Comment le t-shirt de concert est-il redevenu cool ?

Article publié le 12 mai 2016

Texte : Edouard Risselet

Le temps où la marchandise de tournée se réservait à un public de fans prêts à se couper un pied pour frôler de l’index leur idôle est révolu. De Justin Bieber à Beyoncé, le tour merch se paie un bienvenu lifting et s’affranchit des frontières honteuses de Bercy.

Si la seule prononciation de son nom s’est longtemps accompagnée d’un mépris des plus profonds et la diffusion de sa musique d’une sinistre vague d’otites, Justin Bieber a depuis pris l’une des revanches les plus significatives de l’histoire de la musique. Lors de la sortie What Do You Mean à la fin de l’été 2015, le monde entier manque de faire tomber son iPhone pour réussir à capter quelques secondes qui suffiront à Shazam pour reconnaître son illustre auteur. C’est la stupéfaction. Justin Bieber est devenu cool, et vous êtes devenus Belieber.

Le tacite repentir se poursuit quand le chanteur annonce que les produits dérivés de sa tournée seront imaginés en collaboration avec Jerry Lorenzo, fondateur de la marque de streetwear américaine Fear Of God. Le merchandising de concert, ou tour merch, anciennement très commercial et réalisé par des designers inconnus laisse place à un vestiaire plus complet qui s’émancipe de la simple pochette d’album et d’une tracklist dans le dos.

Le 5 mai, la collection capsule s’offrait un pop-up store dans la boutique new-yorkaise VFILES et suscitait l’intérêt d’une file d’attente longue de plusieurs centaines de mètres. L’engouement est similaire à celui constaté non loin quelques semaines plutôt quand Kanye West ouvrait sur Wooster Street les portes de sa boutique éphémère dédiée à la vente des produits estampillés The Life Of Pablo, du nom de son dernier album. Le rappeur se targuait ensuite sur son compte Twitter d’avoir écoulé en deux jours seulement pour plus d’un million de dollars de marchandise. Bingo.

Kanye West se targue sur Twitter d’avoir écoulé pour un million de dollars de marchandise The Life of Pablo en deux jours.

La création, la distribution et la stratégie de lancement ont changé, l’intérêt commercial aussi. « Les CD sont obsolètes. […] Le merchandising est en quelque sorte en train de devenir le dernier souvenir physique du concert », analyse Jerry Lorenzo pour MTV.« Les marchandises de concert sont juste devenues une partie de l’expérience multimédia et un autre moyen pour les artistes vraiment malins de continuer à monétiser leur marque. Les gens sont de plus en plus nombreux à adhérer au streaming et l’industrie de la musique cherche d’autres moyens de faire de l’argent. », explique au Business of Fashion Jian DeLeon, un expert du streetwear et rédacteur mode homme chez WGSN.

De gauche à droite : Tour merch de Justin Bieber, Beyoncé, Kanye West et Travi$ Scott

Et la monétisation de sa marque passe par la définition de son image. Le monde du hip hop, vraisemblablement à l’origine du renouveau des produits dérivés, cultive une allure streetwear. Du bomber brodé du rappeur Travi$ Scott pour son Rodeo Tour au sweatshirt Fresher Than You de Beyoncé, chaque artiste propose une ligne adaptée à son image et aux goûts de son public ; quitte parfois à flirter avec la contrefaçon.

Les sous-vêtements de Selena Gomez pour sa tournée Revival ressemblent à s’y méprendre à ceux de Calvin Klein, les casquettes de Beyoncé semblent bien inspirées de celles de la marque française NasaSeasons et plusieurs pièces de Justin Bieber reprennent les codes de Thrasher et du label Vetements de Demna Gvasalia.

« Le merchandising est en quelque sorte en train de devenir le dernier souvenir physique du concert. »

Le créateur georgien, aussi directeur artistique de Balenciaga, lui dédiait d’ailleurs dans sa collection automne-hiver 2016 un sweatshirt « Justin4ever ». Lors de ce même show qui avait investi en mars la nef de l’église américaine de Paris, Vetements présentait une robe t-shirt imprimée d’une tête de mort et semblable aux produits de groupes de heavy metal trop bruyants. Le choix de la griffe Supreme de s’associer dernièrement le temps d’une capsule au groupe britannique Black Sabbath n’est pas non plus anodin.

Dans cette mouvance du retour de l’esthétique du merchandising hard rock, le duo Bieber-Lorenzo a lui fait appel à Mark Riddick, un artiste spécialisé dans la conception d’artwork gothique, pour le dessin des logos « Bieber » et « Purpose Tour ». Sur scène, le chanteur, en nouvelle icône, exhibe avec panache un débardeur imprimé du visage de Marilyn Manson et au dos floqué « Bigger Than Satan : Bieber ». Modeste. On le veut.

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