Survêt’ trois bandes, baskets vulgaires et banane en bandoulière, l’uniforme de l’intermédiaire itinérant séduit en 2016 bien au-delà des cartels. À la sortie des défilés, dans la rue et sur Instagram, le dealer s’impose malgré lui en référence mode. Passage en revue de six tendances substantielles.
Longtemps, le dealer a payé cash polos Versace, sacs Gucci et autres casquettes Lacoste avec le dessein de perfuser son style d’une esthétique bourgeoise qu’il assimile à la réussite sociale. La vertu de l’homme se mesure à l’épaisseur de la liasse qu’il dépose sur le comptoir de chez Armani. Un généreux magot aisément convertible en grammes de cannabis écoulés. Pas Vogue.
Moqué et caricaturé, le style du petit trafiquant échoue à dépasser les frontières de son réseau. Mais jamais à une contradiction près et obnubilée par la capture du zeitgeist, la mode lui coupe l’herbe sous le pied et le célèbre avec panache en 2016.
Déjà lassés d’un sportswear lissé par d’innombrables récupérations, ceux qui font la tendance embrassent un vestiaire plus radical, où la chaussette blanche s’exhibe sans vergogne et dont la Nike Requin est le nouveau mocassin. Bienvenue dans l’ère du dealer icône de mode.
De gauche à droite : Chloé printemps-été 2016, AMI Alexandre Mattiussi printemps-été 2016, Adidas Y-3 printemps-été 2016
1 – LE SURVÊTEMENT
Omniprésent sur les podiums de Lacoste à Chloé, le survêtement a conquis depuis plusieurs saisons le cœur des créateurs qui adaptent ses lignes à celles de leur marque. Mais le jogging, le vrai, celui que chérissent tant les marchands de poudre n’est pas signé Bottega Veneta, il dit Sergio Tacchini, Adidas ou Puma. Il est de préférence resserré à la cheville. Et si la conception première de la pièce à conviction ne l’a pas anticipé, rentrer son jogging dans une paire de chaussettes blanches est naturellement convenu.
Chez Vetements, Demna Gvasalia l’a compris. Il fusionne le logo de son vibrant label avec celui de la légendaire griffe Champion et offre une version déstructurée du survêtement en jersey. On ne le porte ni le dimanche ni à la salle de sport. On l’endosse de jour comme de nuit, au Dépôt ou chez Castel.
De gauche à droite : Nike Shox, Adidas x Raf Simons, Adidas x Porsche Design, Adidas x Rick Owens
2 – LES BASKETS EXTRÊMES
L’appétit insatiable pour la sneaker a ressuscité des modèles que l’on pensait condamnés à perpétuité. Sortie au lendemain de la coupe du monde de 1998, la Nike Air Max TN Plus, couramment appelée requin, fait alors carton plein.
Depuis la roue a tourné, et la réputation de la requin au vinaigre. Une décennie plus tard, seuls quelques exemplaires de l’espèce en voie d’extinction se baladaient encore dans les couloirs les plus sombres du Forum des Halles.
Aujourd’hui, la paire a recouvré sa gloire d’antan, auprès des éminents spécialistes de la sneaker comme auprès du gotha de la mode qui en dévalise les stocks. D’autres s’essaient à la Nike Shox, tout aussi affreuse et géniale. Raf Simons s’en est d’ailleurs inspiré pour la création de ses baskets massives en collaboration avec Adidas. La frénésie touche une population mixte, de 15 à 40 ans.
Photos : Instagram @badgalriri
3 – LA CASQUETTE DE BASEBALL
Elle est l’accessoire indispensable du dealer, son horcruxe. Il ne porte pas la snapback mais s’attèle à modeler la visière de sa casquette de baseball à la forme de son crâne. Il la serre à outrance afin qu’elle puisse tenir sur le haut de son crâne et n’oublie pas les finitions en calant une cigarette derrière son oreille.
Le losange d’Umbro, le cavalier de Polo Ralph Lauren ou un swoosh argenté : la viabilité du modèle réside dans la présence du logo, empereur en son royaume. Justin Bieber, Kanye West et Instagram ne jurent plus que par elle. Ils portent entre autres les modèles brodés de la marque française NasaSeasons, sold out partout. La casquette NY est un autre best-seller que tout le monde a déjà possédé, possède ou possèdera.
De gauche à droite : Lookbook M.I.A. x Versus Versace, Gucci automne-hiver 2016, bootleg logo
4- LA CONTREFAÇON
Le Saint Graal en matière de couvre-chef de trafiquant est la casquette monogrammée. Elle se trouve dans des points de vente exclusifs, extra-muros et outre-Méditerranée. Tout comme un autre éventail de produits contrefaits. Illicite et répressible, la tendance de la contrefaçon est pourtant bel et bien là. En 2013, la chanteuse M.I.A. dévoile pour Versus une collection capsule inspirée des fakes de Versace. Pour l’automne-hiver 2016, Alessandro Michele a fait appel aux services de GucciGhost, un artiste de rue connu pour sa signature illégalement inspirée du double G de la marque. Very real.
De gauche à droite : David Delfin automne-hiver 2016, Vetements automne-hiver 2015, Gosha Rubinchskiy automne-hiver 2015
5 – LE FOOT
Trafic de stupéfiants et passion football sont absolument indissociables. Sous son sweat à capuche, le dealer arbore le maillot de son équipe favorite, pour qui il donnerait vie et parents. Cette année, le football est plus que jamais mis à l’honneur par les créateurs. Le designer espagnol David Delfin dessine pour son label éponyme des écharpes de supporters intégrées aux vêtements de sa collection automne-hiver 2016. Avant lui, Vetements, Gosha Rubchinskiy, Comme des Garçons. Impossible de ne pas penser à M.I.A., poursuivie par le PSG pour avoir porté un maillot floqué Fly Pirates dans son clip Borders. Joue-là comme ton dealer.
De gauche à droite : Lemaire printemps-été 2016, Diesel Black Gold printemps-été 2016, MM Maison Margiela printemps-été 2016
6 – LA BANANE
Pourquoi raisonnablement s’encombrer d’un sac quand on sait qu’elle peut contenir paquet de cigarettes, clés et petite monnaie ? La banane fait depuis plusieurs saisons son grand retour sur les podiums. De Valentino à Diesel Black Gold, tous semblent encourager sa réhabilitation. Christophe Lemaire l’imagine brute et la fait porter à son mannequin en bandoulière. Il est peut-être temps de relancer votre Skyblog.