Que faut-il retenir de la Fashion Week de Paris été 2019 ?

Article publié le 9 octobre 2018

Photo : Balenciaga printemps-été 2019
Texte : Pierre A. M’PELÉ

La diversité des inspirations continue de faire la force de Paris. La femme est élégante, mystique, goth, rock, et surtout, elle regarde vers le futur et refuse la binarité des genres.

L’influence streetwear est encore là mais pour la première fois depuis quelques saisons, Paris a remis en avant la notion d’élégance, sans oublier de toujours apporter dans ses collections un regard aiguisé sur la société.

LE CONCEPT : LE REFUS DE LA BINARITÉ

Plusieurs marques ont à nouveau joué avec les codes du genre, mais en brouillant encore plus les frontières entre féminin et masculin. Chez Louis Vuitton, Nicolas Ghesquière a ajouté des vestes très masculines à sa collection femme : un savant mélange de tailoring, de sportswear et de féminité qui pourrait être porté par tous. La preuve : même quelques mannequins hommes se sont immiscés sur le catwalk.

Clare Waight Keller de Givenchy a imaginé l’homme et la femme non plus comme un couple mais comme des êtres aux garde-robes pratiquement interchangeables. L’un inspirant l’autre. Haider Ackermann a lui universalisé le tailleur qui devient la pièce maîtresse d’un vestiaire presque asexué. Quant à John Galliano pour Maison Margiela, il a fait appel au mannequin trans Teddy Quinlivan et au mannequin intersexué Hanne Gabby Odiele. Et s’est même amusé à habiller les hommes avec des robes et/ou des sacs à main. Bref, le message est clair : less injonctions liées au genre, y en a assez !

Photos de gauche à droite : Louis Vuitton printemps-été 2019, Givenchy printemps-été 2019, Haider Ackermann printemps-été 2019, Maison Margiela printemps-été 2019.

LA SCÉNOGRAPHIE : TOUJOURS PLUS INCROYABLE

Cette saison les grandes maisons ont rivalisé d’ingéniosité afin de proposer des décors et set designs toujours plus stupéfiants. À la cité du cinéma, Balenciaga a fait défiler ses mannequins dans un tunnel fabriqué à partir d’écrans LED incurvés du sol au plafond, diffusant une vidéo réalisée par Jon Rafman, artiste et cinéaste canadien connu pour ses recherches sur l’impact de la technologie sur l’homme. Une façon pour la marque, qui a conçu pour l’occasion des vêtements avec une technique de moulage 3D, de critiquer la digitalisation accrue de notre quotidien.

De son côté, Louis Vuitton a investi la Cour Carrée du Louvre pour la transformer en station spatiale futuriste. Dans un jeu de néons, de verre et de lumières, les mannequins défilaient comme suspendus dans des galeries et des passerelles au-dessus de l’eau. Un élément qui a aussi été la base des décors de la maison Chanel qui a fait construire une véritable plage (sable fin, rivage, ponton, vagues) dans le Grand Palais afin d’y présenter une partie de sa nouvelle ligne Coco Beach : sac à main ballon de plage, camélia en forme de mini-parasols, chapeau de paille…

LA THÉÂTRALITÉ : GUCCI

Exceptionnellement parti de la fashion week de Milan, Gucci est venu à Paris pour présenter sa collection dans l’ancien temple mythique de la nuit disco parisienne : le Palace. Au sein de la salle de cet ancien théâtre, Alessandro Michele a offert un défilé digne d’un véritable spectacle rendant hommage à deux figures phare du théâtre expérimental italien des 70’s : Leo de Berardinis et Perla Peragallo.

Photos de gauche à droite : Gucci printemps-été 2019.

À travers la projection d’un court-métrage à l’allure rétro, Gucci a présenté une collection riche de couleurs, d’accessoires et d’extravagance en tout genre rappelant l’ère disco de la fin des années 70 et des party girls de cette époque, le tout accompagné d’une performance magique de Jane Birkin. Un moment d’émotion suspendu dans le temps, également marqué par un hommage aux chanteuses Dolly Parton (son visage était apposé sur un sweat) et Janis Joplin grâce à un chapeau à l’allure rock upgradé de chaînes dorées imaginé par le créateur italien.

LA SILHOUETTE : ÉLÉGANTE

Cette saison, Paris marque le retour de l’élégance et du raffinement dans le vestiaire féminin. Même des maisons auparavant connues pour avoir mis sur le devant de la scène des silhouettes inspirées de la culture streetwear ont présentés des collections à la sophistication inattendue. Glenn Martens, de la marque Y/PROJECT a proposé une collection mature et assumée : ses mannequins, habillées notamment en robe en satin coupée en biais ou tailleur avec décolleté à plumes, ont marché tout en douceur et retenue sur tapis rouge.

Chez Balenciaga, Demna Gvasalia a choisi d’utiliser cette saison des lignes plus pures et des matières plus riches, rappelant certains maîtres de la haute couture. On retient parmi les robes de cocktails, le dernier passage : une robe rouge que le créateur aurait drapée sur son petit-ami. Quant à Valentino et Miu Miu, ils ont confirmé par leur savoir-faire le maintien d’une silhouette raffinée et distinguée.

Photos de gauche à droite : Y/Project printemps-été 2019, Balenciaga printemps-été 2019, Valentino printemps-été 2019, Miu Miu printemps-été 2019.

LE CHOC DES TITANS : CELINE VS. SAINT LAURENT

Avec l’arrivée d’Hedi Slimane, Celine était l’un des show les plus attendus de la semaine parisienne. Au sein d’un immense cube installé au milieu de la cour des Invalides, le créateur américain n’a pas failli à sa réputation sulfureuse en présentant une toute nouvelle image pour la maison française. Soit une première collection composée de 96 looks inspirés d’une party girl qui allie avec aisance l’esprit rock et l’élégance française (robes ultra-courtes, broderies, sequins) ; et avec comme nouveauté supplémentaire de poids, les premières pièces de la toute nouvelle ligne homme de Celine.

Quelques jours avant, c’est Saint Laurent, dirigé par Anthony Vacarello depuis le départ d’Hedi Slimane, qui a présenté une collection digne de la maison mettant en avant une femme forte, sensuelle, séductrice… et mystérieuse, surtout quand le décor du défilé (un bassin d’eau géant installé au milieu du Trocadéro et entouré de palmiers blancs) donnait au public l’impression que les mannequins marchaient sur l’eau.

Photos de gauche à droite : Celine printemps-été 2019, Celine printemps-été 2019, Saint Laurent printemps-été 2019, Saint Laurent printemps-été 2019.

LA CÉLÉBRATION : LA FEMME MYSTIQUE

Cette saison, plusieurs créateurs ont voulu rendre hommage aux femmes en leur conférant une aura mystique : elles sont connectées, conscientes, mais emplies de spiritualité. Le créateur américain Rick Owens a donné l’image de femmes en pleine révolte spirituelle, prêtes à en découdre avec un monde qui les a négligées ; torches en main, habillées de vêtements aux silhouettes plus ou moins organiques. Nouveau venu à la direction artistique de Paco Rabanne, Julien Dossena a lui été influencé par l’idée d’une « évasion mystique ». Le résultat donne une collection qui mélange les cultures asiatiques et européennes à la perfection. Mais c’est chez Dries van Noten que la femme est la plus poétique et la plus mystérieuse alliant à la fois la douceur et la dureté à travers un jeu de couleurs, de matières et d’imprimés.

Photos de gauche à droite : Rick Owens printemps-été 2019, Paco Rabanne printemps-été 2019, Dries van Noten printemps-été 2019.

LE MOOD : OH MY GOTH

Ville de créateurs aux inspirations plus noires – au sens propre comme au figuré, Paris n’a pas oublié de rendre hommage à la culture gothique. Chez Givenchy, Clare Waight Keller a proposé cette saison des robes de soirées noires et dramatiques, à l’image d’Olivier Theyskens dont les codes goths tels que la dentelle noire et le cuir sont toujours présents.

Chez Ann Demeulemeester, Sébastien Meunier a exploré le côté mélancolique et romantique de la femme en offrant de longues robes de satin noir et des manteaux agrémentés de fleurs, noires bien sûr. Mais c’est Sarah Burton, directrice artistique de la maison Alexander McQueen qui est allée plus loin en retravaillant des robes de baptême.

Photos de gauche à droite : Olivier Theyskens printemps-été 2019, Ann Demeulemeester printemps-été 2019, Alexander McQueen printemps-été 2019.

LA NOUVEAUTÉ : LES PREMIÈRES FOIS

Plusieurs maisons ont fait leur première fois cette saison. Marques’Almeida a quitté Londres pour apporter à la capitale française une collection énergique et dynamique si propre à la capitale anglaise. Le jeune label Afterhomework a rejoint le calendrier officiel, tout comme A.W.A.K.E et la maison Courrèges a accueilli ses invités dans sa boutique historique de la rue François 1er afin d’y présenter la toute première collection de Yolanda Zobel, nouvelle créatrice de la marque.

Photos de gauche à droite : Afterhomework printemps-été 2019, A.W.A.K.E printemps-été 2019, Courrèges printemps-été 2019.

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