Alors que Riccardo Tisci y a présenté sa vision pour Burberry, Londres a encore prouvé qu’elle était l’un des épicentres d’une jeune création bouillonnante d’idées.
Si la première collection de Riccardo Tisci pour la maison Burberry était l’évènement majeur de la semaine, l’hommage de Gareth Pugh au styliste Judy Blame restera le plus émouvant et le plus marquant ; tout comme les collections de jeunes créateurs qui se sont interrogés sur la condition féminine passée, présente et future.
LE MOT D’ORDRE : RENDRE HOMMAGE
Marqué par le décès de son mentor Judy Blame en février 2018, le designer Gareth Pugh a choisi de lui rendre hommage à travers sa dernière collection. Afin de rappeler à tous l’influence et le talent de cette icône de la scène punk anglaise, Gareth a présenté des bottes Demonia, des épaules ultra-larges, et des visages cagoulés.
Lauréat du British Fashion Awards en 2017, Michael Halpern a quant à lui voulu rendre hommage à la révolution sexuelle des années 1960 et 1970 ainsi qu’aux looks rappelant les heures de gloire du Studio 54, que la mère du designer fréquentait.
Pour Matty Bovan, l’hommage de départ était destiné au réalisateur Derek Jarman, inspiration principale de sa nouvelle collection. Mais cette collection a aussi fait appel à une myriade de références, notamment au travail de Vivienne Westwood, présente au défilé. Souvent comparé à John Galliano, le jeune anglais est de plus en plus connu pour son savoir-faire impliqué.
Photos de gauche à droite : Gareth Pugh printemps-été 2019, Halpern printemps-été 2019, Matty Bovan printemps-été 2019.
LE DÉFILÉ ÉVÉNEMENT : BURBERRY
Au début de l’année, l’arrivée de Riccardo Tisci chez Burberry a pris le monde de la mode de court. Pour son premier défilé, le créateur connu pour avoir dépoussiéré Givenchy a puisé dans l’héritage de la marque britannique fondé en 1856 par Thomas Burberry.
En 134 silhouettes homme et femme, Tisci a invoqué les éléments clés de l’ADN de la marque comme le trench, le tartan, les soies et les foulards et leur a ajouté sa touche personnelle, sensuelle et sportive. Ainsi, le fameux tartan est passé aux lignes verticales et les foulards ont été accroché à la taille au niveau de la ceinture. Une façon pour le créateur italien de proposer une garde-robe complète mêlant classicisme et modernité .
Photos : Burberry printemps-été 2019.
LE MAKEOVER : LA FEMME VICTORIENNE
Qui dit Londres, dit royauté et dit surtout Reine Victoria. Période clé de l’histoire britannique, l’ère Victorienne a fortement inspiré la jeune création cette saison. Mais cette fois, finis les corsets et les crinolines trop imposantes. Grâce à des marques comme Ashley Williams et Preen by Thorton Bregazzi, la femme Victorienne a été libérée de cette période austère et de ses carcans sociaux et vestimentaires en adoptant des drapés plus fluides, des volumes, des manches ballons et des décolletés. Même Erdem a exploré les interdits de cette époque en s’inspirant de deux travestis de Londres, Frederick Park dit Stella et Ernest Boulton dit Fanny.
Photos de gauche à droite : Preen by Thorton Bregazzi printemps-été 2019, Ashley Williams printemps-été 2019, Erdem printemps-été 2019.
L’HEURE DU CHOIX : L’OMBRE DE #METOO
Un an après #MeToo et l’affaire Weinstein, la mode londonienne s’interroge sur l’image de la femme et les injonctions auxquelles elle est toujours renvoyée, comme si elle devait absolument faire un choix : à savoir afficher sa sexualité ou la cacher.
Que ce soit chez Roland Mouret ou Christopher Kane, les jeux de transparence (dentelle, résille) étaient de mise pour laisser la peau et la poitrine apparentes. Le créateur anglais a même habillé ses mannequins de tops inspirés des rites d’accouplements racontés dans les documentaires animaliers de David Attenborough. Une référence à peine cachée au cannibalisme sexuel faisant de ses modèles des femmes fortes à l’image des veuves noires et des mantes religieuses qui dévorent leur partenaire après l’accouplement. Histoire de prendre le pouvoir et peut-être même leur revanche.
Mais face à cet affichage d’une sexualité assumée, on a vu des créateurs comme J.W. Anderson proposer la vision d’une femme plus bohémienne et rustique voire presque mormone (fichu sur la tête, épaules recouvertes, plastrons) tout comme Simone Rocha qui a parfois voilé ses mannequins et leur a recouvert tout le corps. Une façon de souligner que la femme est la première et la seule à disposer de son corps ; et qu’elle est libre de choisir entre pudeur ou sexyness.
Photos de gauche à droite : Roland Mouret printemps-été 2019, Christopher Kane printemps-été 2019, J.W. Anderson printemps-été 2019, Simone Rocha printemps-été 2019.
LA RELÈVE : L’HÉRITAGE UPGRADÉ
La jeune génération a mis en avant son héritage culturel et l’a célébré. A Sai Ta de la marque Asai a puisé directement dans son héritage vietnamien et lui a apporté des références occidentales. Pour Supriya Lele, c’est la culture indienne qui est venue à la rencontre des terres du Midland de son enfance. Quant à Yuhan Wang, il a regardé vers l’Empire du Milieu, son pays natal. Trois premiers défilés qui ont assuré à ces créateurs une place de choix lors des prochaines saisons.
Photos de gauche à droite : Asai printemps-été 2019, Supriya Lele printemps-été 2019, Yuhan Wang printemps-été 2019.
L’ANNIVERSAIRE : LES 10 ANS DE MARY KATRANZOU
En 2008, une jeune créatrice d’origine grecque, Mary Katrantzou lançait sa marque après avoir obtenu son diplôme à la Central Saint Martins de Londres. Malgré la crise économique et un secteur du luxe fragilisé à cette époque, elle réussit à fidéliser une clientèle à la recherche d’une féminine innovante. Son défilé anniversaire est une démonstration de force. La créatrice y a repris les pièces qui ont eu le plus de succès au fil des années et les a retravaillées en y ajoutant broderies et embellissements spectaculaires.
Photos : Mary Katranzou printemps-été 2019.
LA LUBIE : LA QUÊTE D’UTOPIE
Quel sera le monde de demain et sera-t-il meilleur pour la femme ? C’est la question que plusieurs jeunes créateurs se sont posés lors de cette semaine de la mode londonienne. Chez Kiko Kostadinov et Charlotte Knowles, tous deux issus de la Central Saint Martins de Londres, c’est la féminité de demain qui a été le thème principale des collections.
Chez le premier, on a vu une femme futuriste capable de combattre « les cauchemars dystopiens » et chez l’autre, une femme aux inspirations futuristes des années 40 et des films de science-fiction des années 80. Un thème qui n’est pas sans rappeler celui du premier défilé du créateur Nicholas Kirkwood qui a imaginé les femmes dans un monde où la cybercriminalité est monnaie courante.
Photos de gauche à droite : Kiko Kostadinov printemps-été 2019, Charlotte Knowles printemps-été 2019, Nicholas Kirkwood printemps-été 2019.