Evan Mock : confessions d’un rider

Article publié le 12 juillet 2024

Interview : Maxime Delcourt. Photographie @jackwaterlotstudio. Stylisme @mimikimny. Grooming @scottmcmahangrooming. Manucure @nailsbymamie. Production : Studio Waterlot.

Qui de mieux placé que l’intelligence artificielle la plus célèbre au monde, l’agent conversationnel ChatGPT, dont l’essor a été fulgurant

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D’Evan Mock, on peut s’attendre à tout : poser pour Rabanne ou Calvin Klein, figurer au casting du remake de Gossip Girl sur HBO, enchaîner les figures dans des vidéos de skate plébiscitées par Frank Ocean himself, ou photographier Travis Scott sur la tournée d’Astroworld. À 27 ans, l’Américain est un jeune homme ambitieux, prêt à accueillir pleinement chaque nouvelle expérience, tout en gardant en tête l’idée de revenir un jour vivre là où tout a commencé, à Waimea Bay, sur la côte nord d’Hawaï. Pour l’heure, c’est depuis New York qu’il revient sur son parcours, quelques minutes à peine après qu’un tremblement de terre a fait tanguer la ville. Retrouvez son interview ci-dessous, issue du numéro printemps-été 2024 d’Antidote.

Maxime Delcourt : C’est ton premier tremblement de terre ?
Evan Mock : À New York ? Ouais ! Ça m’était déjà arrivé à Hawaï, mais là, c’était étrange de voir tout mon bâtiment vibrer.
J’imagine que même quand on a un peu l’expérience des tremblements de terre, la sensation doit tout de même rester assez effrayante, non ?
Tout dépend de l’intensité des secousses… Là, en quelque sorte, c’était gérable. Mais cela reste malgré tout une expérience assez étrange.
Au moins, cela te rappelle Hawaï…
[Rires] Ouais, en un sens. Même si, très honnêtement, je n’ai pas besoin de grand-chose pour penser à Hawaï.

Chemise en coton, pull à larges boutons, bracelet torsadé, collier avec perles et fleurs de monogramme, Louis Vuitton.
Tu es parfois nostalgique de la vie que tu menais là-bas ?
Ce qui est certain, c’est qu’une fois à Hawaï, dès que je descends de l’avion, j’ai l’impression d’être pleinement moi-même. C’est difficile à expliquer, mais c’est hyper agréable de pouvoir se sentir à l’aise dans un endroit bien précis, là où tout a commencé, là où j’ai tant de souvenirs. J’en profite alors pour voir ma famille, passer du temps avec elle, retrouver un emploi du temps quelque peu normal. Tout est si tranquille là-bas que le changement est à chaque fois radical avec la vie que je mène depuis que je suis parti, en 2015.
Cette atmosphère particulière, tu saurais l’expliquer, ou c’est juste lié au fait que tous tes souvenirs d’enfance y sont rattachés ?
Non, j’ai vraiment la sensation que l’on ne peut pas retrouver cette atmosphère ailleurs dans le monde. Du moins, je n’en ai pas encore fait l’expérience. Bien sûr, je revois les ami·e·s avec qui j’ai grandi, et je traîne avec ma famille, mais l’atmosphère dont je parle est liée à autre chose. Peut-être est-ce dû au fait de revenir à un mode de vie plus spontané. À Hawaï, tu sais, j’en profite systématiquement pour revenir à des choses simples, à des activités comme le surf ou le skate, qui me reconnectent directement avec moi-même, qui permettent de ressentir pleinement la nature environnante.

Chapeau marin en coton et boucles d’oreilles, Louis Vuitton.

« J’aime la façon dont les requins se laissent porter par le courant, cette idée de ne jamais lutter contre le cours des choses. »

Hormis les moments familiaux, à quoi ressemblent tes journées quand tu es là-bas ?
J’aime conduire mon van, faire du surf sur la côte nord d’Oahu, là où j’ai grandi, et m’allonger sur le sable pendant des heures. Je profite du cadre presque idyllique offert par l’île, en quelque sorte.
On dit qu’il faut parfois s’éloigner de chez soi pour comprendre la beauté et la richesse de l’endroit d’où on vient. Toi aussi, tu as développé un rapport encore plus intense avec Hawaï le jour où tu as déménagé ?
C’est en tout cas à ce moment-là que j’ai compris à quel point je souhaitais propager les valeurs d’Hawaï à travers le monde, perpétuer certaines traditions locales. Dès mon arrivée à Los Angeles, j’ai voulu honorer Hawaï, tout en ayant en tête de revenir vivre un jour ici, de profiter de ma famille et de mes ami·e·s resté·e·s sur l’île. C’est le but final !

 


Manteau rayé, gilet zippé, pantalon évasé et sac Montsouris Messenger, Louis Vuitton.
Dans quel état d’esprit étais-tu quand tu as quitté Hawaï pour t’installer à Los Angeles ?
À l’époque, on était un certain nombre de personnes dans mon entourage à vouloir déménager. Des opportunités se présentaient à nous et on avait envie de les saisir. Personnellement, je ne savais pas exactement dans quoi je me lançais, mais j’avais besoin d’élargir mon horizon, de toucher du doigt une carrière professionnelle dans le skate et de faire les choses à ma manière, de m’épanouir dans un domaine qui me passionne. Tout à coup, j’étais éloigné de mes parents, j’étais techniquement indépendant et je devais apprendre comment le monde adulte fonctionne. Ça a été une période très formatrice, au cours de laquelle j’ai beaucoup évolué, beaucoup testé.
Les cheveux rose, ça date de cette époque ?
[Rires] Je crois que c’est venu un peu plus tard. Là, c’était l’époque de ma première coloc. Avec six amis, on partageait un appartement de deux chambres et on essayait de comprendre ce que l’on faisait de notre vie. On se débrouillait seuls, on vivait par nos propres moyens et on cherchait à emprunter des chemins non balisés, à ne pas suivre systématiquement les règles.

Boucle d’oreille dorée, colliers superposés et bracelet torsadé, Louis Vuitton.
Quand on sait que ton père fabrique des ailerons de planches de surf et qu’il est passionné de sports de glisse, on se dit néanmoins que tu ne t’es pas éloigné tant que ça d’un supposé parcours prédéfini…
C’est vrai que j’ai toujours surfé. Ma première vague, ça devait être à deux ans, avant même de savoir nager. Mais le skate, que je pratiquais l’hiver, quand les vagues étaient trop dangereuses, a été une plus grande révélation encore. C’est devenu une passion, un objectif de vie. Très vite, j’ai donc eu envie de déménager à Los Angeles, La Mecque du skate. C’est ce qui a fini par se passer en 2015. Je suis devenu skateur professionnel et je pouvais désormais pratiquer mon sport quotidiennement.
Quand on est adolescent, le skate, c’est aussi passer des heures à regarder des vidéos sur YouTube pour voir les meilleurs tricks des meilleur·e·s skateur·e·s. C’était ton cas également ?
Si je suis totalement honnête, je dois avouer que je ne regardais pas beaucoup de vidéos de skate… J’imagine que ça a été ton cas ?
Je ne skate pas, mais oui, j’ai beaucoup regardé les vidéos des stars de la discipline, notamment celles de Kevin « Spanky » Long ou Chico Brenes, dont les bandes-son étaient incroyables.
Je vois ce que tu veux dire. À titre personnel, je ne sais pas si ça fait sens, mais j’ai davantage regardé des vidéos de surf pour me préparer au skate. Par exemple, j’aime beaucoup les films de Kai Neville, notamment Cluster. Le documentaire Step Into Liquid, où l’on suit le quotidien des meilleurs surfeurs du monde, m’a également beaucoup inspiré.

Ensemble en denim, chemise, haut en coton, gilet zippé, chaussettes, collier à fleur de monogramme et bracelet argenté, Louis Vuitton.
Il paraît que la façon qu’ont les requins de se déplacer t’inspire également…
J’aime leur façon de se laisser porter par le courant, de ne jamais lutter contre le cours des choses. Il y a quelque chose d’élégant dans leurs mouvements que j’ai aimé reproduire via le skate.
Il y a quelques années, Frank Ocean a relayé une de tes vidéos sur les réseaux sociaux. Naïvement, on s’imagine que ça a dû changer pas mal de choses pour toi, non ?
Dans la tête des gens, peut-être que ça participe à une sorte de hype ou je ne sais quoi. À titre personnel, bien sûr que ça m’a ramené plein de followers, mais ça m’a surtout permis de le rencontrer. Depuis, on est amis et on traîne ensemble, surtout depuis que j’ai déménagé à New York, où il passe pas mal de temps également. Frank est réellement un bon gars, très sympa, détendu, discret et hyper créatif.
Tu ne veux pas lui dire de sortir enfin son nouvel album ?
Oh, tu sais, j’ai dû lui répéter ça des millions de fois. Je pense qu’il s’en fiche… Il fait les choses à sa façon !
Toi aussi, en un sens…
Disons que j’ai mis un point d’honneur à ne me fermer aucune porte et à m’enthousiasmer de chaque nouvelle expérience.
Tu es une sorte de « Yes Man » en fait ?
Oui, c’est un peu ça [rires] ! N’empêche que j’ai réellement l’impression de n’avoir jamais dit non à la possibilité de vivre de nouvelles expériences, de plonger la tête la première dans un nouvel hobby.

Chemise en coton, pull à larges boutons, short noir et bracelet torsadé, Louis Vuitton.
Adolescent, étais-tu déjà comme ça, plein d’envie ?
J’ai toujours pris plaisir à apprendre de nouvelles choses. Petit à petit, je suis passé du surf au skate, du théâtre à la photographie, etc. À chaque fois, je fais en sorte de faire passer le plaisir avant tout, sans pour autant mettre de côté l’aspect financier. Depuis tout petit, j’ai en tête de profiter pleinement des choses que j’aime réellement et d’être payé pour ça. Par chance, j’ai trouvé les moyens d’assouvir cette ambition.
Il y a un personnage de film ou de série auquel tu t’identifiais quand tu étais ado ? Quelqu’un qui t’inspirait et qui te faisait dire : « Moi aussi, je peux accomplir ce dont je rêve » ?
[Longue réflexion] Ce n’est pas si évident que ça comme question…
Tu as totalement le droit de ne pas avoir un modèle en tête bien sûr.
J’ai quand même envie de citer Benny the Jet Rodriguez, un personnage du film Le gang des champions. C’est le gars le plus âgé d’une équipe de baseball, celui qui rassemble les autres joueurs, celui qui les encourage à évoluer en équipe, à accepter les erreurs des uns et des autres. À la fin du film, son rêve se réalise, il est recruté par l’équipe des Dodgers, à Los Angeles, et devient professionnel. Comme je jouais au baseball à l’époque, cette histoire résonnait en moi.
Le gang des champions, c’est ton film préféré ?
Totalement ! Je le regardais tout le temps avec mon petit frère, et il y a tellement de bonnes répliques dans ce film. C’est réellement une belle histoire. Et puis il y a Benny, le gars que j’ai toujours rêvé d’être…
Aujourd’hui, tu es toi aussi devenu une source d’inspiration.
Peut-être… La vérité, c’est que je préfère ne pas penser les choses ainsi.

Haut en coton, pantalon imprimé, bermuda noir, ceinture et sandales, bracelet torsadé et colliers à fleur de monogramme, Louis Vuitton.
Akeno « Aki » Menzies, le personnage que tu incarnes dans le spin-off de Gossip Girl, est lui aussi le symbole d’une certaine forme de réussite. En plus d’être le fils d’un milliardaire…
Tu sais, ce rôle s’est présenté à moi totalement par hasard. Un jour, j’ai reçu un appel du showrunner de Gossip Girl, Josh Safran, qui me dit qu’il m’observe depuis quelques mois et qu’il aimerait bien me proposer le rôle d’Aki. Il m’a suggéré d’envoyer un extrait vidéo de ce que je pouvais proposer pour coller avec ce personnage qu’ils essayaient de développer, j’ai envoyé une vidéo et, par chance, ça a plu à HBO. Aki est un skateur, je pense que ça a dû jouer. En tout cas, c’est le point commun que j’ai trouvé avec ce personnage, que j’ai pu développer au fur et à mesure des épisodes.
C’est fou comme tout semble naturel à t’écouter parler. Tu ne doutes jamais ?
Oh non, ce serait mentir de prétendre ça… Pour tout dire, au moment d’envoyer ma vidéo à Josh, je ne savais même pas ce que je devais y faire figurer, ou ce que je devais y faire.
Je pars simplement du principe que si tout le monde travaille dur, alors il n’y a aucune raison qu’un projet ne soit pas réussi.
N’as-tu jamais eu le syndrome de l’imposteur ? Je te demande ça par rapport à un propos que tu as un jour tenu en interview, dans laquelle tu disais : « Je pense constamment que tout ce que je fais est de la merde »…
Oui, en un sens, ce sont des choses auxquelles je pense. Reste que j’ai besoin de participer à des projets qui me donnent envie de progresser. Si je me contentais de faire des choses dans lesquelles j’ai l’impression d’exceller, j’arrêterais automatiquement d’évoluer. J’essaie donc d’être mon pire critique et de me mettre en danger. Quand je dis que tout ce que je fais est merdique, c’est une façon, même inconsciente, de me challenger, d’accepter cette compétition avec moi-même, et donc de m’améliorer chaque jour.
Quand on a une telle mentalité, la fin brutale de la série qui nous a révélé au grand public doit être un moment difficile à digérer…
[Long silence] En tant qu’acteur, tu n’as pas vraiment d’emprise là-dessus, tu ne peux donc que laisser faire les choses…

« J’ai mis un point d’honneur à ne me fermer aucune porte et à m’enthousiasmer de chaque nouvelle expérience. »


Jean bleu, boîte à chaussures en toile et en cuir, sac Keepall 50, sac Speedy 40 et coffret en toile et en cuir, Louis Vuitton. 
En te disant que tu as donné le meilleur de toi-même et en étant satisfait d’avoir pu vivre une nouvelle expérience durant plus de deux ans ?
Ouais, c’est clairement ça ! D’autant que le tournage de Gossip Girl a été perturbé par la Covid. On ne pouvait s’adresser à aucun membre de l’équipe sans porter le masque. C’était très strict. Ce que je comprends, au sens où un cas détecté pouvait mettre le tournage à l’arrêt pendant plusieurs jours… C’était donc très éprouvant, mais d’autres membres de l’équipe, plus expérimentés, me disaient que la situation était unique. Ils m’ont rassuré sur le fait qu’un tournage implique traditionnellement beaucoup plus d’échanges et de moments de vie. Ce que j’ai d’ailleurs pu constater une fois le tournage de la deuxième saison débuté.
Être mannequin, comme tu as pu le faire, ce n’est pas vraiment ce qui t’intéresse. Au fond, j’ai l’impression que tu préfères être impliqué dans le processus de création, non ?
Qu’il s’agisse d’une séance photo ou d’une interview pour un magazine, j’aime être impliqué à fond, me nourrir des collaborations avec le photographe, le styliste, le maquilleur. C’est presque naïf de dire ça, mais c’est franchement agréable de travailler avec des personnes en qui l’on croit et dont on connaît l’expertise. Encore une fois, c’est là le meilleur moyen de donner vie à des projets d’une grande qualité.
J’imagine que tu as déjà d’autres projets en tête, que ce soit dans la mode, la photographie, le skate ou encore le cinéma ?
Je viens justement de terminer le tournage d’un film. Je ne peux pas en dire plus, mais c’était la première fois que j’allais aussi loin à l’Est de l’Europe. J’y suis resté environ un mois et demi, et je me sentais déjà moins hésitant sur le plateau. Je ne pourrai pas faire du skate toute ma vie, en tout cas pas à ce niveau, donc j’essaye au maximum de ne pas me fermer de portes. Ce que je veux, c’est engranger de l’expérience et faire en sorte de ressortir meilleur de chacune d’entre elles.

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