Le retour du vulgaire

Article publié le 26 février 2016

Texte : Edouard Risselet
Photo : Paris Hilton Nicole Richie (The Simple Life 2004)

Certains auraient préféré l’oublier, prétendre n’avoir jamais complété l’ensemble velours Juicy Couture d’une casquette Von Dutch et supprimer de façon irréversible les vidéos du concert des Destiny’s Child tournées avec un Motorola rose à clapet. Ce lourd héritage que représente la mode des années 2000 semble pourtant reconquérir le cœur des créateurs qui s’en inspirent impudemment. Et si être vulgaire, c’était cool à nouveau ? La preuve par 10.

 Hood by Air Spring New York Fashion Week 2015- Chloe spring 2016 Yasmin Wijnaldum- Jean patchwork Vêtements Season 1 – Alexander McQueen printemps-été 2016 – Britney Spears et Justin Timberlake aux American Music Awards de 2002 – Beyoncé and Jay Z 2002

1- Le tout denim

En 2001, Britney Spears et Justin Timberlake foulent le tapis rouge des American Music Awards bras dessus bras dessous dans ce que l’on considère aujourd’hui comme l’un des looks de couple les plus mémorables de l’histoire du red carpet. Subtils patchworks de jeans délavés, ces outfits coordonnés confirment qu’en denim, rien n’est impossible. Une thèse avancée également par Marc Jacobs et John Galliano qui respectivement chez Louis Vuitton et Christian Dior poussent le jean dans ses plus extrêmes retranchements : mini-jupe, sac à main, pochettes et robes monogrammées signent l’apogée du denim.
Au printemps-été 2016, Sarah Burton (Alexander McQueen), Clare Waight-Keller (Chloé), Anthony Vaccarello, Shayne Oliver (HBA) et Hedi Slimane (Saint Laurent) lui rendent conjointement hommage. En 2015, le tandem Marques’Almeida remportait le grand prix LVMH pour ses ensembles en jean clair à bords francs. Dans le même temps, le label Vetements construisait sa réputation sur ses créations déstructurées et notamment son jean patchwork insolemment cool.

Tommy Hilfiger automne-hiver 2016-2017  – Saint Laurent printemps-été 2010 – Paris et Nicole Richie en novembre 2001

2- La tiare

Rares furent les apparitions publiques de Paris Hilton où celle-ci, en héritière qui se respecte, osait s’afficher sans sa tiare. Ultime style icon des années 2000, l’acolyte de Nicole Richie dans la téléréalité The Simple Life a propulsé le diadème au rang d’ accessoire indispensable. Un temps délaissée, la tiare sera légion cet été. Parmi ses fervents défenseurs, Saint Laurent, Rodarte, Tommy Hilfiger, Louis Vuitton ou encore Miu Miu.

Louis Vuitton Spring-Summer 2016 – Paris Hilton Kim Kardashian – Campagne Louis Vuitton Printemps-été 2004 – Loewe  Spring-Summer 2016 -Paris Hilton Kim Kardashian – Gucci Tian GG Supreme Tote

3- La logomania

Au début des années 2000, les grands noms du luxe à l’instar de Chanel, Dior, Vuitton, Prada ou Gucci marquent un nouveau chapitre dans l’histoire de leur conquête du monde, initiée dans les années 80. C’est l’ère de la globalisation. Pour ce faire, un outil essentiel : le logo. La terre entière réclame du LV, du double C, du double G ; sacs monogrammés, lunettes estampillées, chaussures griffées, la logomania est quasi-pathologique.
Quinze ans plus tard, la mode se veut plus modérée, le luxe se repense de façon plus exclusive pour regagner en attractivité. Louis Vuitton a annoncé en 2015 la fin de son partenariat emblématique avec l’artiste japonais Takashi Murakami, les sacs tagués par Stephen Sprouse ont eux aussi disparu de la circulation.
Malgré ce retour vers une mode plus minimale où le « mauvais goût » n’est plus toléré, la logomania fait un retour remarqué. Alessandro Michele, nommé en 2015 directeur de la création de Gucci, capitalise sur l’ADN de la maison, son monogramme et son iconique rayure verte et rouge. Les clients adhèrent : les résultats publiés par Kering affichent une croissance de 5% sur le dernier trimestre 2015. Jonathan Anderson suit le pas chez Loewe, Alber Elbaz chez Lanvin et Nicolas Ghesquière transfère le monogramme des sacs Vuitton sur ses blousons et gilets en cuir.

Paris Hilton – Mugler Printemps été 2016 – Givenchy printemps-été 2010 – Louis Vuitton printemps-été 2016 – Gwen Stefani en octobre 2001

4- Le fishnet

« Le plus tu révéleras, le mieux tu te porteras » : voilà là un commandement du Décalogue de la mode des années 2000 auquel n’ont jamais dérogé les icônes d’ alors. Maille signature de la toujours distinguée Christina Aguilera, le fishnet revient en force au printemps-été 2016. Nicolas Ghesquière s’en empare chez Louis Vuitton, Donatella Versace – fidèle de longue date – lui offre une seconde jeunesse et Hedi Slimane l’imagine en nuisette courte pour Saint Laurent.

Mary Katrantzou Spring 2016 RTW London – Christian Dior automne-hiver 2015-2016 – Givenchy printemps-été 2010 – Dior Paris fashion week fall/winter 2015-2016 -Paris Hilton en 2003 – Shauna Sand – Talons Loewe printemps-été 2016 –

5- Les talons transparents

Dans le vocabulaire de la mode des années 2000, le mot « chic » manque à l’appel. Au diable l’élégance, le sexy règne, quitte à virer au vulgaire. L’esthétique est plus proche de celle la rue Saint-Denis que de celle des beaux quartiers de l’Ouest parisien. Aux pieds, non pas un soulier Roger Vivier à boucle BCBG mais plutôt une paire de talons de gogo danseuse à plateforme et talon aiguille transparents.
Du rapide passage de Raf Simons chez Dior, tout le monde se souviendra entre autres des cuissardes en vinyle à talons translucides du défilé automne-hiver 2015. Chez Loewe au printemps-été 2016, Jonathan Anderson conçoit une paire à l’allure résolument 2000. D’autres modèles sont aperçus dans les collections de Diane Von Furstenberg, Dolce & Gabbana, Mary Katrantzou et tout dernièrement Yeezy (Adidas par Kanye West) à New-York.

Bottega Veneta – Pochette Valentino printemps-été 2016 – Sarah Jessica Parker en 2000 habillée par Jean-Paul Gaultier – Destiny Child – Versace printemps-été – Avril Lavigne

6- Les imprimés militaire et léopard

Porter une tenue sobre pendant les années 2000 est simplement inconcevable, voire répressible. La discrétion n’est pas le mot d’ordre, on aime l’imprimé maximal – et sur un voile de soie ultra transparent, c’est encore mieux.
Au camouflage arboré par les Destiny’s Child, Missy Elliott et Sarah Jessica Parker, Paris et Nicole préfèrent le léopard. Sur les podiums, de Christian Dior à Jean-Paul Gaultier, il y en a pour tous les goûts.
Pour son printemps-été 2016, Tomas Maier se contente chez Bottega Veneta du léopard, Donatella Versace mixe les deux pour un défilé explosif. Depuis leur arrivée à la tête de la maison italienne, les directeurs artistiques de Valentino font eux aussi l’ éloge de l’imprimé camouflage, classique ou multicolore. Sans compter sur Kanye West avec Yeezy et l’intégralité de la mouvance streetwear qui ne s’en lasse pas.

Justin Timberlake portant une casquette Von Dutch – Dsquared2 printemps-été 2003 – Casquette Dsquared2 Printemps été 2016 – Britney Spears portant une casquette Von Dutch

7- La casquette lourdement brodée

S’il est un visionnaire des années 2000 que l’histoire de la mode retiendra, ce n’est nul autre que Christian Audigier. Incarnation du self-made man, cet Avignonnais a fait porter à l’intégralité du show-business américain ses casquettes brodées et strassées. Signées tantôt Von Dutch tantôt Ed Hardy, elles squattent sans répit le scalp de Britney Spears, Paris Hilton et Madonna. Dans la même mouvance, les jumeaux Dean & Dan Caten de Dsquared2 coiffent en 2003 le supermodel Naomi Campbell d’une casquette brodée de deux feuilles de lauriers dorées et de l’ inscription « 24-7 star ». Rééditée pour le printemps-été 2016, elle est déjà presque sold out dans tous ses points de vente.

Alexander Wang printemps-été 2016 – Britney Spears – Jennifer Lopez aux MTV VMA de 2000 – Christina Aguilera, Lil’ Kim, Mýa, et Pink – Dries Van Noten Spring/Summer 2016

8- Le crop-top

Si le crop top n’est pas né au lendemain du nouveau millénaire, il prend dans les années 2000 une dimension bien différente. Il ne se porte non plus avec un jean ou une jupe taille haute mais avec un pantalon à la taille allégrement borderline. Montrer son belly à tout bout de champ s’impose alors comme un acquis social. Et le fait que son nombril soit orné d’un petit pendentif à strass ne pose aucun problème, au contraire. Une autre option, tout aussi heureuse, consiste à porter son crop top ou sa brassière sur un autre t-shirt ou sur une chemise. Au printemps-été 2016, Rosie Assoulin, Rodarte et Alexander Wang se saisissent de l’idée.

Paris Hilton – Britney Spears en survêtement Juicy Couture – Mariah Carrey – Lacoste automne-hiver 2016 – Jogging Juicy Couture

9- Le survêtement en velours

J-U-I-C-Y. Cinq lettres qui suffisent à elles seules pour résumer le look aussi décontracté que sulfureux d’une décennie toute entière. A Los Angeles, le jogging en velours Juicy Couture est l’apanage des starlettes en vadrouille sur Rodeo Drive, une cup venti de Starbucks à la main et un masque à verres dégradés posé sur le bout du nez. Rose, bleu ou vert, peu importe ; tant que le logo en caractères gothiques XXL est estampillé sur le derrière pour accentuer l’effet bubble butt de Kim Kardashian, Paris Hilton ou Eva Longoria.
De l’eau a depuis coulé sous les ponts et Juicy Couture a coulé avec elle. Mais l’ effet de nostalgie dix ans plus tard fait naître l’espoir d’un retour en fanfare du survêtement velours. Felipe Oliveira Baptista, à l’origine du renouveau de Lacoste, en témoigne dans sa collection automne-hiver 2016.

Balmain printemps-été 2016 – Shakira aux Grammy Awards de 2002 – Christina Aguilera 2001 -Fenty Puma by Rihanna printemps-été 2016

10- Le corsetage

Les années 2000 furent aussi les années Moulin Rouge. Et il est vrai que l’on se souvient plus de Lady Marmalade que de la performance de Nicole Kidman. La réunion de l’inoubliable triumvirat formé par Pink, Lil’ Kim et Christina Aguilera autour de ce thème burlesque aura comme conséquence désastreuse de développer chez une génération toute entière la folie du corsetage. Adieu le zip, bonjour le lacet à la braguette, sur l’épaule, au creux du décolleté, le long du jean délavé. Rihanna ressuscite la tendance lors du show événement organisé pour sa collection Fenty en collaboration avec Puma. Chez Balmain, Olivier Rousteing continue quant à lui saison après saison de lacer à outrance sa glamazone que le bling des 2000’s n’ aurait su décontenancer. Sexy is back.

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