Amélie Pichard : « ma collaboration avec Pamela Anderson »

Article publié le 20 janvier 2016

© Photos Antoine Harinthe pour Antidote

La créatrice de chaussures Amélie Pichard lance demain en grande pompe sa collection de chaussures avec Pamela Anderson. Comment ces deux-là se sont-elles rencontrées ? Amélie Pichard nous avait raconté en septembre dernier la genèse de cette histoire qui tient moins d’un conte de fée que d’une obsession psychotique doublée d’une belle configuration des astres. Par Laurence Vély.

« Je nous prépare un café, je prends mes clopes, sors les tiennes et attends-moi sur le canapé ». Amélie Pichard pourrait avoir la gouaille d’une chansonnière française du début du vingtième siècle si elle ne dégageait pas quelque chose d’irrésistiblement moderne. Il y a quatre ans, j’avais été l’une des premières à interviewer la jeune créatrice de chaussures pour un grand magazine féminin. Elle avait lancé sa marque peu de temps avant et venait de décider de s’y consacrer à 100%. Elle nous avait reçues, la photographe et moi, avec un joli plateau de thé fumant et des cookies à peine sortis du four. Nous avions analysé ses obsessions, pour David Lynch, les chats persans et Sonia Rykiel, et je m’étais dit que cette drôle de fille de 28 ans au bon-mauvais goût assumé, avait ce mélange de simplicité, de singularité et de confiance en soi que l’on retrouve souvent chez les créateurs à succès. Puis, nous nous sommes recroisées, de loin en loin, jusqu’au printemps dernier, où nous avons pris rendez-vous pour boire un verre au Centre Ville, l’un de ses bars fétiches à Bastille. Elle m’a raconté entre deux gorgées de bière, qu’elle allait certainement lancer une collection de chaussures vegan avec Pamela Anderson -un de ses autres obsessions- qui l’a repérée sur Instagram cette année. Quelques mois plus tard, je me retrouvais donc de nouveau dans son appartement- atelier de la rue de Lappe pour discuter, entre autres, de cette improbable collaboration avec l’icône des 90’s. 

Cette fois-ci, tu ne m’as pas préparé de cookies ?
Tu sais à l’époque, je n’étais pas rodée aux interviews, je ne savais pas vraiment comment me comporter. Du coup, oui je vous avais fait des gâteaux, comme chez mamie. C’était mignon non ?

Très. Où en est-tu de ta collaboration avec Pamela Anderson ?
Nous avons créé ensemble une ligne vegan (sans cuir NDLR) qui s’appelle Natural beauty, et qui va être lancée le 10 décembre en avant-première chez Opening Ceremony à New York. Tu sais que les Americains sont beaucoup plus vegan friendy que les Français ? Ils garderont l’exclusivité des ventes un mois, puis la collection arrivera en France en janvier pendant la Fashion Week Haute Couture. Elle sera vendue sur mon e-shop, bien sûr, chez colette mais aussi dans un concept store que j’adore, Tom Greyhound, rue de Saintonge dans le Marais. J’adore leur sélection et j’avais vraiment envie d’être vendue là-bas. Après tout, Pamela Anderson est atypique, je suis atypique, notre association est atypique, je n’avais pas envie que notre ligne soit disponible dans un lieu trop attendu par les gens de la mode.

Pamela viendra te soutenir à Paris pour le lancement ?
Oui, bien sûr. C’est incroyable hein ? Tu sais quoi ? Je crois que je ne réalise toujours pas ce qui s’est passé.

Raconte-moi donc votre rencontre.
Tu sais que j’ai toujours été une fan absolue de Pamela Anderson ?

Oui, tu m’en avais parlé. Ce qui est drôle, c’est qu’il n’y avait aucun second degré dans ton amour pour elle.
Aucun. Je l’adule depuis que j’ai neuf ans, depuis « Alerte à Malibu » en VF en fait. Enfant, j’étais totalement amoureuse d’elle et je voulais des gros seins comme elle…

Mais ce genre d’obsessions passe en général, quand on grandit.
C’était le cas, mais elle était toujours dans un coin de ma tête. Quand tu fais de la création, c’est parfois comme une psychanalyse, ça va chercher très loin en toi. J’ai toujours eu ce fantasme de l’American Girl (une de mes collections s’appelle comme ça) mais l’an dernier j’ai carrément crée une collection, Hittchiker (L’auto-stoppeuse en français) inspirée par fille fictive qui rêve de devenir Pamela Anderson et traverse les Etats-Unis avec un camionneur, pour finir a Malibu en pyjama rose en velours.

Effectivement, c’est une rechute.
Puis, par hasard, je me retrouve à faire une collaboration de lunettes avec ce lunettier de Los Angeles qui s’appelle Garrett Leight. Pour fêter ça, on organise une grande soirée à Paris qui s’appelle « Ici c’est L.A. », nos DJettes sont en maillot de bain rouge et j’ai installé une pancarte grandeur nature de Pamela Anderson qu’on poste sur Instagram à grands renforts de hashtags. Trois semaines plus tard, je reçois un mail qui dit : « Je voudrais vous proposer une collaboration avec une artiste américaine très connue et impliquée dans la cause animale et dont vous postez des photos très souvent sur Instagram ». Bingo. C’était Pamela Anderson.

Mais qui est ce garçon qui t’a écrit de sa part ?
Figure-toi que c’est son contact en France, une sorte d’ami qui lui file des coups de main à l’occasion. C’est un merchandiser de star, il travaille aussi avec Mireille Matthieu ou Patrick Fiori par exemple. Pamela lui avait raconté son envie de créer une ligne de chaussures sans cuir et là, le mec voit passer sur Instagram une créatrice de chaussures absolument dingue de Pamela Anderson. C’était presque trop beau pour être vrai.

D’autant que tu as toujours été attirée par la cause vegan toi aussi.
Oui, clairement. Je ne me revendique pas végétarienne, mais je ne mange quasiment plus de viande. Tu sais, je suis taureau ascendant bélier, je ne suis pas quelqu’un d’extrême. Et pour cette raison, je ne ferai jamais que des chaussures sans cuir. Mais la cause animale me touche énormément, et je suis aussi consciente qu’à un moment, avec la surindustrialisation, on ne pourra plus utiliser de cuir. On est en 2015 quand même ! Quand j’ai commencé à chercher par quoi remplacer le cuir, j ai vite réalisé qu’il n’existait pas grand chose et j’ai vraiment galéré. Le plus compliqué, c’était la doublure. J’ai fini par trouver un polyuréthane respirant antibactérien mais c’était très compliqué… Dans un avenir proche je veux m’associer avec des ingénieurs pour inventer de nouveaux matériaux.

Raconte-moi ton premier rendez-vous avec Pamela Anderson
Je me suis envolée en mai dernier pour la rencontrer chez elle, à Malibu. Elle était exactement comme je l’avais imaginée : sublime, rayonnante, pieds nus dans sa cuisine américaine, en mini short, avec juste un petit haut en broderie anglaise blanc, pas maquillée et hyper fraîche… avec juste de longs ongles anthracite. Elle m’a reçue seule.

Quand on rencontre Pamela Anderson, il n’y pas une flopée d’assistants sur le canapé ?
Non, justement, elle n’a besoin de personne pour la conseiller, ni assistant, ni copine. Elle sait exactement ce qu’elle veut, elle est sûre d’elle. Elle m a fait du thé, m’a servi plein de trucs veggie et on est restées une heure dans sa cuisine à discuter. Elle m’a raconté sa vie, ses deux enfants, ses chiens, son divorce… Mais c’est quand elle m’a fait visiter sa maison qu’elle m’a vraiment fait rentrer dans son intimité, pour que je comprenne qui elle était vraiment et que je puisse créer une collection au plus proche d’elle. Puis elle a regardé très attentivement les dessins de la collection, de SA collection, que je lui soumettais.

Tu avais visé juste ?
Je pense que je l’avais assez bien cernée, car elle a tout adoré. Le thème principal est blanc, avec des touches de lila et de noir. Ce sont ces trois couleurs favorites. En revanche, ce que je ne savais pas, c’est à quel point son regard sur la mode est pointu. Elle porte beaucoup de Alaïa, de Vivienne Westwood et de Stella McCartney par exemple.

Et donc, tu es passée de fan totale à collaboratrice puis à amie ?
Avant de la rencontrer, j’essayais de rationnaliser pour déstresser, de me dire: « Je suis créatrice et les créateurs travaillent avec des stars, c’est comme ça ». Mais je ne m’attendais pas à ce qu’on s’entende aussi bien, que ce soit aussi simple. C’est avant tout une mère, une femme, une femme d’affaire. Et elle est aussi très naturelle, elle est anti-Botox, ce qui est rare à Hollywood. C’est le type de femmes qui m’inspirent.

Comment est la collection ?
Tu sais, Pamela ce n’est pas que Baywatch, les seins siliconés et les 90’s, c’est aussi une fille de la plage. J’ai tout mixé. On y trouve des bottines en patchwork de jean et même des tatanes où j’ai fait écrire Pamela à la Suprême. Elle a tout adoré.

Et maintenant ?
Je vais aller à New York lancer la collection avec elle, puis nous allons en faire la promo à Paris…

Tu vas faire fortune ?
Tu sais quoi, je ne pense même pas… Le principal, c’est qu’on rentre dans nos frais, et pour elle, qu’elle puisse injecter un peu d’argent à sa fondation de protection des animaux http://www.pamelaandersonfoundation.org/. Et moi, je réalise un rêve, ce qui est énorme. Je lance une ligne vegan avec et pour Pamela Anderson, qui est devenue une copine. Ah, et tiens, devine qui fait la campagne ? David Lachapelle, pour Amélie Pichard. Tout simplement.

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