Le rêve éveillé de Daniel Sannwald

Article publié le 17 février 2015

Art

Il y a quelque chose de joyeusement étrange dans le travail de Daniel Sannwald. Tout commence bien, ou du moins c’est ce qu’on croit. Un mannequin, un peu de mode, un soupçon de make-up. Et puis on y regarde de plus près. Là, à l’endroit où l’on s’y attend le moins, il y a quelque chose. Un faux pas, une erreur, un bug, qu’on aperçoit du coin de l’œil. Quelquefois, ça saute aux yeux, de plein fouet, et parfois c’est moins évident de mettre le doigt dessus.

Salvador Dalí a dit un jour que le surréalisme est « destructeur, mais il ne détruit que ce qu’il considère comme des chaînes qui entravent notre vision. » À bien des égards, la vision de Sannwald et son maniement dangereusement iconoclaste de la technologie au sens large – des appareils photos de téléphones à clapet aux logiciels de retouche les plus perfectionnés – proposent une réinterprétation pop et profondément post-moderne du surréalisme. Son point de vue célèbre l’hyper-beauté tout en la déconstruisant simultanément, révélant le potentiel étrange des sujets les plus innocents.

Il était l’homme de la situation pour cette édition digitale d’Antidote, pour laquelle le magazine souhaitait sublimer et interroger le monde 3.0 dans lequel nous vivons. Neuf jours durant, Daniel a pris 150 photos entre Paris, Londres et New York. Ses armes de prédilection vont d’un téléphone low tech à un étroit réseau de virtuoses de la post-production. « J’ai cherché le contraste entre un fini parfait et quelque chose de plus brut », dit-il à propos des shootings. « Chaque jour était un nouveau jeu. J’ai vu ça comme une cour de récré géante. Je m’ennuie facilement, et j’adore expérimenter de nouvelles choses, j’aime voir ce qui se passe si on bricole ceci ou si on tire cela. L’idée c’est qu’il faut essayer en permanence de franchir ses propres limites », poursuit-il.

Il est comme ça Daniel, son approche indéniablement punk est émaillée d’un sens de l’humour simple et enfantin. En discutant avec lui, on a le sentiment qu’il est à la fois solidement ancré dans le réel mais qu’il croit mordicus aux légendes urbaines. C’est peut-être dû au fait que, derrière cet homme de 35 ans né en Allemagne et désormais bien établi à Londres (il est régulièrement sollicité par des publications comme Pop, Arena Homme+ ou i-D), se cache un passé particulièrement difficile. En fait, la photographie ne s’est pas imposée à lui d’une manière simple, ni évidente. Son père, artiste et photographe, meurt alors qu’il n’a que six ans.

Daniel était loin d’imaginer que, quelques années plus tard, il marcherait dans les pas de son père afin d’assembler le passé et le futur et de se réconcilier avec des souvenirs douloureux. « Je voulais me rappeler des choses positives à propos de mon père, et j’ai trouvé un lien avec lui à travers son travail. J’ai senti que je devais poursuivre sa voie », explique-t-il.

Après une adolescence débridée, il se retrouve adulte avant l’heure et part seul parcourir le monde. Il se rappelle alors avoir croisé un homme qui lui conseille de s’inscrire à l’illustre Académie Royale des Beaux-arts d’Anvers : « Je crois aux messages qui viennent jusqu’à moi, donc j’ai décidé de suivre ce conseil ».

C’est une révélation. À l’école, il rencontre des personnes qui ont les mêmes préoccupations et les mêmes passions que lui, et il peut alors se concentrer sur les siennes. C’est là que naît son approche subtilement révolutionnaire. « À l’époque, la tendance en photographie c’était le retour aux sources, faire de l’argentique, développer ses photos à la main. Mais je voulais créer des images en basse définition, pour les détruire, les salir. J’ai utilisé des photocopies, construit des esthétiques à la Tumblr, je cherchais à créer des chocs. » Quant à la mode, il y a été exposé sous sa forme la plus noble à l’académie d’Anvers, qui a notamment engendré des prodiges comme Martin Margiela et Ann Demeulemesteer. « J’ai pris conscience de l’étendue du potentiel créatif de la mode et de son pouvoir sémiotique », reconnaît-il.

Peu à peu, les choses bougent pour Daniel. Son diplôme en poche, il déménage à Londres, où Nicola Formichetti — qui travaille à l’époque pour Dazed&Confused — lui confie une page du magazine. La suite, on la connaît.
Désormais installé à Londres, près de Victoria Park, vous pouvez facilement le repérer en jogging baskets, probablement en train de fredonner le dernier morceau de Kelela. On dirait qu’il a trouvé une paix nouvelle qui n’entame en rien sa frénésie créative. Ses travaux lui permettent de réfléchir à la société : « Tout le monde est silencieusement obnubilé par son téléphone, comme si c’était la matrice. Nous vivons dans un silence incessant. Néanmoins, il y a quelque chose de fascinant et de beau à tirer de cette omniprésence d’images », conclut-il avec conviction.

Un texte d’Alice Pfeiffer

diapo-daniel

Les plus lus

« Demain est annulé… » : la nouvelle expo de la fondation groupe EDF explore les chemins de la sobriété

L’exposition gratuite « Demain est annulé… – de l’art et des regards sur la sobriété » rassemble les œuvres d’une vingtaine d’artistes français·es et internationaux·les invitant à repenser le modèle de notre société, au sein des 550 mètres carrés de l’espace de la Fondation groupe EDF, à Paris.

Lire la suite

Antidote revient avec une nouvelle soirée Fashion Week !

Antidote a le plaisir d’annoncer une nouvelle ANTIDOTE FASHION WEEK PARTY, le 30 SEPTEMBRE 2023, au club CARBONE (14 Rue Philippe de Girard, dans le 10ème arrondissement de Paris). Au programme de cette soirée, qui se déroulera de 23h à 6h : un live de Baby Morocco et des DJ sets de Dustin, Housewife 9, Mia Flaw et Jonas Alexander.

Lire la suite

Que s’est-il passé au cocktail Philipp Plein x Antidote, organisé en collaboration avec De Rigo ?

Antidote a co-organisé un cocktail dans la boutique parisienne de Philipp Plein, en collaboration avec la marque et le partenaire de sa section eyewear, de Rigo, à l’occasion du lancement de leur nouvelle collection de lunettes de soleil.

Lire la suite

Que s’est-il passé à l’avant-première de « Rotting in the Sun », co-hostée par Antidote ?

Antidote a collaboré avec Mubi à l’occasion de l’avant-première du film « Rotting in the Sun », en présence de son acteur principal, Jordan Firstman.

Lire la suite

Antidote revient avec une nouvelle soirée au club FVTVR

Antidote a le plaisir d’annoncer sa nouvelle soirée le 07 Juillet 2023 au club FVTVR avec DJ sets et performances artistiques au programme.

Lire la suite

Newsletter

Soyez le premier informé de toute l'actualité du magazine Antidote.