Eva : l’art de tourner la page

Article publié le 3 juin 2024

Texte : Rachid Majdoub. Photographie @bohdanovbo. Stylisme @yannweber. Maquillage @lloydsimmondsmakeup. Coiffure @yaroslavtsev1. Manucure @philippeovak. Assistant photographie @pypr.me. Assistant stylisme @gringolo_. Production @aurea.productions. 

Qui de mieux placé que l’intelligence artificielle la plus célèbre au monde, l’agent conversationnel ChatGPT, dont l’essor a été fulgurant

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ces derniers mois, pour nous parler de

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On vous présente la nouvelle Eva, celle qui est elle-même et fait enfin ce qu’elle veut. « J’étais malheureuse » : la chanteuse a trouvé sa liberté artistique et personnelle après être passée par une période de déconstruction, qui l’a menée à se faire oublier, pour s’échapper de la case dans laquelle son succès précoce l’avait malgré elle enfermée… Jusqu’à une rencontre avec Damso : se sentant perdue, Eva se remet ensuite sur le bon chemin, sur lequel l’artiste belge l’a guidée, avec au bout du virage un nouvel album réussi : Page blanche. Le début d’un épanouissement retrouvé. Retrouvez son interview ci-dessous, issue du numéro printemps-été 2024 d’Antidote

Rachid Majdoub : Salut Eva ! Entre Eva et Eva Queen, qu’est-ce qui change ?
Eva : Je n’ai pas forcément envie qu’on ne m’appelle plus Eva Queen, j’ai pas de problème avec ça. C’est juste que mon nom de scène a toujours été Eva, et les gens ont fini par m’appeler Eva Queen parce que mon premier album s’appelait Queen. D’appuyer sur le Eva, c’est juste dans la continuité et c’est une façon de dire que l’album Queen est bien derrière maintenant.
T’es revenue sur le ring avec des gants de boxe dans « Bottega », c’est une manière d’en découdre et de passer à autre chose ?
Ouais, le côté boxe ça exprime ma force et dans le clip je suis celle qui gagne le combat de la femme forte. Se battre pour plein de choses dans la vie, c’est ce qu’on voulait faire ressentir dans ce clip.

Top technique et cycliste, Fendi.
Toi c’est quoi tes combats aujourd’hui ?
Mon plus gros combat c’est juste la paix, pour chaque personne. Que chacun·e soit en paix. Personnellement, mon premier combat c’est d’être en paix avec moi-même. Et je souhaite la paix à tout le monde, intérieure comme extérieure.

« La célébrité c’est pas non plus quelque chose de toujours cool, […] quand j’ai commencé à capter que ma musique devenait un travail, il y a eu une sorte de redescente. »

Tu t’es libérée artistiquement, et je ressens aussi une volonté de se trouver personnellement. Les deux sont liés ?
J’ai eu une période où j’avais besoin de me prouver personnellement que j’étais capable de faire certaines choses. Sur cet album, je voulais surtout me sentir vraiment libre et faire ce que j’avais envie. J’ai voulu avoir une démarche très musicale et vraiment sincère, et ne penser à rien d’autre qu’à faire de la musique et ce qui me plaît à moi avant tout. Je ne voulais pas prouver à qui que ce soit ce que je suis capable de faire.

Robe en jersey satinée et escarpins, Fendi.
Ouais, je sais qu’avant t’as eu l’impression de faire de la musique pour répondre à certaines exigences, au lieu de t’épanouir et de faire tes propres choix…
Quand tu commences à faire de la musique à 17 ans… j’étais dans un processus où je suivais ce qu’on me disait de faire parce que je ne connaissais absolument pas le milieu. Donc c’était assez compliqué pour moi de savoir quoi faire et comment diriger les choses. On me disait de faire comme ci, comme ça… je suivais beaucoup, jusqu’au moment où la machine ne s’arrêtait plus de tourner et que je n’arrivais plus à avoir une certaine emprise ou à faire des choix sincères. J’écoutais trop ce qu’on me disait, si on me disait : « Ça en ce moment ça fonctionne bien, faut faire ça », je suivais le conseil, alors que ce n’était pas la bonne démarche. Et je me suis rendue compte que les seules choses qui ont marché après, c’était quand j’ai fait de la musique sincèrement, avec mon âme, et pas d’après ce qu’on me dictait. J’ai compris qu’il fallait juste que je puisse m’exprimer sans entrer dans des cases, parce que généralement on veut nous faire rentrer dans des cases. J’ai juste envie de faire de la musique, si je veux faire du rock, je fais du rock, si je veux faire du jazz, je fais du jazz, et je ne veux appartenir à personne ni à aucune case.
C’est cool, et c’est vrai que c’est là où ça marche ensuite, quand d’abord tu fais de la musique qui te plaît à toi-même et non pour plaire aux autres.
Exactement. Quand c’est calculé, ça perd tout son sens. La musique, l’art, ça doit venir des tripes et tous les choix, toutes les décisions, que ce soit dans la mode, les outfits que je porte, un post Insta que je fais… faut que ça parte de mon intention et que ça ne soit plus quelque chose de calculé.

Robe courte, bracelets et boucles d’oreilles dorées, Fendi.
Se libérer du regard et de l’avis des gens, c’est important… T’as commencé à 17 ans, t’as aujourd’hui 23 ans, j’ai l’impression que t’as 10 ans de carrière. Toi, quand tu te retournes, qu’est-ce qui a changé depuis ?
J’ai grandi, et comme toute femme entre 17 et 23 ans, on évolue, il y a tellement de choses qui changent durant cette période-là. C’est l’âge où tu n’es plus chez tes parents, en tout cas pour moi, tu n’es plus à l’école, tu n’es plus dans un système qui t’oblige à avoir une certaine pensée, une certaine vision de la réalité. Pour moi, c’est vraiment là où tu formes qui tu es, tu peux avoir tes opinions par toi-même, tu choisis la personne que tu vas être pour ton futur. Au lycée, t’as plein de copains, puis de moins en moins, c’est comme un entonnoir, t’es plus sélective. C’est un peu la même chose pour la musique et l’artistique : petit à petit, tu t’affines dans quelque chose qui te ressemble plus finalement, sans appartenir à tout le monde et sans être dans un groupe qui appartient à tout le monde. C’est ce moment où tu trouves la personne que tu vas être, loin du regard des autres.
C’est vrai que t’as connu le succès quand t’étais au lycée, comment t’as vécu ça ?
J’étais innocente, quand le succès est arrivé je trouvais ça trop cool et ne calculais pas trop. J’étais plus en mode : « Ah, j’ai été faire un son en studio, c’est trop lourd ; on est en train de faire mon premier clip avec mes copines, c’est trop cool ». Il n’y avait vraiment aucune pensée en mode : « Trop bien, je vais devenir une star », tout ça n’existait pas dans ma tête pendant longtemps. Jusqu’à ce que je me rende compte finalement que la célébrité c’est pas non plus quelque chose de toujours cool, et au moment où je me suis rendue compte que j’étais devenue une « star », quand j’ai commencé à capter que ma musique devenait un travail, il y a eu une sorte de redescente.
À ce moment-là, ça a été dur parce que je l’ai vécu d’une manière tellement simple pendant des années avant d’être avec des producteurs qui m’ont beaucoup fait travailler, qui m’ont fait faire 60 showcases la première année, c’était pas le bon truc pour moi, surtout pas pour une jeune de 17-18 ans. Et j’ai commencé à ne plus en pouvoir, à ne plus m’amuser dans ce que j’étais en train de faire, et je pense que quand j’ai perdu cet amusement, j’ai commencé à me perdre moi-même en fait. Je ne savais plus ce que j’aimais, ni ce que je voulais faire, je n’avais presque plus envie de faire de la musique.

Gilet zippé, pantalon évasé et escarpins, Fendi.
Je vois très bien. Au final, on passe tous·tes par là pour ensuite trouver le bon chemin et s’affirmer. Et c’est ce qui est en train de se passer pour toi, t’es en train de prendre un gros tournant, avec une nouvelle DA, une nouvelle approche musicale aussi, une liberté artistique qui se ressent. On te sent plus libérée, sur l’album il y a du jazz, du piano-voix, de la two-step, tu chantes… il y a plein de trucs cool. Et je voulais parler de ce virage artistique, comment tu te situes maintenant musicalement ?
Je ne me situe vraiment nulle part musicalement, et j’aimerais qu’on ne me situe nulle part musicalement.
Bonne réponse.
Je ne me situe nulle part, en tout cas personnellement. Si demain je dois faire un feat avec un rappeur hardcore je le ferai si ça me plaît artistiquement, si je dois faire de l’hyperpop je le ferai aussi, du rock, du jazz, de la country… j’en sais rien, mais mon intention c’est de vraiment toujours faire quelque chose qui me chauffe et qui me plaît. Je trouve ça nul quand les choses sont logiques : « Eva elle fait de la pop donc elle va faire des feats avec des gens qui font de la pop », non en fait. Ou : « Elle doit travailler avec des compositeur·rice·s qui font de la pop »… non, j’aimerais bien pouvoir composer des musiques pop avec des beatmakers qui ont l’habitude de faire du rap par exemple, je trouve ça trop lourd tu vois. La musique c’est genre tout, et ça peut partir de n’importe quoi.
Ça peut partir d’une cuillère qui tombe par terre. J’ai envie de retourner à ce truc d’innocence… laissez-moi tranquille, ne me mettez pas dans une case. Je veux être tout le monde, je ne veux être personne, je veux juste être moi. Tout simplement.

Ouais ça c’est cool, et je trouve que t’es en train de réussir ce tournant qui est au final naturel. Mais c’est vrai qu’on a tendance à enfermer les gens dans des cases, et toi la première, où certain·e·s vont se dire : « Ok, c’est une chanteuse pop donc elle doit faire de la pop », « Elle chante pas forcément bien », alors que t’es une vraie chanteuse et pas un produit marketing… Mais là ouais on ressent que t’es épanouie avec une liberté artistique et une musique qui te ressemblent : pour arriver à ce niveau-là, il faut quand même quelque part déconstruire quelque chose qui a été fait jusqu’ici. Comment t’as fait pour passer de la déconstruction de ce passé, de tes gros succès d’avant, à la reconstruction de ton présent et de ton avenir ?
J’ai eu besoin qu’on m’oublie, j’ai été beaucoup moins présente musicalement, sur les réseaux sociaux… J’ai eu moi-même besoin d’oublier ce que j’étais en train de faire, j’avais envie de retrouver le goût de quand j’ai commencé la musique, ce truc de : « En fait, je fais tout ça pour me faire kiffer et je m’en fous ». Quand je me suis rendu compte que finalement, ni le succès, ni l’argent, ni toutes ces choses qui peuvent être un but dans une vie ne m’ont rendue heureuse, je me suis dit : « Ok meuf, là il va falloir que tu trouves comment t’épanouir et te sentir bien ». La réalité que tout le monde croit et que moi-même je croyais quand j’étais plus jeune : « Trop bien d’être une star, d’avoir de l’argent, de pouvoir partir en vacances » et tout, oui certes, il y a des points positifs, mais si tu n’es pas épanouie dans ton art et ce que tu fais tous les jours, rien ne peut te rendre heureuse. Je me suis rendu compte que tout ce qu’il y a autour est éphémère. Ce qu’il y a dans ton cœur, c’est ça le plus important.
J’ai vraiment eu besoin de passer à autre chose, d’oublier ce que j’avais fait avant. Et même quand je suis allée voir ma maison de disques au début de ce projet, je leur ai dit : « Je veux qu’on bosse mon nouveau projet comme si j’étais une artiste en développement », et pas comme si j’étais une artiste confirmée depuis plusieurs années, parce que j’ai vraiment envie de recommencer sur une nouvelle énergie, sur une nouvelle ère. J’ai juste eu besoin de perdre ce que j’avais, de passer beaucoup de temps seule, de ne pas faire trop de musique ; j’étais pas bien en fait, j’étais malheureuse, tu vois… J’ai accepté le fait de ne pas aller bien, et il a fallu que je recommence, que je reparte à zéro, parce que ma passion prend toujours le dessus. Aujourd’hui, quand je vois les commentaires d’il y a six mois ou sept mois, les gens se disaient : « Ah, mais elle existe encore ? », et bien moi j’avais aussi besoin de me dire : « Ah, elle existe encore ? », pour repartir.

Top sans manches, jupe midi, bracelet doré et sac Baguette, Fendi.
Pour finir ce chapitre-là, comment est-ce que t’as retrouvé goût à tout ça et qu’est-ce qu’il s’est passé dans ce laps de temps où t’as disparu ?
Je me suis juste concentrée sur ce que j’aimais, je ne regardais plus beaucoup mes réseaux sociaux, j’écoutais très peu de musique ; mais j’allais en studio, j’y rencontrais des gens, je partais en voyage, j’allais dans des musées, voir des pièces de théâtre, j’avais vraiment besoin de faire des trucs qui me font kiffer, pour retrouver de l’inspiration, sans être polluée par ce que les gens peuvent penser de moi. J’en ai aussi profité pour prendre le temps de voir ma famille, au moins une fois par mois. J’ai vraiment voulu reprendre ces bases de la vie qui sont hyper importantes et que, quand tu travailles énormément, petit à petit tout le monde autour de toi te prend. Tu n’arrives même plus à aller voir ta famille parce que tu t’es engagée sur plein de choses, et ça en fait, plus jamais. Plus jamais. Il faudra toujours que ce moment où je retourne à ma vie simple et normale soit dans mon calendrier, parce que c’est un devoir avant même d’aller travailler. Si j’ai pas ça, je perds qui je suis moi.

« Un jour, je sortais du studio, j’étais fatiguée, je n’arrivais pas à trouver là où je voulais vraiment aller. En rentrant, j’ai réfléchi et je me suis dit : « Putain, qui pourrait m’aider en fait… », et je ne sais pas pourquoi j’ai eu cette lumière et je me suis dit : « Damso ! ». J’avais pensé à plein de personnes différentes, mais je ne sais pas comment l’expliquer, je le sentais et je me suis dit : « Damso, c’est logique ». »

Pour reparler de musique, il y a eu une bascule dans ta carrière, c’est le morceau « Coeur noir ». Un piano-voix grave intéressant. En quoi ça a été un tournant et une révélation pour toi ?
« Coeur noir » m’a beaucoup aidée. C’est un son qu’on a fait de manière vraiment spontanée. Ça commence à faire du piano, et je me disais : « Mais non, je ne vais pas chanter ». Et on me disait : « Bien sûr que si Eva, t’es une chanteuse ! ». Je me suis rendu compte que les paroles des gens m’avaient pollué l’esprit au point que j’en arrive à me dire : « Non, je ne peux pas faire ça », alors qu’en réalité je préfère largement faire ça qu’un morceau trap.
Je commence à chanter, et là je kiffe le chanter, je suis à fond dans mon truc. « Coeur noir » sort et il y a ce truc de : « Ah, mais Eva elle sait chanter en fait ». Ça m’a beaucoup aidée dans ce tournant et pour faire comprendre aux gens qu’il y a eu une évolution depuis mon premier album, que j’ai grandi aussi et que j’ai appris à me servir de ma voix. C’est un truc qui m’a un peu redonné confiance en moi aussi. Et dans la tête des gens, ça a permis d’ouvrir un peu plus leur regard vis-à-vis de moi.

Gilet en maille, maillot de bain monogrammé et pantalon oversize, Fendi.
On avance un peu plus dans le temps et on en arrive à Page blanche. Est-ce que tu peux me raconter l’histoire de la collaboration avec Damso, à qui t’as écrit sur Insta sur un coup de tête et qui a fini par réaliser cet album ?
Quand je l’ai contacté, j’étais dans cette période où je ne savais plus ce que je voulais faire, tout me saoulait, je n’aimais plus rien. Je n’aimais plus aller en studio, rien qu’à l’idée de juste faire une pochette d’album ça me saoulait, je n’avais plus d’inspiration, plus rien. Petit à petit, cette lumière était en train de s’éteindre en moi. J’allais en studio et je sentais que je n’étais pas moi-même, j’avais envie de faire autre chose que ce qu’on attendait de moi. Un jour, je sortais du studio, j’étais fatiguée, je n’arrivais pas à trouver là où je voulais vraiment aller. En rentrant, j’ai réfléchi et je me suis dit : « Putain, qui pourrait m’aider en fait… », et je ne sais pas pourquoi j’ai eu cette lumière et je me suis dit : « Damso ! ». J’avais pensé à plein de personnes différentes, mais je ne sais pas comment l’expliquer, je le sentais et je me suis dit : « Damso, c’est logique ».
De ce que j’avais vu de lui, je me suis dit : « Si j’arrive à lui expliquer ma vision, il va comprendre ». Et c’est ce qu’il s’est passé. Je lui ai écrit, je lui ai expliqué ma vision, et il a tout de suite compris et m’a dit : « Vas-y je veux qu’on se rencontre ». On s’est rencontré·e·s, je lui ai fait écouter des sons que j’avais déjà fait, et il m’a mise en contact avec ses équipes. Déjà, quand Damso s’engage dans quelque chose et qu’il y croit, il ne va pas faire les choses à moitié. C’est quelqu’un qui sait ce qu’il veut, qui sait ce qu’il fait et rien ne peut le perturber. Il a cru en mon projet en pensant qu’on allait pouvoir faire de belles choses. Et dès le premier pied que je mets dans le studio à Bruxelles, je vois le regard de Damso qui est en mode : « T’inquiète, on va faire du lourd ». Et à côté, il y a tous les beatmakers, l’ingé son Jules…

Top technique, cycliste et escarpins, Fendi.
Jules Fradet, le meilleur ingé son !
Voilà, exactement, et toute l’équipe qui a travaillé avec lui sur ses albums. Et je vois qu’il y a un truc dans leurs yeux et dans leur énergie qui te disait : « On va faire du lourd ». Leur implication dans le projet m’a redonné confiance en moi, je me suis dit qu’il y a encore des gens qui croient en moi et en mon talent.
Dès le premier son, « Page blanche », qui est l’intro de l’album, Damso nous a direct dit : « Là, on va mettre une prod avec du vent, on va composer sur du vent et toi Eva, exprime ce que t’as envie de dire ». Avec les auteurs, on a commencé à écrire des phrases chacun de notre côté après avoir énormément discuté. Je voulais ajouter du tonnerre, Jules m’a sorti des machines de ouf pour que je puisse moi-même faire du tonnerre. Puis il m’a sorti un petit pad sur lequel je pouvais taper pour faire les battements de cœur au rythme que moi je voulais, etc. Et déjà, ce premier son montre la liberté qu’on a prise, j’ai pu m’exprimer, être moi-même en cabine et le crier de manière répétitive. C’était comme une thérapie, je me suis sentie libérée. J’ai senti que j’allais enfin pouvoir faire ce que je voulais à ce moment-là, où tout a commencé sur une prod qui n’était pas une prod mais qui était du vent. Enfin, enfin !
C’est fou parce que ça part d’une détresse, puis d’un instinct pour enfin trouver ton chemin.
Ouais exactement, et je pense que je suis sur le bon chemin, et vraiment Damso m’a aidée à le trouver. Et j’ai pas fini de continuer à marcher sur cette longue route et à faire plein de choses magnifiques, maintenant que j’ai confiance en ce que je fais et que je suis heureuse dans ce que je fais. Aujourd’hui, je me sens prête à traverser des montagnes alors qu’avant, juste traverser la route toute seule c’était compliqué… dans l’imaginaire hein [rires].

Robe à col bénitier, escarpins et boucles d’oreilles dorées, Fendi.
C’est une belle métaphore [rires]. « Page blanche », ça porte bien son nom en plus, c’est le début d’un nouveau livre… Tu t’es libérée de l’ancienne Eva, physiquement parlant aussi : tu ne mets plus de maquillage, tu ne portes plus de faux-cils, t’es enfin toi-même personnellement et c’est important, pour une femme, de passer par là aussi pour s’affirmer un peu plus.
J’étais dans une sorte de carapace, j’avais peur des critiques, j’avais peur de tout ce qu’il y a de méchant dans ce monde. J’avais peur qu’on ne m’aime pas, et du coup physiquement j’avais besoin de me sentir protégée, avec le maquillage, les cils, les longs ongles… j’aime toujours ça et j’en mettrai toujours, mais de temps en temps pour me faire kiffer moi et pas pour me protéger tout le temps de quelque chose. Je ne me sentais vraiment pas à l’aise à la place où j’étais… Pour revenir au début, je ne me sentais pas légitime d’être là, jamais. Et je ne pensais pas que c’était les commentaires des gens ou les critiques qui me faisaient ça, mais en fait avec du recul, si. J’avais l’impression que je ne pouvais pas me permettre de dire que j’étais une artiste. Et en même temps, quand je rentrais en studio, on me disait : « Le son c’est ça, ça et ça ; tu fais ça, ça et ça »… Alors qu’aujourd’hui je sais que c’est moi qui ai demandé à mettre de la guitare à la fin de « Seum ». La cover de mon album, ça part de mon inspiration, j’ai fait un moodboard, j’ai dit aux gens : « Je veux faire ça »… C’est tous ces trucs-là qui font qu’aujourd’hui je me sens beaucoup plus légitime à défendre ma musique. Vous aimez : trop cool, et si vous n’aimez pas je comprends, je ne peux pas plaire à tout le monde. Ma démarche est vraiment celle-là aujourd’hui et c’est pareil pour moi, mon visage, qui je suis. Je suis beaucoup plus libérée, je ne me maquille pratiquement jamais, et c’est bon pour ma peau en plus de ça [rires].

Maillot de bain asymétrique, jupe midi, sac Baguette, bracelets et boucles d’oreilles dorés, Fendi.
[Rires] Tu portes aussi des maillots de foot, Manchester par exemple… Comment est-ce que tu t’épanouis à travers la mode ?
Comme pour la musique, je trouve que le vêtement, ça exprime quelque chose. Il y a des jours où je suis fatiguée, je suis habillée en mode loose. Il y a une liberté artistique que tu peux prendre juste en t’habillant, ça te met en mouvement. C’est un move artistique, comme pour la musique, ça exprime quelque chose. Une veste, la manière dont elle est mise, ça exprime des choses différentes sur toi. Si je marche dans la rue avec ma veste bien serrée, tight, ça montre que je suis sûre de moi. Si je suis avec une capuche, je me renferme. La mode, la musique se combinent super bien et tu t’exprimes à travers les deux. Plus tu t’habilles comme tu le ressens, hors des codes, plus t’es cool.
Qu’est-ce que tu aimerais dire aux fans de la première heure, dont t’es très proche, et surtout aux nombreuses filles qui te suivent ? Qu’est-ce qui ne change pas entre l’ancienne et la nouvelle Eva ?
Eux·Elles avaient pris la peine de voir qui j’étais. Et rien n’a jamais changé avec eux·elles. Je suis fière de mon parcours, parce qu’il me permet de partager avec ceux·lles qui me suivent que ce n’est pas parce que les gens ont une idée définie sur toi que tu ne peux pas faire changer l’idée que les gens ont de toi, et que tu ne peux pas évoluer tout simplement. Il faut que rien ni personne ne soit une barrière pour ton bonheur et ton épanouissement artistique. Fais ce qu’il te plaît, parce que c’est ta vie à toi et celle de personne d’autre.

Top rayé, jupe monogrammée et sac Baguette, Fendi.

Cliquez ici pour commander le numéro printemps-été 2024 d’Antidote, dont ces photos et cette interview sont issus. 

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