In Gucci We Trust

Article publié le 3 juin 2016

Texte : Edouard Risselet
Photo : courtesy of Gucci

Pour la présentation de son défilé croisière 2017, Gucci a choisi l’Abbaye de Westminster en plein cœur de Londres. Sur la feuille de cette grande messe orchestrée sans fausse note, le souverain pontife Alessandro Michele dessine une femme Gucci tantôt victorienne, tantôt écossaise et irrévérencieusement punk. Amen.

Comment rivaliser avec un défilé Louis Vuitton organisé aux pieds du musée Niterói de Rio, un show Chanel sur le Prado de Cuba et une collection Dior dans le somptueux Palais de Blenheim ? La réponse donnée par Gucci est arrogante. La maison florentine investit pour la première fois de l’Histoire la mythique Abbaye de Westminster afin d’y dévoiler sa collection croisière 2017.

Devant un parterre d’invités le derrière religieusement posé sur un coussin en soie verte brodée à la main, la cérémonie débute dans les cloîtres de l’édifice construit au XIIIe siècle. Le premier modèle à fouler les saints pavés de l’exceptionnel podium annonce la couleur. Ou plutôt les couleurs. La femme est bariolée. Son pull, rayé de maille et de fine dentelle, recouvre le haut d’un kilt en tartan jaune. Il est brodé d’une figurine de Cavalier King Charles Spaniel. Symboles de la Couronne britanique et favoris de la reine Victoria herself, ces chiens font partie des décors les plus estimés au XIXe siècle en Angleterre. « J’adore l’esthétique anglaise ; d’une certaine façon, je la sens proche de la mienne, un splendide chaos, c’est un mélange puissant entre le passé et le présent », déclarait en coulisses Alessandro Michele.

Son éloge au Royaume-Uni continue avec une robe longue à volants imprimée d’un motif bleu d’ordinaire utilisé pour décorer assiettes et tasses en porcelaine. Mais la Londonienne de Michele ne boit pas que du thé. Elle enfile un pull Union Jack, un collant en résille et se retrouve à Camden au bras de son amant en jean bleached et veste en jean cloutée. Punk is Alive and well. Vêtue d’une robe plissée rouge, les mains glissées dans une paire de gants longs en dentelle noire et ornées d’un harnais en cuir, elle est aussi gothique que les voûtes sous lesquelles elle défile.

Elle n’en reste pas moins romantique. « Quand je pense à Londres, je pense aux jardins, aux jolis jardins peuplés de fleurs », raconte Alessandro Michele. L’imprimé floral est servi en bouquet. La garde-robe de la femme Gucci dit « Blind for Love », elle est « aveugle par amour ».

Une paire de lunettes s’impose. Elles sont nombreuses, maxi et rétro. Tout comme les t-shirts et sweatshirts à capuche estampillés d’un logo Gucci ressuscité des nineties. De cette époque, ressurgissent aussi les mannequins emblématiques : Erin O’Connor, Jacquetta Wheeler ou encore Hannelore Knuts ont embarqué pour la croisière.

Elles ne sont pas les seules stars de l’événement à déjà arborer les dernières créations de Michele. Côté salle, Charlotte Casiraghi, Elle Fanning, Salma Hayek, Georgia May-Jagger et des stars de la musique parmi lesquelles le rappeur A$AP Rocky, Soko et le chanteur Will.I.am. La présence de ce dernier n’est pas anodine. Il révélait l’an dernier à Bâle sa collaboration avec Gucci pour la création d’un bracelet intelligent. On le remarque au poignet des mannequins. À leurs oreilles, une paire d’écouteurs en métal doré frappés du double G également nés de ce partenariat.

Entre Alessandro Michele et la musique, c’est la divine idylle. La bande-son du défilé chante une version de Scarborough Fair, une traditionnelle ballade anglaise célèbre grâce à la reprise qu’en ont fait Simon and Garfunkel. Au micro de l’aftershow, la chanteuse écossaise Annie Lennox rappelle l’investissement de la fondation Gucci en faveur de la lutte contre le sida pour les femmes enceintes.
L’homme Gucci s’appelle Ziggy. Le directeur artistique rend un hommage élégant au disparu David Bowie à travers une mèche rousse et les paupières bleues et irisées qu’exhibe un autre mannequin du défilé.

Cet œil azur est aussi celui du majestueux paon qui fait la roue en intarsia sur l’un des remarquables manteaux en fourrure de vison. Le bestiaire Gucci est riche et semble tout droit échappé des tableaux du Douanier-Rousseau. Un tigre rugit à la ceinture d’une robe en satin rose, une abeille se pose sur un teddy en cuir rouge et le boa qui s’enroulait déjà autour de l’invitation du défilé rampe jusque sur les nombreux sacs du show.

La nouvelle femme Gucci est sauvage, digne et éclectique. Elle a de l’orgueil, sans préjugés. Elle est si complexe et accomplie qu’on pourrait lui dédier un roman. Une héroïne fantasque dont il est impossible de faire overdose.

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