque de faiblesse. Il évoque son éventuelle propre fin lorsqu’il avoue face à Marc-Olivier Fogiel dans l’émission Le Divan : « Si un jour je meurs, je ne veux pas d’enterrement. Je trouve cela horrible. Je veux juste disparaître comme les animaux de la forêt vierge. C’est horrible d’encombrer les gens avec ses restes ».

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