Lil Kleine & Ronny Flex, Rich Chigga, KMN Gang ou encore Reykjavíkurdætur. Si leurs noms ne vous sont pas encore familiers, ces artistes sont de véritables phénomènes dans leur pays. Tour d’horizon de ce qui se fait de mieux sur la scène hip-hop à travers le monde.
Parce que le rap et le hip-hop sont des langages universels, de Reyjkavik à Jakarta, des Pays-Bas aux Philippines, de l’Ukraine à la Chine, de jeunes artistes font vivre la scène de leur pays et forcent le respect. Qu’ils chantent en anglais ou dans leur langue natale – dans une industrie ultra-dominée par les productions US -, ils abolissent les frontières et catapultent leur culture respective sur le devant de la scène. La preuve par huit.
RICH CHIGGA (INDONÉSIE)
Pour ceux qui en doutaient encore, l’Asie est une usine à fabriquer des stars. Alors que la Corée est fasciné par le phénomène K-Pop, l’émission de TV Show Me The Money (sorte de Nouvelle Star) érige des copies de stars américaines au rang d’icônes nationales, à l’instar de Chancellor ou Jay Park, l’auto-proclamé « Bieber » coréen. Dans ce contexte, la branche moins commerciale du genre se distingue et gagne de l’écho du côté des États-Unis. On pense évidemment à Keith Ape, mais c’est l’outsider Indonésien Rich Chigga qui se révèle véritablement cette année et réussit à gagner le respect de grandes figures du rap US comme Flatbush Zombies, Desiigner, Ghostface Killah ou Jazz Cartier.
KMN GANG (ALLEMAGNE)
La mode du cloud rap ne s’est pas arrêtée à nos frontières et contamine aussi nos voisins allemands où l’on retrouve le KMN Gang (Miami Yacine, Azet, Zuna et Nash), crew originaire de Dresde (dans la Saxe) qui n’est pas sans rappeler nos PNL nationaux. Si le poil est légèrement plus court, ils se revendiquent comme eux d’un esprit de famille et reproduisent la même esthétique, les mimiques, le flow et la production pour un succès tout aussi invraisemblable, atteignant régulièrement les dix millions de vues pour chacun de leur clip et totalisant plus d’un demi-million d’abonnés sur leur chaîne Youtube.
GHALI (ITALIE)
Il chante son amour pour la weed ou la pizza, s’amuse de métaphores Dragon Ball Z-iennes, mêle l’italien, l’arabe, le français et l’anglais et représente l’avenir du rap italien avec ses 120 millions de vues sur Youtube. Du haut de ses 24 ans, l’italo-tunisien Ghali n’est pas loin de devenir la nouvelle référence d’une scène transalpine qui commençait légèrement à tourner en rond. Loin d’être un inconnu en France, le Milanais d’origine a signé fin mars un featuring remarqué avec Lacrim intitulé Tristi. S’il a longtemps refusé le format album, lui préférant une stratégie d’un single tous les deux mois, Ghali dévoilera son premier opus ironiquement intitulé Album le 26 mai.
REYKJAVÍKURDÆTUR (ISLANDE)
Elles sont 14, répondent au nom imprononçable de Reykjavíkurdætur (« les filles de Reykjavik » en islandais) et ont mis le feu aux dernières Trans Musicales de Rennes. Dans le genre girl squad énervé, les Islandaises bousculent la scène musicale de Reykjavík et lèvent le doigt bien haut en direction du patriarcat d’un pays qui compte pourtant parmi les plus féministes de la planète, avec des textes forts sur le sexe oral, la pilosité, les ruptures amoureuses, le mouvement #freethenipples, les abus sexuels, le féminisme, le bodyshaming ou encore le sexisme ordinaire.
YEMI (SUÈDE)
Derrière l’inévitable fer de lance Yung Lean, une nouvelle génération de rappeurs brisent les frontières du froid scandinave. Parmi eux, Yemi, un jeune Suédois qui a fait le choix de se produire dans sa langue natale avant de sortir ses premiers morceaux en anglais en 2016. Avec son crew Europagang (qu’il forme avec le prometteur Busu et le producteur Teo Sweden), ils embrassent et s’inspirent d’un multiculturalisme pluriel : « le rap en Suède n’est pas vraiment construit sur une culture suédoise profondément ancrée comme c’est le cas aux États-Unis (…) ce qui est naturel pour moi et les gens avec qui je travaille est tiré de sons et d’expressions suédois, européens ou africo-européens. C’est ça notre véritable héritage« .
Грибы (UKRAINE)
La scène hip-hop underground d’Europe de l’est est sans conteste l’une des plus florissantes du continent. Parmi les artistes qui méritent toute notre attention, on peut citer « le Eminem Russe » Oxxxymiron, l’énigmatique et sombre Pharaoh, l’héritier de la trap d’Atlanta Yanix, ou encore l’autodidacte Ukrainien T-Fest, mais c’est Грибы (prononcé Grebz) qui se distingue largement depuis deux ans avec un rap corrosif et parodique à la croisée des genres. Dans une Ukraine encore fragile politiquement, le groupe effraye autant qu’il amuse, et avance torses bombés, visages masqués et têtes cagoulées en refusant de se soumettre au jeu médiatique. Inutile de chercher plus d’informations, ils n’ont tout simplement jamais accordé d’interviews et refusent d’apparaître dans les médias. Stratégie payante puisque chacun de leurs clips culmine à plusieurs dizaines de millions de vues.
HIGHER BROTHERS (CHINE)
Dans une Chine où la censure internet condamne la jeunesse à une culture musicale sommaire (il faut télécharger un VPN pour contourner le pare-feux et accéder à des sites comme Youtube, Soundcloud, Facebook, Twitter Google etc.), le collectif Higher Brothers fait figure d’OVNI. Alors que la scène rap gagne paradoxalement de l’attention en dehors de ses frontières cette année, le groupe s’auto-proclame leader du mouvement et se compare volontiers au phénomène Migos aux États-Unis. À juste titre, les Chinois multiplient les bangers qui approchent le million de vues sur des plateformes qui leurs sont pourtant interdites.
EYEDRESS (PHILIPPINES)
À Manilles aux Philippines, la guerre engagée entre le président Rodrigo Duterte et les cartels de drogues ont plongé le pays dans un tourbillon de violence et de pauvreté duquel émergera une scène rap confidentielle issue des ghettos. Grâce à des artistes comme le OWFUCK Gang, le mouvement gagne en visibilité et donnera des idées à toute une nouvelle génération qui, du haut de leur chambre, explore les possibilités d’un rap sans violence ni drogues. Parmi eux, Eyedress expérimente en anglais entre rap, R&B lo-fi et esthétique post-internet, et vient de sortir la mixtape Art Is Not A Sport.
LIL KLEINE & RONNY FLEX (PAYS-BAS)
C’est une déferlante tout droit venue des Pays-Bas. Tous deux titulaires d’une carrière solo honorable, c’est ensemble que Lil Kleine et Ronny Flex explosent les compteurs avec la compilation New Wave (où ils apparaissent sur 9 titres sur 14) dont est extrait le mega-tube Drank & Drugs : une apologie de l’alcool et la drogue sur une production signée Jack $hirac, et dont le clip laisse à voir plusieurs personnes simulant un acte sexuel objectophile. Résultat ? 30 millions de vues.