L’interview de Félix Maritaud, nouvelle étoile du cinéma français révélée dans « Sauvage »

Article publié le 29 août 2018

Texte : Maxime Retailleau
Photo : Félix Maritaud par Xiangyu Liu pour Antidote : Excess hiver 2018-2019.

Fulgurant dans le premier rôle du film Sauvage, où il incarne un prostitué plongé dans les affres d’une histoire d’amour à sens unique, l’acteur de 25 ans Félix Maritaud s’impose comme l’une des nouvelles figures du cinéma français à suivre de très près.

Après avoir rejoint les castings de 120 Battements par Minute en 2017 puis Un Couteau dans le Cœur de Yann Gonzalez cette année, Félix Maritaud incarne le personnage principal de Sauvage, le premier film du réalisateur français Camille Vidal-Naquet, qui sort en salles ce mercredi 29 août et nous embarque dans le monde de la prostitution masculine. Présenté à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes, il en est ressorti auréolé du Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation décerné à son acteur principal, fougueux et incandescent dans son rôle de tapin brûlant la vie par les deux bouts. Autant de raisons d’inviter cette nouvelle promesse du cinéma français à figurer dans le nouveau numéro hiver 2018-2019 d’Antidote : EXCESS, pour lequel le photographe Xiangyu Liu l’a shooté à Paris. Rencontre.

ANTIDOTE. Alors que tu pensais devenir jardinier pour la ville de Metz, tu as reçu un appel pour passer le casting de 120 battements par minute, comment ça se fait ?
FÉLIX MARITAUD.
Robin Campillo (le réalisateur de 120 BPM, ndlr) cherchait des mecs gays un peu engagés, charismatiques. On lui a montré ma photo, et il a voulu qu’on se rencontre.

Qu’est-ce qui t’a poussé à passer le casting, alors que tu n’envisageais pas de devenir acteur ?
J’étais dans une période de transition dans ma vie, je ne faisais pas grand chose, et puis c’est toujours plaisant quand on s’intéresse à toi. C’était une bonne expérience à prendre. J’y suis allé sans me poser trop de questions.

Camille Vidal-Naquet t’a rencontré lorsqu’il cherchait le premier rôle de son film Sauvage. Comment êtes-vous rentrés en contact ?
Sur le tournage de 120 battements par minute, Nahuel (Pérez Biscayart, qui jouait également dans ce film, ndlr) était en train de lire le scénario de Sauvage. Je suis arrivé, et je lui ai dit : « C’est quoi ça ? ». Il m’a répondu : « C’est un rôle pour toi ». Ensuite, j’ai fait la connaissance de Camille, c’était une très belle rencontre. Il y a une grande connivence artistique entre nous. Pourtant il ne m’avait jamais vu jouer dans un film. Camille a d’ailleurs refusé de voir 120 battements par minute avant que Sauvage ne soit monté et mixé, il ne voulait pas me voir dans un autre film pour ne pas dénaturer son rapport avec mon personnage.

Bande-annonce du film Sauvage. 

Le personnage de Léo a un côté très animal…
On est totalement coupés de nos instincts : la vie est conventionnée, les gens n’osent pas vraiment dire ce qu’ils ressentent, ils n’osent pas pleurer. Le personnage du film est lui dans une hyperémotivité, il y a quelque chose d’hyper intense en lui qu’il n’analyse pas, dont il ne prend pas conscience. Léo m’a reconnecté avec des choses très primitives. Il est un peu l’archétype de la liberté inconditionnelle. On a une image de la liberté à l’occidentale, on est tous libres avec des papiers, des codes sur soi, on est libres avec un compte en banque, une sécurité sociale… Lui, il n’a rien de tout ça, il fait ce qu’il veut, quand il veut. C’est un portrait d’un jeune homme amoureux et très libre. Le film ne parle pas de la vie, il parle depuis la vie ; c’est un long-métrage situationniste même dans sa construction.

Tu n’es pas issu d’une formation d’acteur classique. As-tu utilisé certains aspects de ton propre vécu pour construire ce personnage, qui constitue ton premier grand rôle ?
Je n’ai jamais vécu les situations qu’il traverse mais dans ma vie j’ai eu beaucoup de liberté. Quand tu fais des choix qui sont « destructeurs » et que ça te convient, c’est une liberté qui est dure à accepter pour la société. L’amour par exemple, donner inconditionnellement de l’amour. Ça je l’ai vraiment vécu, cette partie de moi je l’ai réinjectée dans le personnage. Mais je me reconnais moins dans son innocence et sa candeur. Je n’ai pas contrôlé ce personnage : je me suis mis à sa disposition, et il a pris possession de moi.

Tu es exhibé, tripoté ou même jeté à terre par moments dans le film, c’est un rôle très physique. Comment as-tu vécu les six semaines du tournage ?
C’était éprouvant mais en même temps, quand tu es l’acteur principal d’un film, tu es très protégé. À la fin du tournage, j’ai commencé à manifester une certaine forme de rébellion, par intégrité vis-à-vis du personnage. Sur des scènes de cascade, on voulait que je porte des protections et j’ai refusé, parce que personne ne protège Léo. J’étais un peu débordé par le personnage. C’était éprouvant surtout pour le corps, mentalement tu réussis à faire la part des choses. Mais c’est vrai que quand tu te fais tripoter pendant six semaines, ton corps en a marre et déclenche des réactions de défense. Au bout d’un moment je n’arrivais plus trop à avoir des rapports de tendresse.

Photo : Félix Maritaud par Xiangyu Liu pour Antidote : Excess hiver 2018-2019. Veste, chemise et pantalon, Antidote Care. Tee-shirt, Adidas.

J’ai appris qu’il y a une scène lors de laquelle tu as un peu perdu le contrôle. Que s’est-il passé concrètement ?
Il y a une scène durant laquelle le personnage fait une crise de détresse et d’asthme, sous un pont, où il se trouve seul. Pour cette scène on n’a tourné que deux plans séquences. Le premier a duré six minutes. Je pensais être en contrôle, avoir le choix sur le rythme de la respiration, et en fait tout est complètement parti en live, j’ai perdu pied ; ça a été très intense physiquement, et éprouvant émotionnellement. On a dû faire une pause sur le tournage, on était en pleurs avec Camille. Pendant les deux premières semaines de tournage j’avais toujours l’impression d’être en quelque sorte responsable de la souffrance du personnage, et là il m’a tapé sur l’épaule en me disant « Regarde, c’est comme ça que je souffre » et c’était assez hallucinant, comme une sorte de possession. Il n’y avait pas de parole dans cette scène, c’était quelque chose de purement physique. Quand on a coupé la scène j’étouffais de ce personnage, je suis parti loin du plateau, je me suis mis à chialer… J’aime bien les sensations fortes mais là j’en ai eu un peu trop, j’ai dû faire une pause d’une heure pour me calmer.

« Quand on tournait Sauvage, on n’avait pas de distributeur et on ne savait pas si le film allait sortir en salles un jour. Je n’ai pas fait ce film pour moi mais pour sa beauté et celle de son personnage. »

Tu as plus tard déclaré qu’après avoir terminé le film, il t’a fallu plusieurs mois avant de pouvoir vraiment te distancer de ton rôle de Léo.
Traverser une expérience intense, je compare souvent ça à un trip sous LSD : ça dure longtemps, c’est éreintant, ça avance par vagues, et à la fin il y a une sorte de période de réadaptation. Quand tu perds en partie ton identité en incarnant un personnage, tu dois ensuite reconstruire ton identité propre et te remettre sur pieds, ça nécessite un peu de temps. Je voulais aussi accepter cette expérience, la digérer, qu’elle devienne une force. Les gens ont l’impression que c’est dur mais en fait non, pas du tout. Après avoir ressenti une telle liberté à travers ce personnage, c’est hyper facile de vivre, ça fait vraiment relativiser beaucoup de choses sur le matérialisme et l’appartenance sociale.

Tu as reçu un prix pour ton interprétation dans le cadre de la Semaine de la Critique du Festival de Cannes. Qu’as-tu ressenti lorsqu’on te l’a remis ?
C’est un peu particulier car de base je me fiche un peu des prix, je ne suis pas devenu acteur pour en recevoir. Même s’il est vraiment agréable de recevoir ce type de marques de reconnaissance, je trouve les compétitions entre artistes un peu bizarres : sur quels critères doit-on se baser ? Quand on tournait Sauvage, on n’avait pas de distributeur et on ne savait pas si le film allait sortir en salles un jour. Je n’ai pas fait ce film pour moi mais pour sa beauté et celle de son personnage.

Toute la semaine à Cannes les journalistes et toute ma famille m’ont dit que j’allais obtenir le prix. C’était un peu pesant, je n’étais pas très bien avant la cérémonie, mais quand on me l’a remis j’étais finalement hyper ému et j’ai ressenti beaucoup de gratitude.

Photo : Félix Maritaud par Xiangyu Liu pour Antidote : Excess hiver 2018-2019. Pull, Acne Studios. Short, Antidote Care. Pantalon, C.P. Company. Sneakers, ASICS. Ballon et chaussettes, Nike.

Quel regard portes-tu sur ta jeune carrière, qui s’est lancée de manière imprévue mais se révèle déjà prometteuse ?
J’ai un mentor dans le cinéma : c’est Béatrice Dalle, on est devenus très proches avec le temps. Elle m’aide à rester intègre, à ne pas me laisser happer par tous les systématismes qu’on peut retrouver dans l’industrie du cinéma – avec lesquels on peut aussi jouer. Elle m’a dit un jour : « On sera riches dans nos cœurs, l’intégrité paiera mon chéri ». Mon objectif est de rester en phase : tant qu’on me demandera d’être acteur je le ferai avec plaisir – et je suis optimiste – mais si jamais tout s’arrête, je continuerai à vivre. J’ai des rêves comme tout le monde, et c’est vrai que le cinéma fait rêver : je rencontre des réals qui sont des gens très intéressants, très intelligents, il y a énormément de gens brillants dans le cinéma, moi j’adore ça. Mais après, c’est du bonus. Je suis très fier des films que j’ai faits, j’ai toujours travaillé avec de l’amour pour les réalisateurs, les autres acteurs et pour les films. Je n’ai jamais fait ça pour moi, et je crois que c’est bien d’être dans un rapport où tu donnes pour les autres et où tu n’as pas trop envie de choses pour toi-même. Être désintéressé ça aide. Après je peux avoir des accès de prétention qui jaillissent car j’ai l’impression d’avoir beaucoup à donner au cinéma français et à des réals qui en valent le coup.

Quels sont les réalisateurs avec qui tu rêverais de collaborer ?
J’aimerais tourner avec Wes Anderson et Audiard, Claire Denis aussi. J’aime les réalisateurs qui pensent à leur film et non à la vie de leur film et aux prix qu’ils pourraient remporter. Être confronté à des personnes comme Robin Campillo, Camille Vidal-Naquet ou Yann Gonzales, ça m’a permis d’être plus intelligent, plus ouvert d’esprit, bon et généreux.

Le cinéma c’est un métier très noble si tu le fais pour les films et dans une recherche d’exaltation. Je crois que les acteurs qui sont trop volontaires ne sont pas attirants, ils sont toujours confrontés à de la frustration. Quand tu en veux trop, tu n’as jamais ce que tu veux, mais quand tu ne veux rien tu as tout ce qu’il te faut.

Photo : Félix Maritaud par Xiangyu Liu pour Antidote : Excess hiver 2018-2019. Veste et hoodie, Antidote Care. Pantalon, Avoc. Tee-shirt, Nike. Sneakers, ASICS.

Le film Sauvage de Camille Vidal-Naquet sort en salles ce mercredi 29 août 2018.

Après avoir rejoint les castings de 120 Battements par Minute en 2017 puis Un Couteau dans le Cœur de Yann Gonzalez cette année, Félix Maritaud incarne le personnage principal de Sauvage, le premier film du réalisateur français Camille Vidal-Naquet, qui sort en salles ce mercredi 29 août et nous embarque dans le monde de la prostitution masculine. Présenté à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes, il en est ressorti auréolé du Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation décerné à son acteur principal, fougueux et incandescent dans son rôle de tapin brûlant la vie par les deux bouts. Autant de raisons d’inviter cette nouvelle promesse du cinéma français à figurer dans le nouveau numéro hiver 2018-2019 d’Antidote : EXCESS, pour lequel le photographe Xiangyu Liu l’a shooté à Paris. Rencontre.

ANTIDOTE. Alors que tu pensais devenir jardinier pour la ville de Metz, tu as reçu un appel pour passer le casting de 120 battements par minute, comment ça se fait ?
FÉLIX MARITAUD.
Robin Campillo (le réalisateur de 120 BPM, ndlr) cherchait des mecs gays un peu engagés, charismatiques. On lui a montré ma photo, et il a voulu qu’on se rencontre.

Qu’est-ce qui t’a poussé à passer le casting, alors que tu n’envisageais pas de devenir acteur ?
J’étais dans une période de transition dans ma vie, je ne faisais pas grand chose, et puis c’est toujours plaisant quand on s’intéresse à toi. C’était une bonne expérience à prendre. J’y suis allé sans me poser trop de questions.

Camille Vidal-Naquet t’a rencontré lorsqu’il cherchait le premier rôle de son film Sauvage. Comment êtes-vous rentrés en contact ?
Sur le tournage de 120 battements par minute, Nahuel (Pérez Biscayart, qui jouait également dans ce film, ndlr) était en train de lire le scénario de Sauvage. Je suis arrivé, et je lui ai dit : « C’est quoi ça ? ». Il m’a répondu : « C’est un rôle pour toi ». Ensuite, j’ai fait la connaissance de Camille, c’était une très belle rencontre. Il y a une grande connivence artistique entre nous. Pourtant il ne m’avait jamais vu jouer dans un film. Camille a d’ailleurs refusé de voir 120 battements par minute avant que Sauvage ne soit monté et mixé, il ne voulait pas me voir dans un autre film pour ne pas dénaturer son rapport avec mon personnage.

Bande-annonce du film Sauvage. 

Le personnage de Léo a un côté très animal…
On est totalement coupés de nos instincts : la vie est conventionnée, les gens n’osent pas vraiment dire ce qu’ils ressentent, ils n’osent pas pleurer. Le personnage du film est lui dans une hyperémotivité, il y a quelque chose d’hyper intense en lui qu’il n’analyse pas, dont il ne prend pas conscience. Léo m’a reconnecté avec des choses très primitives. Il est un peu l’archétype de la liberté inconditionnelle. On a une image de la liberté à l’occidentale, on est tous libres avec des papiers, des codes sur soi, on est libres avec un compte en banque, une sécurité sociale… Lui, il n’a rien de tout ça, il fait ce qu’il veut, quand il veut. C’est un portrait d’un jeune homme amoureux et très libre. Le film ne parle pas de la vie, il parle depuis la vie ; c’est un long-métrage situationniste même dans sa construction.

Tu n’es pas issu d’une formation d’acteur classique. As-tu utilisé certains aspects de ton propre vécu pour construire ce personnage, qui constitue ton premier grand rôle ?
Je n’ai jamais vécu les situations qu’il traverse mais dans ma vie j’ai eu beaucoup de liberté. Quand tu fais des choix qui sont « destructeurs » et que ça te convient, c’est une liberté qui est dure à accepter pour la société. L’amour par exemple, donner inconditionnellement de l’amour. Ça je l’ai vraiment vécu, cette partie de moi je l’ai réinjectée dans le personnage. Mais je me reconnais moins dans son innocence et sa candeur. Je n’ai pas contrôlé ce personnage : je me suis mis à sa disposition, et il a pris possession de moi.

Tu es exhibé, tripoté ou même jeté à terre par moments dans le film, c’est un rôle très physique. Comment as-tu vécu les six semaines du tournage ?
C’était éprouvant mais en même temps, quand tu es l’acteur principal d’un film, tu es très protégé. À la fin du tournage, j’ai commencé à manifester une certaine forme de rébellion, par intégrité vis-à-vis du personnage. Sur des scènes de cascade, on voulait que je porte des protections et j’ai refusé, parce que personne ne protège Léo. J’étais un peu débordé par le personnage. C’était éprouvant surtout pour le corps, mentalement tu réussis à faire la part des choses. Mais c’est vrai que quand tu te fais tripoter pendant six semaines, ton corps en a marre et déclenche des réactions de défense. Au bout d’un moment je n’arrivais plus trop à avoir des rapports de tendresse.

Photo : Félix Maritaud par Xiangyu Liu pour Antidote : Excess hiver 2018-2019. Veste, chemise et pantalon, Antidote Care. Tee-shirt, Adidas.

J’ai appris qu’il y a une scène lors de laquelle tu as un peu perdu le contrôle. Que s’est-il passé concrètement ?
Il y a une scène durant laquelle le personnage fait une crise de détresse et d’asthme, sous un pont, où il se trouve seul. Pour cette scène on n’a tourné que deux plans séquences. Le premier a duré six minutes. Je pensais être en contrôle, avoir le choix sur le rythme de la respiration, et en fait tout est complètement parti en live, j’ai perdu pied ; ça a été très intense physiquement, et éprouvant émotionnellement. On a dû faire une pause sur le tournage, on était en pleurs avec Camille. Pendant les deux premières semaines de tournage j’avais toujours l’impression d’être en quelque sorte responsable de la souffrance du personnage, et là il m’a tapé sur l’épaule en me disant « Regarde, c’est comme ça que je souffre » et c’était assez hallucinant, comme une sorte de possession. Il n’y avait pas de parole dans cette scène, c’était quelque chose de purement physique. Quand on a coupé la scène j’étouffais de ce personnage, je suis parti loin du plateau, je me suis mis à chialer… J’aime bien les sensations fortes mais là j’en ai eu un peu trop, j’ai dû faire une pause d’une heure pour me calmer.

« Quand on tournait Sauvage, on n’avait pas de distributeur et on ne savait pas si le film allait sortir en salles un jour. Je n’ai pas fait ce film pour moi mais pour sa beauté et celle de son personnage. »

Tu as plus tard déclaré qu’après avoir terminé le film, il t’a fallu plusieurs mois avant de pouvoir vraiment te distancer de ton rôle de Léo.
Traverser une expérience intense, je compare souvent ça à un trip sous LSD : ça dure longtemps, c’est éreintant, ça avance par vagues, et à la fin il y a une sorte de période de réadaptation. Quand tu perds en partie ton identité en incarnant un personnage, tu dois ensuite reconstruire ton identité propre et te remettre sur pieds, ça nécessite un peu de temps. Je voulais aussi accepter cette expérience, la digérer, qu’elle devienne une force. Les gens ont l’impression que c’est dur mais en fait non, pas du tout. Après avoir ressenti une telle liberté à travers ce personnage, c’est hyper facile de vivre, ça fait vraiment relativiser beaucoup de choses sur le matérialisme et l’appartenance sociale.

Tu as reçu un prix pour ton interprétation dans le cadre de la Semaine de la Critique du Festival de Cannes. Qu’as-tu ressenti lorsqu’on te l’a remis ?
C’est un peu particulier car de base je me fiche un peu des prix, je ne suis pas devenu acteur pour en recevoir. Même s’il est vraiment agréable de recevoir ce type de marques de reconnaissance, je trouve les compétitions entre artistes un peu bizarres : sur quels critères doit-on se baser ? Quand on tournait Sauvage, on n’avait pas de distributeur et on ne savait pas si le film allait sortir en salles un jour. Je n’ai pas fait ce film pour moi mais pour sa beauté et celle de son personnage.

Toute la semaine à Cannes les journalistes et toute ma famille m’ont dit que j’allais obtenir le prix. C’était un peu pesant, je n’étais pas très bien avant la cérémonie, mais quand on me l’a remis j’étais finalement hyper ému et j’ai ressenti beaucoup de gratitude.

Photo : Félix Maritaud par Xiangyu Liu pour Antidote : Excess hiver 2018-2019. Pull, Acne Studios. Short, Antidote Care. Pantalon, C.P. Company. Sneakers, ASICS. Ballon et chaussettes, Nike.

Quel regard portes-tu sur ta jeune carrière, qui s’est lancée de manière imprévue mais se révèle déjà prometteuse ?
J’ai un mentor dans le cinéma : c’est Béatrice Dalle, on est devenus très proches avec le temps. Elle m’aide à rester intègre, à ne pas me laisser happer par tous les systématismes qu’on peut retrouver dans l’industrie du cinéma – avec lesquels on peut aussi jouer. Elle m’a dit un jour : « On sera riches dans nos cœurs, l’intégrité paiera mon chéri ». Mon objectif est de rester en phase : tant qu’on me demandera d’être acteur je le ferai avec plaisir – et je suis optimiste – mais si jamais tout s’arrête, je continuerai à vivre. J’ai des rêves comme tout le monde, et c’est vrai que le cinéma fait rêver : je rencontre des réals qui sont des gens très intéressants, très intelligents, il y a énormément de gens brillants dans le cinéma, moi j’adore ça. Mais après, c’est du bonus. Je suis très fier des films que j’ai faits, j’ai toujours travaillé avec de l’amour pour les réalisateurs, les autres acteurs et pour les films. Je n’ai jamais fait ça pour moi, et je crois que c’est bien d’être dans un rapport où tu donnes pour les autres et où tu n’as pas trop envie de choses pour toi-même. Être désintéressé ça aide. Après je peux avoir des accès de prétention qui jaillissent car j’ai l’impression d’avoir beaucoup à donner au cinéma français et à des réals qui en valent le coup.

Quels sont les réalisateurs avec qui tu rêverais de collaborer ?
J’aimerais tourner avec Wes Anderson et Audiard, Claire Denis aussi. J’aime les réalisateurs qui pensent à leur film et non à la vie de leur film et aux prix qu’ils pourraient remporter. Être confronté à des personnes comme Robin Campillo, Camille Vidal-Naquet ou Yann Gonzales, ça m’a permis d’être plus intelligent, plus ouvert d’esprit, bon et généreux.

Le cinéma c’est un métier très noble si tu le fais pour les films et dans une recherche d’exaltation. Je crois que les acteurs qui sont trop volontaires ne sont pas attirants, ils sont toujours confrontés à de la frustration. Quand tu en veux trop, tu n’as jamais ce que tu veux, mais quand tu ne veux rien tu as tout ce qu’il te faut.

Photo : Félix Maritaud par Xiangyu Liu pour Antidote : Excess hiver 2018-2019. Veste et hoodie, Antidote Care. Pantalon, Avoc. Tee-shirt, Nike. Sneakers, ASICS.

Le film Sauvage de Camille Vidal-Naquet sort en salles ce mercredi 29 août 2018.

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